Mal-logement - Dalo : la Cour européenne des droits de l'homme tranchera
Onze ans jour pour jour après la loi du 5 mars 2007 instaurant un droit au logement opposable (Dalo), et un peu plus d'un an après la loi Egalité et Citoyenneté, neuf familles reconnues prioritaires depuis une période comprise entre cinq et dix ans ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Objectif de ces familles, accompagnées par la fondation Abbé-Pierre : "faire reconnaître leur droit au logement et imposer à la France d'exécuter ses décisions de justice".
La loi du 5 mars 2007 "encore massivement bafouée"
La fondation explique aujourd'hui que la loi du 5 mars 2007 "est encore massivement bafouée". Sur les 210.287 ménages reconnus prioritaires entre 2008 et la fin de 2016, plus d'un quart - soit 55.089 ménages - sont en effet encore en attente d'un logement.
La justice française a déjà condamné l'Etat à plusieurs reprises (voir par exemple notre article ci-dessous du 27 février 2018). Le principe de ces condamnations est d'ailleurs prévu par la loi de 2007 elle-même, lorsque l'Etat n'est pas à même d'assurer la mise en œuvre du Dalo pour un ménage reconnu prioritaire.
Mais la fondation Abbé-Pierre estime que "force est de constater que cela ne fait pas suffisamment évoluer la mise en œuvre de ce droit" et que "les obstacles à une application effective de la loi se multiplient". Elle évoque notamment l'instauration de critères restrictifs par les commissions de médiation (Comed) "qui font chuter le taux de décisions favorables aux requérants de 45% en 2008 à 31% en 2016", les "stratégies d'évitement par certains bailleurs et collectivités pour limiter l'accueil des ménages prioritaires", ou encore les expulsions locatives de ménages pourtant reconnus prioritaires au titre du Dalo et sans solution de relogement.
Le nouveau contexte de la loi Egalité et Citoyenneté
Cette saisine de la CEDH sur le Dalo n'est toutefois pas une première. La France a été condamnée une première fois avec l'arrêt Tchokontio Happi du 9 avril 2015 (voir notre article ci-dessous du 10 avril 2015). En l'espèce, l'Etat avait été condamné pour n'avoir pas exécuté une décision de la justice administrative ordonnant le relogement d'une famille reconnue prioritaire au titre du Dalo depuis plusieurs années, se contentant de payer l'astreinte prévue par la loi du 5 mars 2007.
La médiatisation engagée par la fondation autour de cette nouvelle saisine vise plusieurs objectifs. Tout d'abord, l'association estime que "près de trois ans après l'arrêt de la CEDH, les engagements des pouvoirs publics afin de faire appliquer ce droit sont insuffisants". Ensuite, la saisine simultanée sur la situation de neuf familles devrait créer un effet de masse pour sensibiliser l'opinion lors du rendu de la décision. Enfin et surtout, un nouvel élément est intervenu depuis l'arrêt de la CDEH. La loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 impose en effet aux bailleurs sociaux, aux collectivités et à Action logement d'attribuer 25% de leurs logements à des ménages prioritaires, et en premier lieu à ceux reconnus au titre du Dalo (voir notre article ci-dessous du 28 avril 2017).
Pour la fondation, cette loi, d'application immédiate, "doit absolument être mise en œuvre sans retard : un an après son adoption, la fondation Abbé-Pierre attend de l'Etat un premier bilan d'étape". Avec ces neuf recours, l'association souhaite donc "faire à nouveau condamner l'Etat pour le contraindre enfin à respecter ses obligations".