Logement - Dalo : le Conseil d'Etat complique la tâche des commissions de médiation
Le Conseil d'Etat fait valoir que la commission de médiation ne doit pas se contenter d'examiner les moyens avancés par le demandeur mais procéder à une étude exhaustive de sa situation, y compris en prenant des informations auprès des professionnels de l'action sociale. Problème : nombre de commissions sont déjà débordées...
Dans un arrêt du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat précise les conditions dans lesquelles les commissions de médiation doivent procéder à l'instruction des demandes de reconnaissance au titre du droit au logement opposable (Dalo) et d'attribution prioritaire d'un logement social. En l'espèce, M. A., handicapé à 80% et vivant dans un logement social à Montpellier, avait déposé une demande devant la commission de médiation des Alpes-Maritimes, en vue de se voir reconnaître comme prioritaire et devant être relogé en urgence, en invoquant son handicap et l'ancienneté de sa demande d'attribution d'un logement social (plus de dix ans). Demande refusée par la commission de médiation au motif que M. A. était locataire d'un logement social adapté à ses besoins et que le seul fait d'avoir déposé une demande sur Nice depuis 125 mois ne suffisait pas à conférer un caractère prioritaire à sa demande.
Les motifs justifiant un classement prioritaire peuvent être évoqués à tout moment
Dans un premier temps, le tribunal administratif de Nice a rejeté le recours pour excès de pouvoir de M. A. Mais la cour administrative d'appel de Marseille, saisie à son tour par M. A., a annulé la décision de la commission de médiation et le jugement du tribunal administratif de Nice, "au motif que l'intéressé avait établi devant elle que le logement qu'il occupait ne présentait pas un caractère décent" (motif qui n'avait pas été évoqué devant la commission de médiation).
Saisi d'un recours en cassation par le ministre du Logement, le Conseil d'Etat a donc tranché la question, en rejetant le pourvoi du ministre et en donnant raison à M.A. Pour fonder sa décision, le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord que le demandeur "peut également présenter pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir des éléments de fait ou des justificatifs qu'il n'avait pas soumis à la commission, sous réserve que ces éléments tendent à établir qu'à la date de la décision attaquée, il se trouvait dans l'une des situations lui permettant d'être reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence".
Une enquête exhaustive sur chaque dossier
Mais l'essentiel est ailleurs. En effet, le Conseil d'Etat estime "qu'il appartient à la commission de médiation, qui, pour instruire les demandes qui lui sont présentées en application du II de l'article L.441-2-3 du Code de la construction et de l'habitation, peut obtenir des professionnels de l'action sociale et médicosociale, au besoin sur sa demande, les informations propres à l'éclairer sur la situation des demandeurs, de procéder, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à un examen global de la situation de ces derniers au regard des informations dont elle dispose, sans être limitée par le motif invoqué dans la demande, afin de vérifier s'ils se trouvent dans l'une des situations envisagées à l'article R.441-14-1 de ce code pour être reconnus prioritaires et devant être relogés en urgence au titre du premier ou du deuxième alinéa du II de l'article L. 441-2-3".
En d'autres termes, la commission de médiation ne doit pas se contenter d'examiner les moyens avancés par le demandeur, mais doit au contraire procéder - motu proprio - à une étude exhaustive de la situation. Dans le cas de M.A., cela aurait, par exemple, permis de détecter le problème de décence du logement et donc d'adopter une position différente. Problème : les commissions de conciliation, composées de bénévoles, sont déjà débordées dans les grands départements soumis à de fortes tensions en matière de logement. Mais, après l'arrêt du Conseil d'Etat du 24 mai 2017, ne pas procéder à une enquête exhaustive pourrait exposer la décision de la commission à une censure du juge administratif...
Dalo : les associations continuent de dénoncer les dysfonctionnements
Les difficultés du Dalo continuent de mobiliser les associations. Dans un communiqué du 7 juin, la Fondation Abbé Pierre dénonce ainsi "une reprise massive des expulsions locatives, particulièrement celles des ménages prioritaires Dalo" après la fin de la trêve hivernale. Et cela malgré la circulaire dite "Valls-Duflot" du 26 octobre 2012, réitérée en mars 2017. La Fondation dit constater depuis le 1er avril, pour les seules personnes suivies par son Espace Solidarité Habitat, "une très forte augmentation des expulsions locatives des ménages prioritaires Dalo (au 6 juin 2017, nous avons déjà 11 ménages expulsés, contre un seul en 2016) et du nombre d'accords du concours de la force publique (18 accordés au 6 juin 2017)".
De son côté, l'association Droit au logement, s'en prend, dans un communiqué du 6 juin, à la ville de Paris. Les critiques visent la mise en œuvre de la disposition de la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017, prévoyant que les maires et les bailleurs sociaux doivent réserver 25% des logements attribués aux ménages reconnus prioritaires au titre du Dalo (voir notre article ci-dessous du 28 avril 2017). Selon le DAL, "la mairie de Paris et Paris Habitat refusent tout simplement de se plier à cette nouvelle obligation avant fin 2017 ou début 2018".
Références : Conseil d'Etat, arrêt n°396062 du 24 mai 2017, M. A. / commission de médiation des Alpes-Maritimes.