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Développement des territoires - Vers une structuration de l'économie circulaire au niveau régional ?

A l'occasion des assises sur l'économie circulaire des 16 et 17 juin 2015, l'Institut de l'économie circulaire a mis en avant le potentiel du secteur en terme d'emplois. Les initiatives se multiplient dans les territoires, avec un besoin croissant de structuration, auquel les régions semblent les mieux placées pour répondre.

Près de 600.000, c'est le nombre de personnes que l'économie circulaire emploie en France, d'après l'étude menée par l'Institut de l'économie circulaire, présentée à l'occasion des assises de l'économie circulaire des 16 et 17 juin 2015. Une réduction substantielle de notre consommation en ressources naturelles permettrait même de créer entre 200.000 et 400.000 emplois supplémentaires, selon les résultats d'une étude commandée par la Commission européenne en 2012. Un potentiel en matière d'emplois très important pour cette économie, dont l'objectif repose pourtant sur un principe simple : stimuler les performances économiques en utilisant moins de ressources. C'est le cas du recyclage et de la valorisation des déchets bien sûr, mais aussi de l'écoconstruction, de l'écologie industrielle...
Le Grand Paris en fait une de ses priorités. La métropole naissante se rêve en capitale mondiale de la société du durable, en généralisant l'ensemble des initiatives des territoires et en faisant émerger des solutions innovantes, dans les modes de production, de consommation et de distribution des biens et des services. Des états généraux du Grand Paris de l'économie circulaire ont été lancés en mars 2015. "Nous en sommes à 20 collectivités qui portent ces états généraux, et une trentaine de réunions sur huit thématiques, a expliqué Antoinette Gühl, adjointe en charge de l'économie sociale et solidaire, de l'innovation sociale et de l'économie circulaire à la mairie de Paris, lors d'une table ronde organisée lors de ces assises, le 16 juin. C'est une manière de coordonner nos politiques." Rien qu'en Ile-de-France, on estime à 50.000 le nombre d'emplois qui pourraient être créés par le déploiement d'une économie circulaire et solidaire.

Des emplois pour les régions en perte de vitesse ?

Mais d'après l'Institut de l'économie circulaire, les régions en perte de vitesse pourraient elles aussi largement en profiter en recréant, via cette économie, des emplois et des activités locales. Un guide a spécifiquement était réalisé par le ministère de l'Ecologie, l'Ademe et l'Association des régions de France en novembre 2014 pour aider les territoires qui souhaitent engager des actions en faveur de l'économie circulaire (voir ci-contre notre article du 2 décembre 2014). Mais le besoin actuel concerne surtout la coordination d'ensemble. Et avec leurs schémas et leurs plans, les régions sont aux premières loges pour pouvoir structurer des filières de l'économie circulaire. D'après Alain Chabrolle, vice-président du conseil régional Rhône-Alpes, délégué à la santé et à l'environnement, la région constitue un échelon particulièrement pertinent : elle a la compétence en matière de développement économique, d'innovation, de formation, de planification des déchets, d'aménagement, de transport. Elle agit de manière transversale pour l'environnement (énergie, agriculture, parcs) et elle a la capacité de faire le lien entre les démarches régionales d'économie circulaire et les autres grands plans et schémas régionaux (plan climat énergie, plan local d'urbanisme, Agenda 21, schéma régional de développement économique…). "Il faut apporter plus de cohérence entre les différentes politiques, a ainsi signalé Alain Chabrolle, et ne pas laisser des territoires orphelins, les territoires ruraux notamment." En Rhône-Alpes, un premier appel à projets sur l'écologie industrielle, mené avec l'Ademe, a été lancé en 2014 suivi en 2015 d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI) sur le même thème.
L'AMI prévoit de recruter des territoires en cours de structuration sur une démarche d'écologie industrielle et territoriale, et des territoires structurés qui vont mettre en oeuvre des actions. L'objectif de la région est de démontrer sur ces territoires les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux d'une démarche d'écologie industrielle, et de capitaliser les retours d'expérience pour faciliter l'accompagnement d'autres territoires. La région a également mis en place une plateforme de mutualisation de matériel. Elle s'adresse à l'ensemble des acteurs de la filière événementielle (associations, collectivités locales, agences, offices de tourisme, parcs naturels régionaux…). Le projet permet aux différents acteurs de prêter, louer ou rechercher du matériel sur leurs territoires respectifs.

Un plan régional en Aquitaine

En Bretagne, le principe adopté a été d'intégrer l'économie circulaire au schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), paru en décembre 2013. Dans ce document, la région Bretagne affirme ainsi le souhait d'accompagner les démarches territoriales expérimentales multiacteurs sur le thème de l'économie circulaire, dans l'objectif d'accroître l'ancrage territorial de cette économie, et reconnait l'économie circulaire comme un nouveau modèle économique porteur d'innovation sociale. Dans ce cadre, là encore, un appel à manifestation d'intérêt a été lancé.
Autre région, autre pratique. En Aquitaine, un plan régional en faveur de l'économie circulaire a été élaboré en septembre 2013, à travers un partenariat avec la fondation Ellen Mc Arthur. L'objectif est de faire de ce modèle un levier du développement économique et d'intégrer, à terme, ce plan au schéma régional de développement économique. Parmi les actions envisagées par ce plan adopté en septembre 2013 : la création d'une plateforme régionale "économie circulaire numérique", le lancement d'un AMI sur l'écologie industrielle, la création d'un observatoire régional des déchets.
En région Nord-Pas-de-Calais, l'approche est encore différente. Un programme expérimental, la "transformation écologique et sociale de la région Nord-Pas-de-Calais" (TESR), a été lancé depuis juillet 2010. Il explore une nouvelle façon de concevoir et de conduire les politiques publiques régionales afin de promouvoir un nouveau modèle de développement plus durable et plus solidaire. "Il s'agit de changer le modèle d'action de la région", explique à Localtis Jean-François Caron, président de la commission transformation écologique et sociale à la région Nord-Pas-de-Calais et maire de Loos-en-Gohelle.

Vers plus de transversalité

Cette expérimentation s'appuie sur la mise en oeuvre de neuf opérations de développement, parmi lesquelles la valorisation de la forêt et de la filière bois, le lycée du troisième millénaire, la gouvernance alimentaire et le plan de réhabilitation énergétique et environnemental du parc de logements de la région (100.000 logements). Le principe est simple : il s'agit de tenir compte de toutes les incidences d'une politique publique, et pas seulement de son objectif particulier. Par exemple, une politique qui vise à favoriser une filière agricole peut aider à la diversification des productions, créer de l'emploi local, réduire les friches agricoles. Mais elle risque aussi de diffuser certains produits polluants selon les modes de production à l'oeuvre… L'idée est de contribuer à la production de politiques publiques de meilleure qualité, plus soucieuses de l'intérêt général et plus efficaces.
Une évaluation réalisée quatre ans après le lancement de l'expérimentation a permis de montrer que la TESR a effectivement provoqué l'émergence d'une nouvelle façon de construire les politiques publiques. Reste un point difficile : la mise en place d'un mode de gestion plus transversal. De l'avis de tous, il s'agit du plus gros frein actuel à l'économie circulaire. "Ce n'est pas toujours simple, surtout entre les élus, car cela oblige à travailler en transversal, en mode projet et c'est très compliqué ; cela bouleverse complètement l'institution, il faut une ardente volonté !", a affirmé Jean-François Caron.