Commande publique - Deux candidats, un même prix... comment réagir ?
Dans une décision du 10 mars 2010, l’Autorité de la concurrence a rappelé que l’échange d’information entre candidats à un même appel d’offres a pour effet de fausser le jeu de la concurrence.
Le conseil général des Alpes-Maritimes avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert afin de réaliser des travaux paysagers sur un carrefour. Parmi les trois propositions retenues par la CAO, les deux offres économiquement les plus intéressantes étaient parfaitement identiques. C’est la raison pour laquelle le pouvoir adjudicateur a saisi l’Autorité de la concurrence.
Les entreprises ayant tenté un groupement peuvent présenter des offres autonomes à condition que les informations échangées ne portent pas sur l’appel d’offres
Les deux concurrents en cause souhaitaient présenter une réponse commune à l’appel d’offres mais n’ont finalement pas soumissionné ensemble. Selon une jurisprudence constante, l’Autorité de la concurrence octroie la possibilité pour des entreprises ayant initialement prévu de se regrouper, de répondre in fine de façon individuelle. Néanmoins, une restriction importante est venue restreindre cette possibilité : "Les échanges d’informations effectuées entre entreprises susceptibles de participer à un groupement ne doivent pas porter sur des éléments de l’appel d’offres tant que le groupement n’est pas constitué" (décision n°06-D-25 du 28 juillet 2006). Or, dans le cas d'espèce, les deux candidats ne s'étant finalement pas regroupés, ils ne pouvaient donc pas discuter sur des éléments de l'appel d'offres.
Pour l'Autorité de la concurrence, l’identité parfaite des prix proposés par les deux entreprises candidates constitue un indice suffisant prouvant que l’échange d’information a altéré l’indépendance de leurs offres respectives. Les incohérences apparaissant dans les devis descriptifs ont eu pour effet de "tromper le maître d’ouvrage" en simulant une concurrence artificielle, dénuée de toute volonté réelle d’obtenir ledit marché. L’Autorité condamne donc l’entente concertée et inflige des sanctions pécuniaires à chacune des entreprises mises en cause.
Les collectivités victimes de pratiques anticoncurrentielles peuvent demander une indemnisation
Les amendes infligées aux entreprises coupables tombent dans les caisses de l’Etat alors que le préjudice pèse sur les finances de la collectivité adjudicatrice. Si l’Autorité de la concurrence n’est pas compétente pour accorder des dommages et intérêts, la collectivité peut malgré tout demander réparation du préjudice subi. Lorsqu’il existe un risque d’entente, il est conseillé de déclarer l’appel d’offres infructueux puis de saisir l’Autorité de la concurrence. Ensuite, si le degré de gravité du préjudice le justifie, la collectivité requérante (représentée par son autorité administrative et assistée d’un avocat) peut saisir le tribunal administratif d’un recours sur le fondement du dol.
Pour obtenir une indemnisation, la collectivité doit démontrer la réalité de la manœuvre dolosive - c’est-à-dire un échange d’informations dans le but de vicier son consentement -, l’existence d’un préjudice direct (retard du chantier, pertes économiques, etc.) et d’un lien de causalité. Cette démonstration sera d’autant plus aisée que, comme en l’espèce, une décision de l’Autorité de la concurrence a déjà sanctionné la pratique illicite.
Apasp
Référence : décision n°10-D-10 du 10 mars 2010 relative à des pratiques relevées à l’occasion d’un appel d’offres du conseil général des Alpes-Maritimes pour des travaux paysagers d’aménagement d’un carrefour routier.
"Dol" : manœuvres intentionnellement frauduleuses destinées à tromper le partenaire.
"Entente anticoncurrentielle" : concertation prohibée ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (art. 81 et 82 du Traité de Rome).
"Preuve de l’entente" : elle peut être apportée par tous les moyens et résulter d’écrits, de présomptions ou d’indices.
"Sanctions" : au terme de l’article L.464-2 du Code de commerce, le montant maximum de la sanction pécuniaire peut atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial hors taxes de l'entreprise.