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Produits structurés - Cinq collectivités accusent les banques et leur demandent de prendre leurs responsabilités

Cinq élus locaux ont appelé, le 10 novembre, les banques et l'Etat à "prendre leurs responsabilités" concernant l'épineux dossier des "emprunts toxiques" souscrits par les collectivités, estimant qu'il n'appartient pas au contribuable local de payer la facture. Actuellement en négociation avec les banques sur l'évolution de leur portefeuille de dette, les élus de ces collectivités (Asnières, Saint-Etienne, Rouen, la communauté urbaine de Lille et le conseil général de Seine-Saint-Denis) attendent des banques qu'elles reprennent l'ensemble des produits structurés risqués, comme ceux dont les taux d'intérêt sont liés à la parité de deux devises étrangères. Et donc qu'elles leur ôtent l'épée de Damoclès qui menace leurs budgets. Si Saint-Etienne, par exemple, voulait annuler d'un seul coup les risques que lui font courir ses emprunts les plus dangereux, il en coûterait à la ville la bagatelle de 80 millions d'euros, soit l'équivalent d'une année de recettes fiscales. En contrepartie, les collectivités sont prêtes à renoncer aux gains que les municipalités précédentes ont réalisés grâce aux produits structurés. Des gains qui, dans l'exemple stéphanois, se chiffrent à 10 millions d'euros.
"Nous ne demandons pas la charité aux banques, nous voulons faire appliquer la loi, selon laquelle elles ont un devoir d'information auprès de leurs clients", a expliqué Claude Bartolone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui a lancé un ultimatum à cinq établissements bancaires. Si ces banques ne font pas de propositions au département pour alléger son fardeau, l'élu saisira la justice. Les autres élus sont prêts à le suivre. Maurice Vincent, maire de Saint-Etienne, est déjà, lui, passé à l'acte en assignant la Deutsche Bank devant le tribunal de grande instance de Paris.

 

"Bombes à retardement"

Le 3 novembre 2008, Claude Bartolone et Maurice Vincent avaient été reçus, avec les représentants des banques, par le gouvernement au ministère de l'Intérieur (lire notre article). Il avait été décidé que chaque collectivité renégocierait seule sa dette avec ses créanciers. Ceux-ci étant priés d'informer le gouvernement sur les solutions trouvées. Un an après, les mêmes élus demandent aux ministres de l'Intérieur et de l'Economie de les recevoir. Et leur demandent, comme aux banques, de prendre leurs responsabilités. "La DGCL n'a pas su saisir les signaux d'alerte", fait remarquer Claude Bartolone. "Les pouvoirs publics ont été dépassés par l'innovation financière", assure de son côté Maurice Vincent, pour qui encore "l'Etat a été absent de sa fonction de contrôle".
Pour ne pas rester isolés, les élus ont constitué un "collectif". Leur volonté est aussi de "faire prendre conscience des risques posés par les produits structurés", indique Dominique Baert, vice-président de la communauté urbaine de Lille. Ces "bombes à retardement peuvent exploser demain comme dans 20 ou 30 ans", a-t-il souligné avec ses collègues élus, estimant que les risques ne se limitent pas à une cinquantaine de collectivités, comme l'avait indiqué il y a un an le ministère de l'Intérieur. "C'est un problème global", a déclaré Maurice Vincent, selon lequel les estimations portent à "20 milliards d'euros" l'encours de produits structurés détenus par les collectivités territoriales.

 

Une circulaire en préparation

Les élus jugent par ailleurs "insuffisante" la charte de bonne conduite entre les banques et les collectivités, dans la mesure où celle-ci ne s'appliquera pas aux emprunts souscrits par le passé. Pour Claude Bartolone, les dix engagements dévoilés le 9 novembre par Dexia (à télécharger ci-contre), principal établissement prêteur des collectivités françaises, ont le même défaut et ne sont que le "copier-coller" de la charte. Cette charte - à laquelle les associations d'élus reconnaissent toutefois d'incontestables mérites - est "prête", a annoncé tout récemment le ministère de l'Intérieur. Selon nos informations, seule l'Association des régions de France ne l'aurait pas encore signée. En attendant qu'entre en vigueur ce document sans valeur contraignante, les banques continuent à commercialiser des produits structurés, regrettent les élus locaux.
Pour régler la question des prêts dangereux souscrits ces dernières années par les collectivités, Claude Bartolone proposera avec le groupe socialiste de l'Assemblée nationale un amendement afin que "les taux d'intérêts supportés par les collectivités locales se retrouvent dans le bilan des banques". Cet amendement pourrait être déposé dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année ou d'un futur projet de loi sur la régulation.
De son côté, le ministère de l'Intérieur prépare une circulaire sur les produits financiers souscrits par les collectivités territoriales. Une importante mise à jour de la précédente circulaire, qui date de 1992, est donc à attendre. "Une circulaire, c'est un peu court pour réguler les relations financières entre les banques et les collectivités", a estimé Dominique Baert.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

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