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Emprunts des collectivités - De simples conseils pour éviter le piège des crédits à risque

"Finalisée" tout récemment mais pas encore publiée, une nouvelle circulaire sur "les produits financiers offerts aux collectivités" déconseille, sans l'interdire, le recours à certains types de crédits qui ont conduit de nombreuses collectivités à d'importantes difficultés financières. Un document à découvrir en exclusivité sur Localtis.

Bercy et la Place Beauvau viennent d'apporter les dernières retouches à la circulaire sur "les produits financiers offerts aux collectivités" qui n'attend plus que la signature des ministres concernés. Evoquée dès l'automne dernier, la parution de cette circulaire tarde, alors qu'elle est destinée à compléter la charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales signée le 7 décembre dernier. La ministre de l'Economie s'était récemment engagée devant des députés à faire aboutir les travaux interministériels sur ce document avant le 10 juin, date à laquelle a débuté l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi de régulation bancaire et financière.
Cette circulaire de 45 pages dont Localtis a obtenu la copie a d'abord et avant tout un but pédagogique en faisant "le point sur les différentes règles applicables à l'emprunt" et en appelant "l'attention sur les risques relatifs à la gestion active de la dette". Elle ne s'appliquera qu'aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Les établissements publics sociaux et médico-sociaux et les organismes d'HLM ne sont donc pas concernés.
La circulaire rappelle, dans un premier temps, que les banques ont vis-à-vis des collectivités un "devoir de mise en garde" sur les risques qu'elles encourent en souscrivant des prêts complexes. Et que par conséquent, "le choix des produits financiers doit être proportionné à la capacité d'expertise de la collectivité tout autant qu'à sa situation financière".

 

Interdire les produits les plus dangereux ?

En outre, appelant les collectivités à la vigilance, la circulaire dresse une liste de prêts "déconseillés", parmi lesquels on trouve ceux qui sont libellés en devises étrangères ou qui ont des effets de structure cumulatifs. Les produits dont les taux évoluent selon les indices des matières premières, ou les indices cotés sur les places financières des pays émergents doivent également être examinés avec une extrême prudence.
La circulaire invite par ailleurs les assemblées locales à définir une "stratégie d'endettement" et à mieux préciser le champ des pouvoirs délégués à l'exécutif. Certaines collectivités avaient ces dernières années conféré à leur édile quasiment les pleins pouvoirs en matière d'emprunt, sans l'obligation pour celui-ci de rendre des comptes. Une situation qui a conduit plusieurs d'entre elles à des difficultés financières notoires. Pour éviter que ce scénario ne se reproduise, la circulaire rend "fortement souhaitable" la présentation annuelle par l'exécutif, au moment du vote du budget primitif, d'un rapport sur son action en matière d'emprunts. La circulaire précise ce que ce rapport devrait contenir au minimum.
Ainsi, la circulaire reprend des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport annuel de février 2009. Mais elle ne le fait que très partiellement. Les juges étaient en effet allés beaucoup plus loin, se demandant s'il ne fallait pas "limiter, voire interdire" le recours aux produits structurés les plus dangereux. Ils avaient considéré que "le principe de libre administration des collectivités territoriales ne fait pas obstacle à ce que les placements financiers des collectivités et établissements publics locaux soient strictement réglementés par la loi, garante de l'intérêt général, qui interdit toute prise de risque et n'autorise que l'achat de titres garantis par l'Etat"
Revenant sur le sujet des emprunts structurés des collectivités dans son rapport annuel de février 2010, la Cour des comptes a jugé que la charte de bonne conduite et le projet de circulaire tel que connu à ce moment-là ne pouvaient suffire. A défaut de tout autre mesure, "les établissements de crédit pourront continuer à proposer de tels contrats [risqués], en y incluant notamment des formules d'indexation avec effet de levier", ont souligné les magistrats financiers.

 

"Faire la lumière"

A l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, député et président du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui depuis l'automne 2008 mène la guerre contre les emprunts qu'il qualifie de "toxiques", a critiqué une circulaire "insuffisante" qui n'a "pas de valeur contraignante" et n'interdit pas les produits financiers les plus risqués. Les prohiber par la loi, c'est ce que le député a tenté de faire en présentant le 10 juin dans l'hémicycle des amendements au projet de loi de régulation bancaire et financière. Ceux-ci ont été rejetés. Claude Bartolone a également proposé qu'à la fin de l'année soit remis au Parlement un rapport "d'évaluation officielle globale" faisant "la lumière" sur "le nombre réel de collectivités" ayant souscrit des produits structurés, ainsi que sur leur "encours de crédits concernés". Une proposition que les députés de la majorité n'ont pas non plus retenue, en dépit, voire à cause de l'étendue du problème révélé notamment par Dexia, l'un des deux principaux établissements de crédit aux collectivités.
A la date du 31 décembre 2009, la banque avait commercialisé des produits structurés auprès du secteur public local pour un montant de près de 26 milliards d'euros - sur un encours total de 72 milliards. Dans son édition du 15 juin, le quotidien Le Monde estime, en s'appuyant sur des documents confidentiels, que sur les 26 milliards, 10,5 milliard d'euros "présentent un fort risque de renchérissement des taux d'intérêt". Sur ces 10,5 milliards, 6 milliards seraient "explosifs". Le journal ajoute qu'au 31 décembre 2009, les collectivités locales auraient dû payer 4 milliards d'euros si elles avaient voulu "se débarrasser" des crédits spéculatifs souscrits chez Dexia.


Thomas Beurey / Projets publics

 

 

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