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Politique de la ville - Contrats de ville : la circulaire du 15 octobre met la pression sur les préfets

Une circulaire de Patrick Kanner et Myriam El Khomri fixe aux préfets le cadre de travail des 400 futurs contrats de ville. Ils doivent être signés "d'ici juin 2015" et pourront prendre deux formes, selon la nature des intercommunalités qui les portent. Il est également rappelé aux préfets tout l'enjeu de la mobilisation du droit commun partout où cela est possible : services de l'Etat, collectivités, fonds européens et tous les autres partenaires...

Les préfets vont devoir se frotter aux quartiers. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat en charge de la politique de la ville, leur ont demandé, via une circulaire datée du 15 octobre, de mobiliser l'ensemble des acteurs territoriaux en vue de la signature des 400 futurs contrats de ville qui toucheront les 1.500 nouveaux quartiers prioritaires (voir notre article ci-contre du 17 juin 2014). Ils précisent également les modalités de mise en œuvre et confirment que c'est bien d'ici au 30 juin 2015 que les contrats doivent être signés.
Le premier point de la circulaire détaille ce que les ministres entendent par "un contrat de ville porté par l'intercommunalité et fédérant l'ensemble des acteurs concernés par la politique de la ville". Ils y rappellent que outre le préfet, le président de l'intercommunalité et les maires des communes concernées, les régions et les départements doivent - c'est la loi - apposer leur signature. Et qu'au-delà, le contrat doit "mobiliser une large communauté d'acteurs". On y retrouve : "procureurs de la République, recteurs d'académie, bailleurs sociaux, agence régionale de santé, CAF, direction territoriale de la Caisse des Dépôts, Pôle emploi et les missions locales, CCI, chambre de métiers et de l'artisanat, principaux acteurs économiques, tissu associatif et habitants, centres de ressources, etc."

Deux formes de contrats selon l'intercommunalité

Dans une formulation compliquée, il est expliqué que le contrat de ville peut prendre deux formes selon "le niveau d'intégration de l'EPCI". Ce sera un "contrat unique pleinement intégré au niveau intercommunal" pour les EPCI ayant la compétence politique de la ville : communauté urbaine, communauté d'agglomération et communautés de communes ayant pris la compétence. Les communautés de communes n'ayant pas de compétence politique de la ville pourraient choisir entre cette formule ou un "contrat-cadre intercommunal mettant en cohérence des conventions territorialisées par commune". De quoi écorner la notion de "contrat unique" maintes fois martelée.
La circulaire rappelle qu'un pacte financier et fiscal de solidarité devra être établi par les EPCI signataires mais ne s'étend pas sur le sujet (une instruction serait adressée aux préfets "début 2015").

La mobilisation du droit commun avant tout

La mobilisation du droit commun est le second point abordé par la circulaire. Le préfet doit s'assurer que les collectivités locales, chacune dans leur cadre de compétence, feront preuve d'"engagements formalisés, pluriannuels" et cela "chaque fois que ce sera possible". Idem pour les autres partenaires.
Mobiliser les politiques portées par l'Etat sera certainement encore plus difficile. "Un travail interservice devra nécessairement être conduit, sous votre responsabilité, avec l'ensemble des services et des opérateurs de l'Etat", exige la circulaire. Ce travail doit s'appuyer sur les conventions interministérielles d'objectifs en faveur des quartiers prioritaires signées en leur temps – et laborieusement - par François Lamy (voir notre article du 8 octobre 2013 "Que restera-t-il des conventions de François Lamy dans les contrats de ville ?"). Et il est bien précisé que "les instruments de la politique de la ville, notamment les crédits d'intervention du programme 147 et ceux de l'Anru, ne pourront être engagés qu'après mobilisation des moyens et des outils de droit commun".
La circulaire évoque également la mobilisation des fonds structurels FSE et Feder dont il a été convenu, avec les régions, qu'au moins 10% irait à la politique de la ville (voir notre article ci-contre du 13 février 2013). Une mobilisation qui "doit trouver sa déclinaison opérationnelle en premier lieu dans les contrats de ville", souligne la circulaire, demandant aux préfets de région de "veiller au respect de cet engagement" auprès des présidents de région. La circulaire souhaite également qu'au-delà de ces 10%, des crédits européens puissent aller vers les quartiers placés en "veille active" (les quartiers "sortant" de la géographie prioritaire).

