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Social - Deuxième année du plan Pauvreté : une feuille de route plutôt respectée, malgré des retards

Sous la houlette de François Chérèque, la mission de l'Inspection générale des affaires sociales a remis au Premier ministre le 26 janvier son rapport sur la deuxième année de mise en oeuvre du plan Pauvreté. Comme pour 2013, le bilan 2014 est nuancé : des avancées dans l'accès aux droits notamment, mais des retards dans la déclinaison territoriale du plan et les Etats généraux du travail social. S'inquiétant d'une hausse de la pauvreté des enfants en 2012, la mission demande l'adoption de mesures spécifiques d'accompagnement des familles. Et, sans surprise, le plus grand défi pour la suite du plan reste l'accès au logement des plus démunis.

Chargé du suivi du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale en février 2013 - peu de temps après avoir intégré l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) -, François Chérèque a remis au Premier ministre, le 26 janvier 2015, son deuxième rapport d'évaluation. Comme l'année dernière (voir nos articles des 23 et 27 janvier 2014), ce bilan servira de base à l'élaboration d'une "feuille de route actualisée" du plan Pauvreté que le gouvernement présentera "au début du mois prochain" - début mars vraisemblablement -, a précisé Matignon dans un communiqué du 26 janvier.
"Ce rapport riche, documenté, et sans complaisance dresse un bilan globalement positif de la mise en œuvre du plan", a salué le Premier ministre dans ce communiqué. La "montée en charge en deuxième année" est "satisfaisante", estime le chef du gouvernement, "même si tous les objectifs ne sont pas atteints notamment en matière de création de logements sociaux et très sociaux."
Accès aux droits, accès à l'emploi, hébergement et logement, santé, enfance et famille, inclusion bancaire, gouvernance des politiques de solidarité : les sept thématiques du plan ont fait l'objet d'un examen systématique par François Chérèque et les deux autres inspecteurs de l'Igas missionnés sur ce deuxième rapport d'évaluation, Christine Abrossimov et Mustapha Khennouf.

Trop compliqué, le "dossier simplifié" abandonné 

"La feuille de route a été plutôt bien suivie", a confirmé l'ancien secrétaire général de la CFDT, qui s'adressait à la presse à l'issue de son entrevue avec le Premier ministre. Avec comme principaux motifs de satisfaction : la montée en charge de la garantie jeunes, le déploiement des rendez-vous des droits pilotés par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), ou encore la réforme de l'insertion par l'activité économique.
En revanche, la mission d'inspection "regrette des retards" sur d'autres chantiers, outre les retards observés dans la construction de logements sociaux. Le "dossier simplifié qui devait unifier la demande de neuf prestations" est même "abandonné" suite à une "expérimentation non concluante", peut-on lire dans le rapport. Faute d'homogénéisation des bases ressources de ces différentes prestations, un dossier unique aurait en réalité abouti à plus de complexité, a expliqué François Chérèque. Pour lutter contre le non-recours aux droits, le gouvernement mise désormais sur deux autres initiatives : le simulateur de droits en ligne - déjà testé, sa diffusion avait été annoncée pour le premier trimestre 2015 - et le coffre-fort numérique - actuellement expérimenté avec le Groupe SOS et la fondation Abbé-Pierre.

Le travail social a besoin d'un "discours fort" 

La démarche des Etats généraux du travail social (EGTS) est l'autre grand dossier qui, de l'avis de des évaluateurs de l'Igas, a subi un retard notable. Il faut désormais "un calendrier ferme et précis" sur ces EGTS, mais aussi "un discours fort sur ce qu'on attend des travailleurs sociaux", a souligné François Chérèque. "Comme actuellement sur les enseignants", a-t-il ajouté. "Qu'attend la société française du travail social et de ses professionnels ?", interpelle plus largement la mission dans son rapport.
Pour le collectif associatif Alerte, qui présentait ce 26 janvier son propre bilan du plan Pauvreté (voir documents à télécharger ci-contre), au-delà de ces Etats généraux, les travailleurs sociaux doivent être "désormais associés à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation des politiques de lutte contre l’exclusion, aux niveaux national et local, comme cela commence à être le cas pour les personnes en situation de pauvreté." Sur l'ensemble du plan Pauvreté, les membres du collectif Alerte auront prochainement l'occasion de présenter leurs propositions au Premier ministre.

