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Dalo : une dette de loyer, suivie d'une expulsion, ne préjuge pas de la bonne foi du demandeur

Un arrêt du Conseil d'État du 13 mai 2019 donne tort à la commission départementale de médiation du Val-de-Marne, qui avait refusé une demande de Dalo au motif que le demandeur était de mauvaise foi sur le plan d'apurement de sa dette locative et avait accumulé une dette de loyer au point d'être expulsé.

Le droit au logement opposable (Dalo) s'adresse aux personnes de bonne foi qui ne parviennent pas à accéder à un logement. L'article L.441-1-4 du code de la construction et de l'habitation (CCH) prévoit ainsi que la commission de médiation départementale "peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux [...]". Encore faut-il s'entendre sur le sens de la "bonne foi" du demandeur. Un arrêt du Conseil d'État du 13 mai 2019 apporte des précisions.

Où s'arrête la bonne foi ?

En l'espèce, M. B..., arrivé en France en 2000 et admis au statut de réfugié, avait sollicité, le 10 février 2016, la commission de médiation du Val-de-Marne en vue de reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement. Auparavant, l'intéressé avait déposé une demande de logement social en février 2003, restée sans suite. Le 24 mars 2016, la commission rejette sa demande au titre du Dalo, une position confirmée en août après un recours gracieux et validée par un jugement du tribunal administratif de Melun du 5 octobre 2017.

Pour fonder sa décision la commission de médiation, suivie par le tribunal administratif, avait considéré que M. B..., locataire dans le parc privé, avait laissé s'accumuler d'importants retards de loyers et, surtout, n'avait pas respecté le plan d'apurement de la dette conclu avec son propriétaire, créant ainsi "la situation qui a conduit à une mesure judiciaire d'expulsion rendant son relogement nécessaire". L'article L.441-2-3 du CCH précise en effet que ne peut être regardé comme étant de bonne foi "le demandeur qui a délibérément créé par son comportement la situation rendant son relogement nécessaire".

Un RSA inférieur au montant du loyer

Dans son arrêt, le Conseil d'État n'annule pas seulement le jugement du tribunal administratif de Melun pour des raisons juridiques de procédure. Il choisit de régler l'affaire au fond. Et sa position est sensiblement différente de celle de la commission de médiation et du tribunal administratif.

Il considère en effet qu'"il ne ressort pas des pièces du dossier que M.B..., [...] qui a certes laissé s'accumuler d'importants retards de loyers à partir de son licenciement, alors qu'il avait pour seule ressource le revenu de solidarité active pour un montant inférieur à celui du loyer, et qui n'a pas été en mesure d'honorer le plan d'apurement de cette dette conclu avec son propriétaire, ait cherché délibérément à échapper à ses obligations de locataire et créé ainsi la situation qui a conduit à une mesure judiciaire d'expulsion rendant son relogement nécessaire".

Dans ces conditions, la commission de médiation a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que M. B... ne pouvait être regardé comme un demandeur de bonne foi et M. B... est donc fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision qu'il attaque. L'arrêt enjoint par conséquent la commission départementale de médiation du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision.

Référence : Conseil d'État, 5e et 6e chambres réunies, arrêt n°417190 du 13 mai 2019, M. B... (mentionné aux tables du recueil Lebon).