Pesticides : Elisabeth Borne dresse les contours du futur plan "Ecophyto 2030"
Lors de sa visite au Salon de l'agriculture ce 27 février, la Première ministre a précisé la nouvelle stratégie du gouvernement sur les pesticides. Ce futur plan Ecophyto 2030 qui doit être lancé cet été entend développer les alternatives aux pesticides, en protégeant la biodiversité et la santé.
En visite au Salon de l'agriculture ce 27 février, Élisabeth Borne a dressé les grandes lignes du nouveau plan sur les pesticides annoncé deux jours auparavant par Emmanuel Macron. Ce "plan de développement d'alternatives pour les produits phytosanitaires les plus importants", vise notamment à coordonner l'action de la France avec celle de l'Union européenne pour offrir "de la visibilité" aux agriculteurs concernant les produits qu'ils pourront ou non utiliser dans leurs champs. "Concrètement, cela signifie chercher à identifier de nouveaux usages, de nouveaux outils et de nouveaux produits pour mieux protéger les récoltes - tout en préservant notre biodiversité", a déclaré la Première ministre.
La cheffe du gouvernement a appelé ses ministres de l'Agriculture (Marc Fesneau), de la Transition écologique (Christophe Béchu) et de la Recherche (Sylvie Retailleau) à "présenter une nouvelle stratégie nationale" sur les produits phytosanitaires "d'ici l'été". "Ce nouveau plan Ecophyto 2030 sera construit avec tous les acteurs impliqués, au premier rang desquels les agriculteurs. Ses moyens seront augmentés", a-t-elle dit sans avancer de chiffres.
"Rien que le cadre européen"
"Je veux être claire : en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen", a-t-elle assuré, alors que ces dernières années, la France a choisi d'interdire certaines substances, nocives pour l'environnement, mais qui étaient encore autorisées au sein de l'Union européenne. "Nous ne créerons aucune distorsion de réglementation pour nos producteurs, sauf en cas de force majeure, quand la santé publique est menacée", a-t-elle ajouté.
"Notre approche est fondée sur la science et les avis des scientifiques. C'est la méthode que nous appliquons sur tous les produits. L'autre point cardinal, c'est qu'on ne transige pas avec la santé publique. Personne ici ne veut répéter les erreurs du chlordécone", a-t-elle souligné en référence au puissant pesticide utilisé jusqu'en 1993 dans les bananeraies françaises des Antilles et à l'origine de nombreux cancers.
Alternatives chimiques et non chimiques
Elisabeth Borne a demandé à ce que soient identifiées l'ensemble des substances en cours de réexamen en vue du renouvellement de leur autorisation de mise sur le marché, pour voir "celles qui sont les plus en risque (de sortir du marché, NDLR) dans les prochaines années". "Ensuite, nous devons mettre au point des alternatives, chimiques et non-chimiques, crédibles et efficaces. J'insiste sur ce point, car nous ne pouvons plus être uniquement dans la simple substitution d'une solution chimique par une autre", a-t-elle dit. Les solutions envisagées pourront aussi être des "changements de pratiques", détaille Élisabeth Borne, pour qui le plan Ecophyto 2030 se résume par "plus d’anticipation, plus d’innovation et plus d’accompagnement".
Ce plan vise notamment à rassurer les agriculteurs qui voient l'éventail des pesticides autorisés (insecticides, fongicides ou herbicides) se réduire ces dernières années, les laissant face à des "impasses". En janvier, le gouvernement avait dû renoncer à autoriser l'usage dérogatoire de semences de betteraves enrobées de néonicotinoïdes, un pesticide toxique pour les abeilles, à la suite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Les producteurs avaient vivement protesté, affirmant se retrouver sans aucune solution pour protéger leurs betteraves sucrières face à une éventuelle attaque virale de jaunisse - rappelant que cette maladie avait détruit près d'un tiers de la récolte française en 2020. Le 15 février, l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) a également annoncé son intention d'interdire les principaux usages du S-métolachlore, un herbicide très utilisé en France, dont les dérivés chimiques ont été retrouvés dans l'eau au-delà des limites autorisées (lire notre article).
Générations Futures réclame une "obligation de résultat" pour les agriculteurs
Pour l'association Générations futures, l’annonce de l’anticipation du retrait éventuel des 250 substances susceptibles d’être exclues ces prochaines années afin de pouvoir trouver des alternatives, y compris non chimiques, bien avant leur éventuelle interdiction, est "une idée intéressante", mais "il faudra néanmoins (…) donner la priorité aux solutions non chimiques." Pour l'association, les solutions agronomiques et le biocontrôle doivent ainsi "occuper le premier rang". A propos des moyens supplémentaires qui pourraient être affectés au futur Plan Ecophyto 2030, Générations Futures demande que cet effort supplémentaire "soit lié à l’introduction d’une obligation de résultat pour les agriculteurs, sur la base du respect d’objectifs définis à l’avance par culture et par région agricole plusieurs années à l’avance". "On ne peut plus continuer à déverser des millions d’euros pour ce plan chaque année pour des résultats très médiocres", estime l'association.