Des plans territoriaux formalisés dans 9 régions 

Si la territorialisation du plan Pauvreté dans son ensemble a aussi pris du retard, du fait notamment d'une publication tardive et en plein été de la circulaire aux préfets (voir notre article du 29 août 2014), le processus est désormais amorcé, de l'avis de François Chérèque. "La plupart des préfectures de régions" – toutes sauf cinq – "se sont engagées dans la déclinaison territoriale du plan dont neuf avec une élaboration formalisée", selon le rapport. Ce dernier mentionne toutefois le "peu d'animation nationale" en régions, "à l'inverse de ce qui avait été le cas la première année lors des rencontres sur le terrain organisées par la mission Igas".
Dans les annexes du rapport, on peut cependant lire une analyse détaillée de l'état d'avancement de cette territorialisation du plan Pauvreté, réalisée par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Cette dernière constate "une architecture hétérogène selon les territoires" à plusieurs niveaux : les modalités, les partenaires mobilisés, dont une participation des conseils généraux "à géométrie variable selon les territoires" du fait des incertitudes liées à la réforme territoriale.
Ce bilan de la DGCS évoque également l'articulation entre ces plans Pauvreté locaux et d'autres démarches de planification. Parmi les quelques exemples cités, le pacte territorial d'insertion porté par le département de l'Yonne affiche ainsi une "cohérence" avec les orientations du plan Pauvreté. Sur cet enjeu de coordination et de simplification, la DGCS fait également le point sur les avancées de l'expérimentation AGILLE ("Améliorer la gouvernance et développer l'initiative locale afin de mieux lutter contre l'exclusion"). Une douzaine de départements – conseils généraux et représentants de l'Etat local - sont engagés dans la démarche, et une quinzaine d'autres départements seraient intéressés.

Faire reculer la pauvreté des enfants 

Au final, la pauvreté a-t-elle reculé depuis le début de la mise en œuvre du plan gouvernemental ? Les auteurs du rapport ne peuvent pas répondre à cette question, du fait d'un décalage dans la production et la diffusion des données statistiques. La mission Igas peut seulement constater "une relative stagnation du taux global de pauvreté en France" en 2012 et alerter sur l'inquiétante progression de la pauvreté des enfants. Entre 2008 et 2012, 440.000 enfants supplémentaires de moins de 18 ans vivant dans des familles pauvres, souvent monoparentales, ont été ainsi dénombrés.
"Cela valide les priorités du plan" et les mesures prises par le gouvernement en faveur des familles pauvres, a commenté François Chérèque. Les dispositions financières adoptées antérieurement au bénéfice des personnes âgée – revalorisation des minima sociaux et des retraites – ont selon lui porté leurs fruits. Pour l'ancien dirigeant syndical, cela prouve qu'"on peut faire reculer la pauvreté dans une catégorie sociale".
Au-delà de ces aides financières, des actions spécifiques sont nécessaires pour ces familles, détaille la mission dans son rapport : un accès facilité aux modes de garde et "des accompagnements renforcés vers l'emploi".

La nécessité d'un "plan massif d'accès à l'hébergement et au logement"

Parmi leurs autres préconisations, les trois inspecteurs de l'Igas demandent la poursuite de "l'effort de construction en faveur des PLAI" et l'élaboration d'un "plan massif d'accès à l'hébergement et au logement afin de résorber l'utilisation excessive de nuitées hôtelières, en particulier par l'intermédiation locative, et en prenant en compte la situation des familles déboutées du droit d'asile".
Considérant que l'accès au logement des plus démunis était au cœur du plan Pauvreté adopté en 2013 et constatant "l'échec de cette politique", la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) a demandé ce mardi 27 janvier "la négociation immédiate d’un acte II du plan pauvreté intégrant notamment une loi de programmation d’hébergements pérennes et de logements très sociaux", ainsi qu'une "mobilisation du parc privé vacant" et "un plan de sortie des hôtels". A l'occasion de ses Assises pour l'accès au logement des sans-abri, la Fnars a récemment appelé le gouvernement, les collectivités locales, les bailleurs et les associations à souscrire à un "pacte pour sortir de l'urgence" (voir notre article du 16 janvier). Le 3 février prochain, ce sera au tour de la fondation Abbé-Pierre de présenter son rapport annuel - le vingtième - sur l'état du mal-logement.  

 

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