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Environnement - Diesel, taxation du CO2 et ressources en eau au menu du comité pour la fiscalité écologique

Le comité pour la fiscalité écologique, qui réunit depuis décembre une quarantaine d'élus et de représentants des associations, des entreprises et des syndicats, a débattu le 14 juin de la possibilité d'introduire une composante carbone dans les taxes sur l'énergie et de réduire l'avantage fiscal du diesel sur l'essence. Deux sujets politiquement sensibles qu'il reviendra au gouvernement de trancher. Plus de trois ans après les vifs débats autour de la "taxe carbone" voulue par Nicolas Sarkozy, les discussions ont été "constructives" avec "un signal positif" en faveur d'une fiscalité écologique, a estimé l'eurodéputé EELV Yannick Jadot, qui s'attendait à "un débat beaucoup plus tendu". Le comité pour la fiscalité écologique n'a pas formellement voté. Mais les différents avis exprimés vont être consignés dans un rapport et soumis à l'arbitrage du gouvernement en vue de l'élaboration du budget pour 2014, ont indiqué des participants à l'AFP.
Le président du comité, l'économiste du climat Christian de Perthuis, avait proposé de lier, à partir de 2014, une partie des taxes pesant sur les énergies (carburants, gaz, fioul, etc.) à leur "contenu" en CO2, afin d'orienter les Français vers des énergies moins nocives pour le climat. Le sujet d'une taxation du CO2 est ultra-sensible depuis l'échec de la "taxe carbone" en 2009. Celle-ci avait alors été retoquée par le Conseil constitutionnel, puis reportée sine die par le gouvernement. La nouvelle proposition est donc doublée d'un mécanisme pour progressivement réduire l'avantage fiscal du diesel sur l'essence (18 centimes par litre) en raison de son impact sur la qualité de l'air. Elle s'accompagne d'aides financières pour les ménages et les entreprises, par exemple une incitation au retrait des plus vieux véhicules diesel.

"Scénario de compromis"

Lors de la réunion du comité au ministère de l'Ecologie, le 14 juin, la Fondation Nicolas Hulot (FNH) a défendu un "scénario de compromis" comprenant notamment un "rattrapage" plus rapide de l'écart entre diesel et essence (2 centimes au litre par an, contre 1 centime proposé, entre 2015 et 2020). Les associations de consommateurs et familiales, les collectivités territoriales et certains syndicats ont été plus favorables à ce scénario alternatif qu'au scénario initial, selon la FNH. Les représentants des agriculteurs et des entreprises n'ont en revanche pas pris position en évoquant l'absence d'étude pour évaluer l'impact de telles mesures sur certains secteurs, ont indiqué des participants.
L'Union française des industries pétrolières (Ufip) a rappelé être favorable à "un ajustement équilibré de la fiscalité de l'essence et du gazole", qui permettrait "à terme au raffinage français de mieux assurer l'approvisionnement du pays en carburants". Mais "un tel rééquilibrage n'exige en rien la création d'une nouvelle taxe", a-t-elle ajouté dans un communiqué. "L'environnement ne doit pas servir de prétexte à un nouvel impôt", a renchéri la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).
La sénatrice UMP Fabienne Keller, qui avait oeuvré pour la taxe carbone de 2009, a pour sa part regretté que les recettes fiscales envisagées (5 milliards d'euros escomptés en 2020) soient principalement fléchées vers le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE): "La taxe doit être recyclée pour réduire les consommations d'énergie, sinon on retombe sur une taxe de plus, ça perd son sens", a-t-elle estimé. Ce lien avec le crédit d'impôt "embête un peu tout le monde", a précisé à l'AFP Christian de Perthuis, tout en saluant une réunion qui "s'est très bien passée, dans le sens où il n'y a pas eu de tensions excessives". "On a changé de logiciel, maintenant on raisonne dans le cadre du schéma que j'ai proposé", a ajouté l'économiste, qui remettra son rapport au gouvernement "fin juin ou début juillet".

Qualité de l'eau : des pistes pour une fiscalité plus verte

Le comité s'est également penché le 14 juin sur les outils susceptibles d'améliorer la qualité de l'eau, ont indiqué des participants. Ces travaux étaient discutés alors que la France était le même jour condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne pour manquement à ses obligations en matière de lutte contre les nitrates, mais sans sanction financière à ce stade.
Le comité rappelle dans son projet d'avis que "la gestion de pollutions diffuses est problématique", et ce "qu'elle soit le résultat de la présence de molécules phytopharmaceutiques, d'un excès de nitrates ou de phosphore". Il estime aussi que "l'ajustement à la marge de la fiscalité existante n'est pas suffisante" et propose trois pistes d'évolution : la mise en place d'une fiscalité sur l'azote minéral (utilisé comme fertilisant), une évolution de la fiscalité sur les produits phytosanitaires et un ajustement de la redevance payée par les industriels et les agriculteurs (irrigation, refroidissement industriel, etc.). Christian de Perthuis a indiqué à l'AFP que cet avis n'avait pas été adopté faute de consensus, mais que seules trois voix étaient contre. "Les voix contre ne l'ont pas été sur le principe mais pour des demandes d'examens complémentaires", a indiqué le président du comité. Des participants ont précisé à l'AFP que le Medef, la CGPME et la FNSEA avaient voté contre et qu'il y avait eu des abstentions. Emmanuel Mermet, responsable CFDT, a jugé "importante et novatrice" la proposition de taxe sur l'azote assortie "d'aides financières pour modifier les pratiques agricoles".
Le comité se réunira de nouveau en septembre.