Economie circulaire - Déchets municipaux : la Commission revoit ses objectifs à la baisse
La Commission européenne a présenté le 2 décembre son paquet législatif dédié à l'économie circulaire, un an après avoir abandonné un précédent paquet de mesures. "Cela valait le coup de revoir la copie car ce paquet a une véritable ambition, c'est une très belle initiative", se félicite Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, qui vient de déposer une proposition de résolution européenne relative "au cycle de vie des produits et à l'économie des ressources".
Un sentiment partagé par François-Michel Lambert, député écologiste des Bouches-du-Rhône et président-fondateur de l'Institut de l'économie circulaire : "Ce paquet est meilleur que le précédent, nous sommes passés d'un paquet défensif à un paquet offensif, même proactif, qui demande à ce que le mode de développement en Europe se transforme en profondeur."
Les mesures proposées doivent contribuer à "boucler la boucle" du cycle de vie des produits grâce à un recours accru au recyclage et au réemploi. D'après l'Union européenne, la prévention des déchets, l'écoconception, le réemploi et d'autres mesures similaires pourraient faire économiser quelque 600 milliards d'euros nets aux entreprises européennes, soit 8% de leur chiffre d'affaires annuel, tout en réduisant le total annuel des émissions de gaz à effet de serre de 2 à 4% et en créant 580.000 emplois. Un financement de plus de 650 millions d'euros est prévu au titre du programme Horizon 2020 et de 5,5 milliards au titre des fonds structurels.
Le paquet prévoit notamment tout un volet consacré à l'écoconception, avec un plan de travail pour la période 2015-2017 pour promouvoir la durabilité, la réparabilité et la recyclabilité des produits. "Je me réjouis que l'écoconception soit mise au meilleur niveau", précise Dominique Potier. La Commission européenne souhaite mettre en place des normes qui facilitent la réparation et moduler l'écocontribution payée par le consommateur en fonction de la qualité d'écoconception. "L'écoconception devient un véritable sujet de préoccupation et le fait que le cycle de vie des produits soit pris en compte dans les achats de marchés publics est une petite révolution", estime Dominique Potier. Le paquet prévoit en effet de mettre l'accent sur les aspects relatifs à l'économie circulaire dans les critères nouveaux ou révisés relatifs aux marchés publics écologiques.
Déchets : des objectifs revus à la baisse mais "réalistes"
Le paquet prend également en compte le gaspillage alimentaire. Actuellement on estime qu'environ 100 millions de tonnes d'aliments sont gaspillés chaque année dans l'Union européenne. La Commission établira une méthodologie européenne commune pour mesurer le gaspillage alimentaire et définir des indicateurs pertinents. Elle va également créer une plateforme rassemblant les Etats membres et tous les acteurs de la chaîne alimentaire pour aider à définir les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable en matière de gaspillage alimentaire.
Une clarification de la législation concernant les déchets est également prévue. De ce côté, les critiques se sont multipliées car les objectifs du nouveau paquet sont revus à la baisse par rapport au paquet abandonné en début d'année. Le nouveau train de mesures vise à recycler 65% de déchets municipaux et 75% de déchets d'emballage en 2030, alors que les objectifs précédents visaient respectivement 70% et 80%. Pour Dominique Potier, ces objectifs ont été fixés dans une logique de progressivité. "Les choses avancent lentement dans ce domaine, il y a beaucoup d'inertie, cela ne peut se faire que progressivement", précise-t-il à Localtis. C'est d'ailleurs dans ce sens que Frans Timmermans, le vice-président de la Commission a présenté ces orientations. "Nous avons fixé des objectifs très ambitieux mais réalistes, a-t-il souligné durant la conférence de presse, les taux de recyclage varient de façon spectaculaire entre les différents Etats membres, de 10% à 64%."
D'après François-Michel Lambert, l'idée est également d'amener tous les Etats membres à progresser. De plus, le nouvel objectif en matière de mise en décharge, qui est fixé à 10% d'ici 2030, devra être légalement contraignant, contrairement à ce qui avait été proposé dans le précédent paquet.
Rien sur la régulation du marché des matières premières secondaires
En revanche, "nous ne voyons rien concernant la régulation du marché des matières premières secondaires", souligne Dominique Potier. Dans sa proposition de résolution européenne, le député demande la mise en place d'un mécanisme destiné à la fois à soutenir les filières de recyclage contre la volatilité des prix des matières premières et de favoriser une réutilisation de ces matières recyclées. Des mécanismes pourraient être envisagés comme l'obligation de réutilisation, une fiscalité contracyclique ou la limitation des périmètres de circulation des marchandises. Le paquet ne propose que l'élaboration de normes de qualité applicables aux matières premières secondaires. Mais le député ne désespère pas, estimant que la France pourra peut-être prendre des initiatives de régulation dans ce domaine.
Autre manque, d'après les députés européens Les Verts (Alliance Libre Européenne) : des objectifs en matière de créations d'emploi, alors que des études montrent que l'économie circulaire pourrait créer jusqu'à 3 millions d'emplois. "Il est estimé que pour 10.000 tonnes de denrées, un emploi peut être créé si ces biens sont incinérés, 6 s'ils sont enfouis, 36 s'ils sont recyclés et 296 s'ils sont réutilisés", précise le groupe dans un communiqué. "Pourquoi fixer des objectifs ?, rétorque François-Michel Lambert, mieux vaut faire comprendre que les enjeux de développement durable et environnementaux sont créateurs de valeurs et bénéfiques pour les territoires, les entreprises, les pays."
Emilie Zapalski
* L'Institut de l'économie circulaire est une association multi-acteurs créée pour définir et mettre en oeuvre une transformation de notre modèle économique pour sortir d'une société de gaspillage et aller vers un développement d'une économie centrée sur la ressources, sa préservation et son utilisation efficiente.