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Fonds européens - Des indicateurs plus "solidaires" pour la politique de cohésion ?

Repenser la notion de solidarité et l'utilisation du PIB comme critère de référence fait partie des chantiers auxquels les tenants de la politique régionale veulent s'atteler. Un séminaire organisé à Bruxelles par la Conférence des régions périphériques et maritimes en a témoigné.

Volontiers présentés par les gouvernements comme un ersatz de plan de relance, les fonds régionaux européens ne sont pourtant pas épargnés par la cure d'amaigrissement que les Etats veulent imposer au budget européen à partir de 2014. Une perspective qui nourrit la réflexion des acteurs régionaux. "La solidarité est la racine de l'Europe politique", a résumé le 10 février Jean-Yves Le Drian, le président de la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM). Une instance qui organisait ce jour-là au Comité des régions, à Bruxelles, un séminaire intitulé "La solidarité européenne au service du développement des territoires européens, quels enjeux pour la politique européenne de cohésion 2014-2020 ?". "Sans solidarité, l'UE serait seulement une zone de libre-échange", a estimé celui qui est par ailleurs président de la région Bretagne.

"Ce n'est pas l'abbé Pierre"

La logique redistributive n'est toutefois pas ouverte à tous les vents. En Grèce, l'UE a décidé dans le contexte de crise de réorienter massivement ses aides vers les PME, tout en couvrant 85% du coût des projets financés. Mais en aucun cas la solidarité ne "vise à compenser les baisses de salaires, les pensions ou la suppression des services publics", relève Mercedes Bresso, présidente du Comité des régions. Il s'agit, en d'autres termes, de lutter contre l'image vieillotte d'une politique de cohésion qui obéirait au principe de charité. La solidarité dont il est question est "moderne" et fait "le lien avec l'innovation, commente Jean-Yves Le Drian. Ce n'est pas l'abbé Pierre".
Tournés vers l'emploi, les énergies renouvelables, le haut débit ou les infrastructures, les fonds régionaux européens sont attribués avec plus ou moins d'intensité dans chaque Etat. Les régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75% de la moyenne européenne captent plus de 80% des 347 milliards d'euros disponibles jusqu'en 2013. Mais de l'avis de nombreux observateurs, le primat du PIB a vécu et il est temps de le compléter en introduisant "des indicateurs sociaux et environnementaux", estime Mercedes Bresso.
En France, le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi avait déjà pointé les limites du recours unique au PIB. "Les niveaux de vie matériels sont plus étroitement associés aux mesures des revenus réels et de la consommation réelle : la production peut croître alors que les revenus décroissent", écrivaient les économistes en 2009. Un tel outil peut donc avoir tendance à biaiser l'image associée à certains territoires. Avec un PIB par habitant proche de 100% de la moyenne communautaire, la Haute-Normandie, par exemple, passe pour une région française bien portante. Or, son "niveau éducatif est l'un des plus faibles et le taux de chômage ne cesse de progresser", relève sur son blog Franck Sottou, professeur au Cnam.

Transferts sociaux

En présentant ses propositions de réforme de la politique régionale à l'automne, la Commission européenne n'a pas osé faire une entorse aux traditions, gardant donc le PIB comme critère de référence. Le 20 décembre 2011, le parlement européen a pourtant tenu à débattre du sujet avec quelques spécialistes. Franck Sottou a par exemple suggéré la mise en place d'un indicateur qui évaluerait le niveau de développement d'un territoire à travers son accès à l'énergie, aux transports et aux nouvelles technologies. Christian Vandermotten, co-auteur d'une étude sur le sujet, considère de son côté que le revenu disponible après transferts sociaux est l'un des critères les plus pertinents pour compléter l'analyse qui ressort du classement des régions par PIB.
Mais pas sûr que tous les territoires s'y rallient… Des régions comme le Limousin ou le Languedoc-Roussillon, peu industrialisées et dont le PIB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne européenne, arrivent dans le peloton de tête des territoires ayant les revenus les plus élevés après transferts sociaux. Un résultat peu étonnant pour ces terres d'accueil de retraités. Mais cette situation statistique pourrait les incommoder à l'heure où ces territoires cherchent à obtenir le statut de "régions en transition" afin de toucher les compensations financières qui vont avec.