Fiscalité locale - Maintien des exonérations pour des retraités modestes jusqu'en 2016, "lissage" l'année suivante
L'Assemblée nationale a voté jeudi 12 novembre le maintien des exonérations d'impôts locaux – taxe d'habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties - pour certains retraités modestes en 2015 et 2016 pour remédier aux effets de la suppression de la "demi-part des veuves". L'amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2016, examiné en première lecture, a été adopté par 53 voix contre 1 et 5 abstentions.
Le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert a précisé qu'au total, 600.000 personnes allaient être "probablement" concernées : 250.000 en raison de la seule suppression de la demi-part, 200.000 du fait de la fiscalisation des majorations de pensions votée en 2013, et 150.000 autres contribuables en lien avec des "effets d'aubaine" du fait de la prolongation de l'exonération en 2014.
Dans le détail, il est prévu pour les personnes exonérées en 2014 le maintien de ces exonérations d'impôts locaux et de contribution à l'audiovisuel public pour 2015 et 2016. Le gouvernement entend aussi les maintenir au-delà en cas de revenus inchangés.
En outre, il existera, à partir de 2017, un mécanisme de "lissage dans le temps" pour éviter à certains contribuables toute entrée trop brutale dans la fiscalité locale. Il s'agit donc, selon les termes de Bercy, non seulement de "prolonger de deux ans les exonérations", mais aussi d'"organiser une imposition réduite les deux années suivantes afin d'éviter les effets de seuil pour ceux dont la situation a évolué et qui ne remplissent plus les conditions d'exonération".
La fin progressive décidée en 2008 d'un dispositif d'allègement fiscal pour certains retraités, surnommé la "demi-part des veuves", a eu pour effet d'augmenter le revenu fiscal de référence des contribuables concernés et de déclencher pour 250.000 foyers fiscaux, le plus souvent des retraités modestes, le paiement des impôts locaux cette année.
Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, s'est félicité dans l'hémicycle de ce "travail de réparation des mesures prises avant nous", sous Nicolas Sarkozy. Jean-Jacques Cottel (PS), l'un des députés à l'origine d'un courrier au Premier ministre qui a entraîné cette réponse, s'est réjoui que "cette demande émanant du terrain a été prise en compte".
Le président des députés radicaux de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg a indiqué son soutien mais "sans y adjoindre de félicitations", compte tenu des effets prévisibles de longue date de la suppression de la demi-part. Le président de la commission des Finances Gilles Carrez (Les Républicains) a soutenu cet amendement du gouvernement qui "va dans le bon sens" mais déploré qu'il arrive si tard dans les débats budgétaires. Enfin, Charles de Courson (UDI) a estimé que la mesure, prise "parce que la maison brûle", ne "règle pas le problème", et que le gouvernement "passe la patate chaude à (ses) successeurs" en 2017. Il a aussi affirmé que l'amendement n'était "pas conforme à la Constitution".
Le ministre des Finances Michel Sapin avait vanté lors d'une conférence de presse à la mi-journée un "dispositif qui est juridiquement solide, qui est pérenne, et qui est du point de vue financier parfaitement équilibré". "Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, conscients du sujet, les députés ont adopté, avec le soutien du gouvernement, un amendement de Mme Pires Beaune, majorant les seuils de revenu déterminant le droit aux mécanismes d'allégements de la fiscalité locale. Nous avions précisé que nous souhaitions aller plus loin, prenant date pour la suite de la discussion", afin de proposer "un dispositif plus ambitieux", rappelle Bercy.
Michel Sapin et Christian Eckert ont cosigné un courrier daté du 12 novembre qui sera adressé aux contribuables concernés (voir ci-contre).
Le ministère des Finances précise par ailleurs que le dégrèvement correspondant aux impositions établies de 2015 sera "intégralement pris en charge par l'Etat", sachant que "pour les collectivités locales, ceci se traduira par un surcroît de ressources de l'ordre de 130 millions d'euros sur 2015-2016 – avant qu'elles ne retrouvent dès 2017 la situation qui aurait prévalu si les exonérations avaient été d'emblée maintenues". Pour l'Etat, la compensation représenterait "un coût de 400 millions d'euros en 2015 et 260 millions d' euros par an à compter de 2016".