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Finances locales - Défenseurs des départements, les sénateurs suppriment le transfert de la CVAE aux régions

Au cours des dernières heures de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, le 4 décembre, le Sénat a annulé le transfert en 2017 de la moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements vers les régions.

Par 209 voix contre 125, le Sénat, qui est connu pour ses positions en faveur des départements, a supprimé le transfert aux régions à partir de 2017 de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) que perçoivent les départements. Ce mouvement fiscal de plus de 4 milliards d'euros vise à compenser les transferts de compétences de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), en matière de transports, scolaires notamment. On sait que l'Association des régions de France le réclamait de longue date... tandis que le dispositif suscite pas mal d'interrogations du côté de l'Assemblée des départements de France (voir notamment notre article du 30 septembre).
A la place, l'amendement adopté à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, prévoit le versement d'une dotation de compensation des départements vers les régions. Ce dernier dispositif est a priori beaucoup moins intéressant pour les nouveaux titulaires de la compétence en matière de transports, car la CVAE s'est révélée être sur l'ensemble de la période 2011-2015 une ressource plutôt dynamique dans un contexte économique pourtant morose. Selon le rapporteur général, avec leur nouvelle part de CVAE, les régions bénéficieraient en dix ans de huit milliards d'euros de recettes supplémentaires, au-delà de la stricte compensation des transferts de compétences. Ce serait donc autant de recettes en moins pour les départements, collectivités dont les budgets sont pourtant aujourd'hui en difficulté, comme l'ont rappelé les sénateurs.

"Une vision simpliste"

Ceux-ci n'étaient pas à court d'arguments dans l'hémicycle. Le transfert de la fiscalité économique à la région relève d'une "vision simpliste", a critiqué Michel Bouvard (LR). "En vérité, les dépenses qu'il faut engager au nom de l'action économique resteront, pour la plupart, sur le territoire des communes et des départements." Pour Francis Delattre (LR), se posera à terme la question du respect du principe constitutionnel d'autonomie financière des départements.
De son côté, Christian Favier, sénateur (communiste) et président du conseil départemental du Val-de-Marne, a pointé la situation particulière des départements d'Ile-de-France qui devront transférer une partie de leurs recettes alors que les transports, y compris scolaires, sont déjà organisés par le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF).
Le transfert est "cohérent avec le fait que la région est désormais la collectivité chargée du développement économique", a répondu le secrétaire d'Etat au Budget. Pour qui, il n'y aura "aucune perte de recettes pour les départements". Ceux-ci "ne se verront privés que des ressources aujourd'hui affectées aux compétences qu'ils perdront." S'agissant des cas particuliers que constituent l'Ile-de-France ainsi que la métropole de Lyon, Christian Eckert a indiqué qu'un rapport du gouvernement fera le point dans le courant de 2016.
En commission le 10 décembre, puis dans l'hémicycle le 11 décembre (et donc avant le deuxième tour des élections régionales...), les députés devraient probablement, sauf surprise, rétablir en nouvelle lecture le transfert de la moitié de la CVAE des départements vers les régions.

Exonérations et abattements, FNGIR... 

Dans le cadre des dernières heures de la discussion sur le PLF 2016, le Sénat a adopté d'autres amendements concernant directement les collectivités locales. Ceux-ci visent notamment à :

- améliorer, au profit des retraités aux revenus modestes, le dispositif permettant le maintien en 2015 et 2016 des exonérations d'impôts locaux et une réduction de ces impôts les deux années suivantes (voir l'amendement). Ce dispositif avait été voté en première lecture le 12 novembre à l'Assemblée nationale (voir notre article du 13 novembre 2015). Les exonérations de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties seront aussi maintenues pour les contribuables qui sont en maison de retraite, mais qui conservent "la jouissance exclusive" de l'habitation qui constituait auparavant leur résidence principale.

- faciliter l'évolution de la carte intercommunale (voir l'amendement). Les recettes ou les charges au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) mis en place lors de la suppression de la taxe professionnelle demeureront du ressort du budget d'une commune, dès lors que des délibérations concordantes seront prises par la communauté et par les communes membres. Actuellement, lorsqu'une commune rejoint un nouvel EPCI, son prélèvement ou son versement au titre du FNGIR est transféré d'office à l'EPCI.

- apporter de la souplesse au dispositif d'abattement de taxe d'habitation au profit des personnes handicapées (voir l'amendement). Les communes auront la possibilité de moduler l'abattement de 10% à 20%. Les députés avaient fixé un taux unique d'abattement de 20%.

Le Sénat a achevé le 7 décembre l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2016. Il devait ce 8 décembre dans l'après-midi se prononcer sur l'ensemble du texte.