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Sport / Education - "Cours le matin, sport l'après-midi" : le mouvement sportif cherche sa place

L'expérimentation "Cours le matin, sport l'après-midi", qui concerne cette année 212 établissements scolaires, est censée impliquer des "partenariats avec le monde sportif". Côté équipements, on essaie de profiter des installations disponibles localement. Mais alors que le mouvement sportif espérait être mis dans la boucle, les liens avec les fédérations, les clubs ou les associations apparaissent limités.

"Pour mettre en place des activités variées, les établissements ont développé des partenariats avec le monde sportif." Voilà ce qu'affirme le ministère de l'Education nationale à propos de l'expérimentation "Cours le matin, sport l'après-midi" dans un dossier de presse publié le 21 septembre 2011. Sur le terrain, ce rapprochement entre monde éducatif et mouvement sportif, que chacun appelle de ses vœux et qui semble naturel, n'est pourtant pas la règle.
Née à la rentrée scolaire 2010-2011, l'expérimentation "Cours le matin, sport l'après-midi" a été étendue cette année. Elle implique désormais 212 établissements, et pour les quelque 15.000 élèves concernés se traduit en moyenne par 2h30 de sport supplémentaires par semaine. "Le ministère a demandé qui voulait participer à partir d'un cahier des charges, explique Laurent Housset, principal adjoint du collège Maurice-Ravel, à Paris. Il nous laissait une marge de manœuvre importante sur l'organisation des emplois du temps. Le cahier des charges disant simplement que les élèves du dispositif devaient faire plus de sport que les autres, et que cette pratique soit si possible positionnée l'après-midi. On a un peu modifié l'expérimentation car on trouvait que cours le matin, sport l'après midi, ça opposait les matières, et il n'est pas possible de faire que des cours le matin et que du sport l'après-midi."
Dans le cahier des charges de l'expérimentation, il n'existait aucune incitation à aller vers tel ou tel sport. "Il fallait juste faire ressortir les valeurs du sport. On était complètement libre sur l'offre", ajoute Laurent Housset. En théorie, tout était possible. Dans les faits, deux freins sont venus limiter l'offre d'activités : la disponibilité des installations et les compétences et appétences des professeurs d'EPS. Côté équipements, si le collège Maurice-Ravel n'a pas pu choisir ses horaires au stade ou à la piscine l'année passée, il a cette année anticipé pour obtenir certains créneaux. Côté offre, en revanche, tout s'est fait en interne. "On ne nous a pas accompagnés pour nous rapprocher des fédérations ou des clubs. Des conventions existent avec des fédérations, libre à nous de les contacter ou pas. On nous a incités à tisser des partenariats avec des associations sportives du XXe arrondissement. Mais on ne les a pas sollicitées", précise Laurent Housset. "L'offre dépend des compétences des professeurs. On leur a fait entièrement confiance pour déterminer les sports", complète-t-il.

Déficit de communication

Le mouvement sportif déplore cet isolement. Lors du lancement de l'expérimentation, la Fédération française de tennis (FFT) a ainsi attendu la liste des établissements participants pour se rapprocher d'eux et faire découvrir aux élèves ce sport peu présent à l'école. Mais la liste est arrivée bien trop tard. Tous les établissements avaient déjà fait leur choix d'activités. A la rentrée 2011-12, le même scénario s'est reproduit. L'exemple du tennis est ainsi emblématique sur un point : le manque d'information et de communication avec le milieu éducatif. Car si la pratique du tennis en milieu scolaire connaît des freins évidents - on ne peut faire jouer qu'une partie à la fois dans un gymnase -, la FFT a mis sur pied une offre spécifique pour les contourner… en vain. "On développe d'autres concepts pour le tennis à l'école, mais il faut une information des profs d'EPS, qu'ils sachent qu'on peut jouer sur des terrains plus petits, avec des raquettes et des balles différentes, pas chères et moins fragiles que celles du badminton. Ce n'est pas encore gagné, le tennis n'a pas encore de place reconnue dans le dispositif", plaide Roger Moreaux, responsable du tennis scolaire et universitaire à la FFT. Laurent Housset regrette cette situation : "Je pensais aussi que ce serait une occasion de nous mettre autour d'une table avec les fédérations, avec le tennis par exemple, car les établissements n'ont pas d'installation pour ce sport. Il y a de moins en moins de liens entre les professeurs d'EPS et les fédérations." A tel point que le collège Maurice-Ravel prête des locaux à un club d'escrime qui ne compte, à sa grande surprise, aucun élève de l'établissement parmi ses licenciés.

