Politique de la ville - Une nouvelle géographie prioritaire sur le modèle des poupées russes ?
"On connaît finalement tous la conclusion", a estimé Stéphane Beaudet, lors de la plénière de restitution à mi-parcours des premiers éléments sortis des trois groupes de travail de la concertation lancée à Roubaix par François Lamy. "La réforme de la politique de la ville passera par un projet de territoire contractualisé, à l'échelle intercommunale, dont les contours devront s'adapter aux spécificités territoriales", a poursuivi le maire de Courcouronnes et vice-président de la communauté d'agglomération Evry-centre-Essonne. Ce n'est effectivement pas un scoop (voir nos articles ci-contre). Mais ce n'était pas non plus le but.
Ne parlons plus de zones
Coprésident du groupe de travail sur la "nouvelle géographie prioritaire", Claude Dilain, sénateur de Seine-Saint-Denis, a présenté une géographie prioritaire "emboîtée", en alternative à "l'approche territorialisée" d'aujourd'hui. La plus grosse boîte serait celle de la contractualisation et se situerait à l'échelle intercommunale ; la moyenne boîte serait celle de la maîtrise d'oeuvre et se situerait à l'échelle de la commune (l'intercommunalité, à ce stade, poserait "beaucoup de difficultés aux maires", a témoigné la préfète Nicole Klein, coprésidente du groupe de travail. "Les communes riches ne sont pas d'accord pour payer pour les autres", a-t-elle rapporté) ; la petite boîte correspondrait aux "territoires cibles" ("Vous avez vu : on ne parle plus de 'zones'", a fait remarquer Claude Dilain) qui bénéficieront de crédits spécifiques de la politique de la ville selon des critères que le groupe de travail n'a pas fini d'étudier. Une géographie de poupées russes, en quelque sorte.
Le second groupe avait mandat de rechercher "les modalités de mise en oeuvre, de suivi et d'évaluation d'une nouvelle génération de contrats favorisant l'implication de l'ensemble des acteurs et intégrant, dans un cadre intercommunal, les projets de rénovation urbaine, les actions de cohésion sociale et les politiques de droit commun de l'Etat et des collectivités territoriales". Résultat : "Il faut laisser de la souplesse au niveau local tout en gardant un cadre de référence national", a rendu compte, en substance, la coprésidente Annie Guillemot, maire de Bron. Il y aurait deux niveaux de contrat. L'un, fixé par la loi, entre l'Etat, la commune et la communauté, mais aussi le conseil régional et le conseil général. Le deuxième niveau de contrat prendrait la forme de "fiches complémentaires apportées par d'autres partenaires, comportant leurs engagements en termes d'objectifs, de moyens et d'évaluation", a expliqué le préfet Claude Morel, citant bailleurs sociaux, entreprises, syndicats patronaux, associations…
"On n'inventera rien"
Le troisième groupe, celui coprésidé par Françoise Bouygard, conseiller-maître à la Cour des comptes, et Stéphane Beaudet, "n'inventera rien", selon les dires de l'élu de l'Essonne. Planchant sur les politiques sectorielles, de fait, une première réunion sur le thème de l'emploi a conclu à des recommandations du type : il faut traiter autant les personnes inscrites à Pôle emploi que celles au chômage mais non inscrites ; il faut travailler sur la coordination des acteurs du service public local de l'emploi ; il faut favoriser le contact direct avec les entreprises par le biais des parrainages ou encore des contrats d'alternance ; veiller à la continuité des actions…
Missionné par François Lamy pour réfléchir sur la péréquation en faveur des villes de banlieue, François Pupponi, député-maire de Sarcelles, a donné ses premières pistes, précisant qu'il "va [lui] falloir consulter les associations d'élus". Il n'a pas redit, comme il l'avait fait le 7 novembre lors du séminaire "Egalité dans le logement" (voir notre article ci-contre) que "la péréquation, c'est comme la mixité sociale : tout le monde est pour, sauf quand il s'agit, pour les villes riches, de payer". Ses propos étaient nettement plus tempérés : "La péréquation horizontale, engagée à marche forcée par le Fpic, va assécher beaucoup de communes ; il sera difficile d'en rajouter." Le député lorgnerait du côté de l'exercice de la péréquation à l'intérieur des intercommunalités : "Certaines sont exemplaires en matières de DSC (dotation de solidarité communautaire), d'autres pas (surtout en Ile-de-France)", souligne-t-il.
Enfin, à noter que François Lamy a insisté, en ouverture, sur la place centrale des habitants dans la nouvelle politique de la ville. "Ce sont eux les meilleurs experts car ils sont les usagers de leur territoire. Si on ne leur en donne pas les moyens, si on ne leur crée pas l’espace suffisant, on ne peut pas leur reprocher de ne pas s’impliquer plus", a-t-il déclaré.
Le ministre de la Ville a conclu ces échanges en annonçant l’organisation de "Rencontres avis citoyens", au mois de janvier 2013, dans plusieurs villes de France, dans le cadre de la poursuite de la concertation, qui s'achèvera par un CIV en février.