La Cour des comptes épingle le gouvernement sur la réduction des pesticides
Dans un référé rendu public ce 4 février, la Cour des comptes estime que les plans Écophyto mis en œuvre par l'État depuis 2008 pour réduire l'usage des pesticides n'ont pas atteint leurs objectifs, malgré la mobilisation de moyens publics importants.
Dans un référé datant de novembre 2019 et rendu public ce 4 février, la Cour des comptes épingle la politique de réduction des pesticides agricoles menée par l'État depuis 2008, à travers les plans Écophyto. "En dépit de ces actions et de la mobilisation de fonds publics pouvant être estimés, pour 2018, à environ 400 millions d'euros (dont 71 millions prélevés sur la redevance pour pollutions diffuses), plusieurs travaux d'évaluation ont dressé un bilan réservé de l'action menée. La Cour constate, pour sa part, que les effets des plans Écophyto demeurent très en deçà des objectifs fixés", indique-t-elle.
La consommation de produits phytosanitaires en agriculture a augmenté de 21% en France en 2018, selon un bilan en janvier du plan Écophyto 2, qui est chapeauté par quatre ministères - Agriculture, Santé, Recherche et Transition écologique. Depuis le Grenelle de l'environnement fin 2007, qui avait fixé un objectif de réduction de 50% de l'usage des pesticides de synthèse en 10 ans, les deux plans successifs mis en oeuvre, Écophyto 1 et 2, ont abouti à des échecs. En avril, le gouvernement a donc tenté pour la troisième fois de désintoxiquer l'agriculture des excès de la chimie en lançant un plan Écophyto 2+.
Demande de plus de transparence
"Dix ans après, les objectifs fixés ne sont pas atteints", souligne la Cour des comptes, qui estime que "plusieurs leviers peuvent favoriser l'évolution des pratiques agricoles". Elle demande également plus de transparence au niveau de la dépense des fonds publics, et de la consommation de ces produits en France. La Cour recommande ainsi de "publier et rendre accessibles au public, chaque année, les données et les analyses rendant compte de la politique menée, des substances actives émises et de leurs effets sur la santé humaine et sur l'environnement, notamment sous forme de cartographies". La Cour souhaite aussi que soit introduit, dans les négociations de la nouvelle politique agricole commune (PAC), un objectif prioritaire de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques. Elle demande également à l'État de "concevoir un cadre pluriannuel de programmation des financements issus de la redevance pour pollutions diffuses et affectés au plan Écophyto permettant d’accélérer la mise à disposition effective des crédits chaque année". Autre recommandation : "élaborer, tenir à jour et rendre public, à compter de l’exercice 2020, à l’échelon national et à l’échelon régional, un tableau de l’ensemble des ressources financières mobilisées pour mettre en oeuvre le plan Écophyto pluriannuel".
Nouvelles données courant avril
Dans sa réponse aux critiques de la Cour, datée du 3 février, le Premier ministre, Édouard Philippe, reconnaît que les objectifs ne sont pas atteints mais liste toutes les mesures déjà engagées par le gouvernement pour y remédier, notamment dans la loi Egalim (issue des états généraux de l'alimentation) d'octobre 2018.
"Dès 2020, le calendrier de mise à disposition des données de vente sera accéléré. Les services statistiques des ministères concernés seront mobilisés pour améliorer les systèmes d'information et bases de données publiques existants", assure-t-il en promettant de nouvelles données chiffrées provisoires "courant avril" 2020 sur les ventes de produits phytosanitaires en 2019, issues des déclarations des distributeurs de ces produits.
"L'objectif du gouvernement est d'améliorer la lisibilité, de permettre une vision pluri-annuelle sur les financements mobilisés dans le cadre d'Écophyto et de simplifier les circuits de financements", indique Édouard Philippe qui s'engage à le faire dès 2020. Dans la négociation de la future politique agricole commune (PAC) avec les autres pays membres, "la France porte un objectif de moindre dépendance vis-à-vis des intrants (notamment les produits phytosanitaires), sur la base d'objectifs de réduction quantifiés au niveau européen, intégrés dans la réglementation sur les produits phytosanitaires et dans la future PAC", répond également le Premier ministre.
Par ailleurs, Édouard Philippe rappelle que "les quantités de produits phytopharmaceutiques les plus préoccupants pour la santé et l'environnement ont diminué, entre 2009-2011 et 2016-2018, de 15% pour les produits dits 'CMR 1' (considérés comme cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, ndlr) et de 9% pour les produits dits 'CMR 2' (en moyenne triennale)".