Les professeurs d'EPS en question

Pour expliquer les raisons de ce manque de communication, André Leclercq, vice-président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), délégué "sport et société", n'y va pas par quatre chemins : "Il y a une réticence de certains professeurs d'EPS à faire rentrer les clubs dans les établissements. Je le constate, je n'ai pas d'état d'âme là-dessus." Sans toutefois partager cette position, Laurent Petrynka, directeur national de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), lâche comme un aveu : "Je savais que cette expérimentation mettrait le problème du partenariat avec le monde extérieur sur la table." Puis il plaide pour une vision qu'il juge "équilibrée" : "Il doit y avoir des partenariats, mais sous la maîtrise des chefs d'établissement et des professeurs d'EPS."
Le couple éducation-mouvement sportif est-il pour autant impossible à rassembler ? Pas si sûr. Pour les principaux intéressés, tout se jouera au niveau local. Pour le CNOSF, André Leclercq indique : "En théorie, toutes nos structures locales ont été associées à la réflexion au niveau académique. Et nos remontées du terrain traduisent un progrès dans l'expérimentation. On arrive à se parler, on lève de plus en plus les ambiguïtés, les difficultés. Des acteurs qui n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble dans ce cadre commencent à mieux maîtriser leur coopération." Le mouvement sportif tente donc de prendre sa place dans le système de façon locale et pluridisciplinaire, à travers les comités régionaux et départementaux olympiques et sportifs (Cros et CDOS). "Les sollicitations des CDOS sur les actions de formation sont de plus en plus nombreuses", précise encore André Leclercq. Une réalité qu'illustre Roger Moreaux, également membre du Cros Champagne-Ardenne : "Au nom du Cros, je me suis engagé à fournir aux chefs d'établissement concernés les adresses des offices municipaux des sports de façon à ce qu'ils aient les coordonnées des clubs de toutes les disciplines voisines de leur établissement. L'autre entrée est celle des clubs : j'ai mis sur le site du Cros la liste des établissements et invité les clubs à prendre contact. Il n'est pas trop tard. Nous sommes fin septembre et une dernière session d'affectation de crédits aux établissements a lieu en octobre dans le cadre de l'accompagnement éducatif. L'initiative peut donc venir du mouvement sportif mais aussi des chefs d'établissement." "La volonté vient de l'établissement. Nous, nous accompagnons et dynamisons le système en lui donnant les moyens de fonctionner", renchérit André Leclercq. La balle est plus que jamais dans le camp du monde éducatif.

Jean Damien Lesay

Une "enquête flash" du Snep-FSU sur l'éducation physique

Seuls "15%" des établissements connaissaient une situation "normale" dans l'enseignement du sport a révélé le syndicat des professeurs d'éducation physique Snep-FSU le 4 octobre lors d'une conférence de presse. Le Snep-FSU a présenté les résultats d'une "enquête flash de rentrée" sur plus de 1.600 réponses d'établissements. "6% des établissements ont des horaires d'éducation physique et sportive non assurés dès la rentrée [...], conséquence du non-remplacement de deux départs en retraite sur trois depuis plusieurs années", a souligné Serge Chabrol, secrétaire général du syndicat. "Cette baisse des horaires va s'accentuer en cours d'année car l'absence de remplaçants est une autre des caractéristiques de la rentrée", a-t-il averti. L'enquête montre que "l'alourdissement des effectifs" est cité par 55% des établissements comme "facteur d'aggravation des conditions d'étude des élèves et de travail des enseignants", avec des conséquences en matière de sécurité. Autre constat : la natation n'est plus enseignée dans "plus de 20% des établissements", et "38% des établissements" ne mettent pas en place des groupes à effectifs réduits pour l'enseigner. Les résultats de cette enquête sont "une opération-vérité qui confirme tout ce que l'on craignait à la suite des suppressions de moyens", a résumé Serge Chabrol. C.F. avec AFP