Associations d'élus - Départements : des "mesures d'urgence" dans les semaines qui viennent
La série des entretiens entre les associations d'élus et le nouveau gouvernement se poursuit. Y compris à Matignon, sachant que le Premier ministre s'était engagé, dans sa déclaration de politique générale, à recevoir les principales d'entre elles. Après l'Association des régions de France (ARF) mardi (voir ci-contre nos articles des 17 et 18 juillet), c'était aujourd'hui au tour de l'Association des maires de France (AMF) puis de l'Assemblée des départements de France (ADF) d'être accueillies par Jean-Marc Ayrault.
Ces rendez-vous sont évidemment l'occasion pour les représentants des collectivités d'évoquer leurs "positions et convictions" sur les dossiers qu'ils jugent prioritaires. Ainsi, du côté de l'AMF, les "sujets d'actualité" abordés avec le Premier ministre ont notamment été "la relation avec l'Etat, le financement des investissements locaux, la maîtrise des dépenses locales et le nouvel acte de la décentralisation".
Mais du côté de l'ADF... "On n'a parlé pratiquement que de finances", a reconnu son président, Claudy Lebreton, à l'issue de l'entretien. Le tout premier message de l'ADF était en effet un constat : le fait que les départements souffrent d'une "situation financière particulière" par rapport à celle que connaissent les autres niveaux de collectivités. Jean-Marc Ayrault aurait assuré qu'il "partageait totalement cette analyse". Et Claudy Lebreton de souligner l'impact des difficultés financières des départements sur l'investissement public et donc aussi, indirectement, sur l'emploi. Les investissements des départements connaissent une baisse de 2 milliards d'euros, sur un total de l'ordre de 15 milliards. Or les besoins, eux, sont loin de faiblir, qu'il s'agisse par exemple d'entretien des routes, de collèges, de fibre optique ou de restauration des digues... (laquelle exigerait à elle seule 4,5 milliards d'euros d'investissements !). Autre donnée à prendre en compte, cette fois du côté des ressources : les DMTO, qui sont repartis à la baisse depuis le mois de mai (certains départements ont constaté une chute de 30 à 55% de ces droits de mutation entre avril et mai). "Si cette pente continue, on ne comptera plus le nombre de départements en grave difficulté", commente Claudy Lebreton.
Accès au crédit, normes, dotations...
A partir de là, il s'est agit d'évoquer "des réponses d'urgence" et des "réponses de moyen terme". A ce titre, le Premier ministre aurait indiqué que les départements se verront annoncer "dans les semaines qui viennent" des premières "mesures d'urgence". Si celles-ci n'ont pour l'heure pas été précisées, l'ADF n'a pas manqué de souffler quelques idées au gouvernement. Dont celle d'"utiliser les 400 millions d'euros mis en réserve à la CNSA" pour alimenter un fonds exceptionnel dédié aux politiques personnes âgées et handicap des départements. Et pourquoi ne pas réitérer l'opération "fonds de soutien aux départements en difficulté" qui avait été mise en place fin 2010 ?
Au-delà de mesures transitoires, mais sans attendre une réforme sur l'autonomie des personnes âgées - qui, on le sait, ne prendra pas forme avant 2013 -, l'ADF n'a évidemment pas abandonné l'idée d'un rééquilibrage de la prise en charge des allocations de solidarité. Une "adresse" sur le sujet, rédigée par Michel Dinet, président de Meurthe-et-Moselle, et adoptée la semaine dernière par le bureau de l'ADF, a ainsi été confiée au Premier ministre. Les élus départementaux songent aussi à ressortir leur proposition de loi de 2010 relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, qui prévoyait notamment un financement de l'APA à parts égales entre les départements et l'Etat. Avec, là encore, des idées de ressources nouvelles pour couvrir le coût supplémentaire de 2,5 milliards d'euros que cela représenterait pour l'Etat, dont une extension de l'assiette de la CSG.
Parler d'investissements et parler de ressources, c'est aussi évidemment parler d'accès au crédit. En sachant qu'à titre personnel, Claudy Lebreton plaide pour la mise en place d'une "vraie banque publique au service des collectivités", qui s'appuierait sur la Caisse des Dépôts et permettrait "en quelque sorte de retrouver l'esprit de la CAECL" (Caisse d'aide à l'équipement des collectivités, de 1966 à 1987).
La délégation de l'AMF conduite par Jacques Pélissard a naturellement elle aussi évoqué ce sujet de l'accès au crédit, demandant notamment au Premier ministre "d'engager rapidement le processus législatif de création de l'Agence de financement [des collectivités], sans garantie de l'Etat". Comme les élus départementaux, les maires ont également évoqué l'éternelle question des normes législatives et réglementaires, insistant sur le fait que seul un "coup d'arrêt" porté à ces normes permettra une maîtrise des dépenses des collectivités et demandant un élargissement du rôle de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN).
Enfin, alors que l'on aurait pu penser que le gel des dotations de l'Etat aux collectivités était aujourd'hui accepté par les associations d'élus (par exemple par les présidents de l'ARF et de l'Association des maires de grandes villes), les choses ne seraient finalement pas si claires que cela. L'AMF dit ne pouvoir l'envisager qu'à certaines conditions. Claudy Lebreton déclare quant à lui : "Je suis prêt à négocier."