Finances locales - Dans la foulée de la commission d'enquête des députés, une proposition de loi sur les emprunts des collectivités
Le rapporteur et le président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les emprunts toxiques du secteur public local, respectivement Jean-Pierre Gorges (UMP, Eure-et-Loir) et Claude Bartolone (PS, Seine-Saint-Denis), avaient annoncé le 15 décembre dernier, lors de la présentation du rapport de la commission, qu'ils déposeraient rapidement une proposition de loi pour tenter de rendre opérationnelles leurs propositions. Conformément à leur annonce, ils viennent de déposer leur texte. Sans remettre en cause le principe de libre administration, celui-ci encadre strictement les conditions d'emprunt des collectivités.
En effet, la proposition de loi interdit les produits structurés qui peuvent entraîner des variations très importantes de la charge des intérêts pour les collectivités et leurs établissements publics. Le champ des produits concernés par l'interdiction est plus large que celui retenu par la circulaire du 25 juin 2010 sur les emprunts des collectivités. Il faut se rappeler, d'ailleurs, que celle-ci n'émet pas d'interdiction, mais se contente de "déconseiller" les produits les plus risqués (lire notre article du 18 juin 2010). La proposition de loi prévoit d'autres garde-fous. Ainsi, si elle augmente du fait de taux variables, la charge des intérêts ne pourra pas plus que doubler, en raison de l'instauration d'un plafond légal, ou "capping" s'appliquant à l'ensemble des prêts souscrits par les collectivités. Enfin, la proposition de loi soumet tous les contrats de prêts (ceux de droit privé comme ceux de droit public) des collectivités au contrôle de légalité exercé par le préfet. Aujourd'hui, la majeure partie d'entre eux échappe à ce contrôle.
Renégocier les emprunts de manière groupée
Par ailleurs, la proposition de loi prévoit des aménagements améliorant la transparence des décisions en matière d'emprunt. Elle instaure l'obligation pour l'assemblée délibérante de débattre de "la stratégie financière" et du "pilotage pluriannuel de l’endettement" à l'occasion du débat annuel d'orientation budgétaire. Dans le cadre législatif actuel, les conseils élus ne sont pas suffisamment informés des choix faits par les exécutifs en matière d'emprunt, avait constaté la commission d'enquête. De plus, les délégations que les assemblées délibérantes consentent aux exécutifs locaux pour négocier et signer les contrats de prêts prendraient fin deux semaines avant l'élection renouvelant l'assemblée, pour éviter que les exécutifs ne puissent souscrire un emprunt sans que les autres élus n'en soient réellement informés – cette dérive a déjà été constatée.
Un autre aménagement, de nature budgétaire, conduirait les collectivités à provisionner obligatoirement les risques liés à la souscription de produits financiers à hauteur des charges financières supplémentaires potentielles.
On retiendra enfin que les députés confirment leur souhait que soit mis en place un "pôle d’assistance et de transaction" constitué par les services compétents de l'Etat, qui serait chargé de renégocier avec les banques les emprunts structurés des collectivités volontaires, produit par produit et de manière groupée. Une simple décision ministérielle suffit à la création de ce pôle, rappellent les députés. Ceux-ci réaffirment par ailleurs leur soutien à la création d'une agence de financement des collectivités locales qui, juridiquement, ne peut être créée que par l'Etat.
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale a évalué à 18,8 milliards d'euros au second semestre 2011 la valeur de l'encours de prêts structurés risqués souscrits par les acteurs publics locaux, dont 13,6 milliards pour les collectivités locales (lire notre article du 15 décembre dernier). Elle a estimé que les collectivités et les banques concernées devront partager les coûts liés à la transformation de la dette structurée en emprunts moins volatils.
Thomas Beurey / Projets publics
Référence : Proposition de loi relative au développement, à l'encadrement et à la transparence des modes de financement des investissements des acteurs publics locaux, déposée le 21 février 2012.