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Insertion - Dernière ligne droite pour les décrets sur le RSA

Après avoir recueilli un avis favorable - à quelques remarques près - auprès de toutes les instances consultées, trois décrets relatifs à la mise en oeuvre du revenu de solidarité et à la réforme des politiques d'insertion sont actuellement au Conseil d'Etat et pourraient être publiés fin mars. Cette parution précoce devrait faciliter la mise en place d'une réforme qui s'annonce néanmoins complexe.

Les deux principaux projets de décrets - un décret simple et un en Conseil d'Etat - "relatifs à la généralisation du revenu de solidarité active et à la réforme des politiques d'insertion" portent ainsi l'intitulé de la loi du 1er décembre 2008. Contrairement à d'autres textes, celle-ci présente en effet la particularité de descendre à un grand niveau de détail dans la mise en oeuvre de la nouvelle prestation. Les deux décrets suivent donc le découpage du texte de loi, pour en préciser certaines dispositions.

 

Un référentiel d'orientation proposé par la Cnaf

Le décret en Conseil d'Etat introduit dans le Code de l'action sociale et des familles les dispositions générales de mise en oeuvre du RSA. Celles-ci sont très largement calquées - pour le RSA "socle" - sur celles applicables au RMI : majoration du montant forfaitaire de base de 50% pour le deuxième membre du foyer, de 30% pour un membre supplémentaire et de 40% pour un membre supplémentaire au-delà du troisième enfant. Le décret aligne ainsi le barème majoré sur celui de l'allocation de parent isolé (API). Ce rapprochement avec le RMI vaut aussi pour les conditions d'ouverture des droits et la prise en compte de l'allocation de logement. Une innovation toutefois : le décret assimile plusieurs catégories de ressources à des revenus professionnels, qui ne seront donc pris en compte qu'à hauteur de 38% de leur montant (compte tenu de la pente à 62% du RSA) : indemnités de formation ou de stage, indemnités perçues en congé maternité ou durant un arrêt maladie de moins de trois mois et indemnités de chômage partiel. Autre innovation : des modalités spécifiques sont prévues pour la prise en compte des ressources des travailleurs indépendants. En revanche, les autres aspects relatifs à l'administration du RSA et aux cas de réduction ou de suppression de la prestation sont proches de ceux du RMI. Seule avancée significative : une plus grande réactivité aux changements de situation du bénéficiaire, qui trouve sa contrepartie dans un renforcement des obligations déclaratives.
Les principales innovations se situent dans la suite du décret. Elles concernent notamment l'orientation des bénéficiaires en fonction de leur situation et de leur proximité au regard de l'emploi en milieu ordinaire de travail. Le décret prévoit ainsi que la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole élaboreront un "référentiel national d'aide à l'orientation", qu'elles proposeront aux départements. Celui-ci n'aura toutefois qu'une valeur indicative et les présidents de conseils généraux resteront maîtres de leur décision d'orientation. De même, le décret intègre les récentes évolutions dans le domaine de la lutte contre la fraude - notamment en matière de prise en compte du train de vie du demandeur ou du bénéficiaire - et d'échanges de données entre organismes sociaux. Les règles relatives à la récupération des indus sont également renforcées, au point de susciter des réserves de la part du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (voir encadré ci-dessous).
Enfin, le décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'attribution de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE), destinée à couvrir les frais d'un bénéficiaire du RSA qui retrouve un emploi. La répartition des crédits entre Pôle emploi et les opérateurs locaux fera l'objet d'une convention ultérieure.

 

500 euros pour le seuil de ressources professionnelles

Le décret simple apporte, pour sa part, un certain nombre de précisions plus techniques, portant en particulier sur les paramètres de calcul du RSA. Il fixe ainsi - même si ce n'est pas une surprise - le montant forfaitaire du "revenu garanti" à 454,63 euros, soit le montant du RMI au 1er janvier 2009. De même, le décret fixe la pente du RSA à 62% (autrement dit le taux de cumul entre les revenus du travail et l'allocation de RSA). Ce chiffre était bien sûr déjà connu, mais il ne figurait pas dans la loi. Le décret précise également les seuils de ressources applicables aux professions indépendantes : le montant du chiffre d'affaires autorisant à bénéficier du régime d'imposition des micro-entreprises pour les non-salariés non-agricoles, et 5.456 euros de bénéfice annuel (montant modulé selon la composition du foyer) pour les exploitants agricoles (soit douze fois le montant forfaitaire). Le décret précise que le RSA fera l'objet d'une liquidation trimestrielle, mais que les changements de situation seront pris en compte au titre du mois durant lequel ils surviennent.
En matière d'instruction des demandes, le décret détermine la liste des organismes autorisés, dont les CCAS mais aussi les agences de Pôle emploi (sous réserve que le conseil d'administration de ce dernier en vote le principe). De même, le décret prend soin de préciser que l'instruction du RSA est effectuée à titre gratuit. Autre disposition qui intéressera les départements : le décret précise la liste des dispositions qui doivent figurer dans les conventions passées entre le département et les organismes payeurs (CAF et MSA). Il prévoit que les compétences déléguées aux CAF et aux caisses de MSA qui ne se rattachent pas directement à l'instruction et au service du RSA peuvent donner lieu à une rémunération. Un autre article détermine les obligations respectives des départements, des CAF et des caisses de MSA en matière d'échanges de données.
Très attendu également : l'article qui précise le seuil de ressources professionnelles individuelles définissant le périmètre des droits et des devoirs du bénéficiaire. Le décret fixe ce montant à 500 euros. En deçà de ce seuil, le bénéficiaire sera tenu "de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle".
Enfin, le troisième décret - relatif au statut des personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires - est beaucoup plus spécialisé, puisqu'il concerne la mise en oeuvre de l'article 17 de la loi du 1er décembre 2008, qui donne un statut aux organismes communautaires comme Emmaüs. Ce troisième décret précise notamment les conditions d'agrément de ces organismes.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Références : projets de décrets relatifs à la généralisation du revenu de solidarité active et à la réforme des politiques d'insertion (deux décrets), projet de décret relatif au statut des personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires.

 

Avis unanimement favorables... sous réserves

Les trois décrets ont recueilli un avis favorable unanime de la part des différentes instances consultées : conseils d'administration de la CNAF et de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) et Conseil national pour l'emploi. Dans son communiqué du 26 février, le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté ne cite cependant pas le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). Celui-ci a pourtant rendu, le 18 février, un avis favorable, même si sa portée juridique n'est pas la même que pour les organismes cités ci-dessus (l'avis du CNLE ne figure pas dans les visas des décrets). Cet avis souligne même "la qualité du travail accompli pour aboutir à ces projets de décrets très détaillés et très complets". Mais le CNLE a cependant "exprimé son inquiétude sur trois points, sur lesquels il entend exercer sa vigilance et souhaite qu'un suivi technique de la mise en oeuvre lui soit régulièrement communiqué".
Ces points concernent en premier lieu la procédure de sanction, pour laquelle le Conseil souhaite davantage d'encadrement, au regard des pouvoirs importants laissés au président du conseil général.  La seconde inquiétude porte sur le recouvrement des indus, pour lesquels le CNLE estime qu'il appartient au gestionnaire du RSA d'assumer la conséquence financière de ses erreurs éventuelles (dès lors que l'indu n'est pas lié à une fraude). Enfin, le troisième point concerne l'accompagnement vers l'emploi, que le CNLE souhaite voir garanti "à tous les allocataires du RSA qui le souhaitent", indépendamment de la décision d'orientation.