Le quartier vécu et les territoires sortants

Le troisième point revient sur "les oubliés" de la nouvelle géographie prioritaire. C'est étonnamment sur la logique de "territoire vécu" que Myriam El Khomri a choisi d'insister, jeudi 16 octobre, en annonçant l'envoi de la circulaire à l'occasion d'un déplacement à Rouen. La secrétaire d'Etat à la Politique de la ville a évoqué "la situation des services publics, des équipements publics et des opérateurs associatifs qui se trouvent en lisière des nouveaux quartiers prioritaires mais ont pour usagers les habitants de ces quartiers, dans ce qu'on a appelé 'les quartiers vécus'" pour assurer que "toutes ces structures pourront continuer de bénéficier des crédits spécifiques d'intervention de mon ministère". La circulaire précise bien que le "quartier vécu" n'est pas un nouveau périmètre, mais spécifie que les services publics concernés "doivent être identifiés dans le contrat".
Quant aux territoires en "veille active", leur placement est "soumis à votre appréciation et à celle des élus concernés", est-il assuré aux préfets. Ces territoires bénéficieront d'un accompagnement via le contrat de ville signé à l'échelle de son agglomération (le cas où un territoire en "veille active" serait situé dans une intercommunalité qui n'aurait pas de quartiers prioritaires - et donc pas de contrat de ville – n'est pas envisagé dans la circulaire).
Suivent des rappels, comme l'idée que le contrat de ville constitue "un cadre unique reposant sur trois piliers largement déclinés en annexe : social, urbain et économique" (voir notre article du 25 juin 2014 Les trois piliers des contrats de ville posés en Conseil des ministres). Il est également rappelé que ces trois piliers doivent s'articuler au sein du projet nécessairement "intégré" que porte le contrat de ville qui, lui-même, est "global et référent", sans oublier d'être en "articulation étroite avec les autres contrats, plans schémas qui peuvent exister sur le territoire". Rien de bien nouveau, sauf qu'il est précisé que "le comité de l'administration régionale (CAR) sera l'instance de vigilance de cette cohérence".

Les préfets n'échapperont pas aux conseils de quartier

Un long chapitre revient sur la "coconstruction du contrat de ville avec les habitants" et la mise en place obligatoire des conseils de quartier qui, insiste la circulaire, "n'est pas un enjeu secondaire". Pour les préfets qui en douteraient encore, le texte rappelle que "la mise en œuvre du contrat de ville (…) sera suspendue à la mise en place effective du ou des conseils citoyens". Et si ces conseils ne sont pas installés avant la signature du contrat, "il vous appartiendra de rechercher, en concertation avec les collectivités locales, les associations de quartier et les différents acteurs locaux, les modalités les plus appropriées d'association des habitants, notamment les jeunes, à l'élaboration des contrats, et de fixer l'échéance de leur création".
Au chapitre du soutien aux associations, la circulaire demande que le contrat de ville décline "les mesures nationales de soutien aux associations de nature à simplifier leurs démarches et à leur donner davantage de visibilité, de pérennité et d'autonomie dans leurs interventions" en encourageant les conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO) de trois ans pour les "associations les plus structurantes pour le quartier prioritaire" (voir aussi notre article du 17 février 2014 La fin de la paperasse pour les associations de quartier ?)

Valérie Liquet

Un calendrier très emboîté

La liste des 1.500 quartiers prioritaires a été diffusée le 17 juin dernier par la ministre de l'époque en charge de la politique de la ville, Najat Vallaud-Belkacem (voir notre article ci-contre du 17 juin 2014). Mais le travail de détermination des périmètres précis est toujours "en cours", indique la circulaire du 15 octobre, annonçant qu'un "décret simple" fixant l'ensemble des périmètres arrêtés sera publié "d'ici à la fin de l'année".
Ces 1.500 quartiers prioritaires concernent environ 700 communes et 400 intercommunalités (chacune signant son contrat de ville), selon le principe des poupées russes (voir notre article ci-contre du 22 novembre 2012) ou des emboîtements de territoires (voir notre article ci-contre du 21 décembre 2012). Principe qui a prévalu à la philosophie de la nouvelle géographie prioritaire.
Les 400 contrats de ville devront être signés d'ici au 30 juin 2015. Comme le rappelle l'annexe de la circulaire, les contrats de ville devront fixer "les orientations et le cadre de référence pour la passation des conventions de renouvellement urbain" des futurs quartiers Anru (les 200 qui bénéficieront du nouveau programme de renouvellement urbain, et dont la liste sera connue début novembre). Pour bien faire, "dans la mesure du possible, le protocole de préfiguration (de la convention Anru) est mis au point et signé simultanément au contrat de ville", est-il rappelé dans la circulaire. Tout cela est détaillé dans le règlement général de l'Anru (voir notre article du 2 octobre 2014 Les nouveaux projets Anru, mode d'emploi).

V. L.
 

 

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