Consensus au Sénat sur le renforcement de la protection des élus
Le Sénat a adopté à l'unanimité, mardi 10 octobre au soir, la proposition de loi issue de ses rangs renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, un texte bâti en réponse à la montée des violences contre les édiles et figurant en tête des travaux de la rentrée de la Haute Assemblée.
La proposition de loi "vise trois objectifs", a résumé François-Noël Buffet, président de la commission des lois et l'un de ses auteurs : "renforcer l'arsenal répressif", "améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, agressions ou injures dans le cadre de leur mandat ou d'une campagne électorale", ainsi qu'"opérer un changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques". "L'agression d'un maire est une attaque contre la République", a-t-il souligné, en constatant que "leur protection est largement perfectible".
Le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus annoncé en juillet "se matérialise en partie dans ce texte", a estimé Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales. "Votre travail est décisif", a-t-elle déclaré aux sénateurs, réitérant le soutien du gouvernement à la proposition de loi.
Peines plus lourdes
L'un des principaux axes a pour objet de "renforcer l'arsenal répressif", en particulier en alignant les peines sanctionnant les violences commises à l'encontre des élus sur celles qui sont prévues pour les atteintes aux dépositaires de l'autorité publique. En outre, les auteurs d'injures publiques à l'encontre d'élus encourront une peine de travail d'intérêt général. À noter aussi : lorsqu'ils seront dirigés contre les élus, les faits de harcèlement – notamment en ligne – seront plus sévèrement répréhensibles, puisqu'il s'agira d'une "circonstance aggravante". Par ailleurs, le délai de prescription concernant les délits de diffamation et d’injure envers les élus locaux sera allongé, passant de trois mois à un an.
Autre mesure phare : l'octroi automatique de la protection fonctionnelle de la commune "au maire ou aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions", lorsque ces derniers en font la demande. Concrètement, l'élu verra ses frais de procédures remboursés, s’il est attaqué ou s'il porte une affaire liée à sa fonction en justice.
Les communes ont l’obligation de s’assurer pour supporter le coût de cette protection fonctionnelle. Une dépense, qui, toutefois sera compensée par l'État, pour toutes les communes de moins de 10.000 habitants – actuellement, seules celles de moins de 3.500 habitants sont compensées.
La protection fonctionnelle pour les simples conseillers municipaux ?
Pour l'heure, les simples conseillers municipaux sont écartés du droit à la protection fonctionnelle prévu par le texte, ce qu'ont regretté des sénateurs de nombreux groupes politiques, y compris la rapporteure (LR), Catherine Di Folco. Leurs amendements ont buté sur l'impossibilité pour les parlementaires de créer des charges nouvelles en l'absence d'un accord expresse du gouvernement (article 40 de la Constitution). Ils ont toutefois eu l'oreille de la ministre déléguée aux collectivités. "Je prends l'engagement d'étudier le sujet sérieusement et avec détermination, et de porter un amendement qui vous donne satisfaction au cours de la navette", a-t-elle promis, d'après le compte rendu des débats.
On notera qu'en commission, le Sénat a étendu l'attribution automatique de la protection fonctionnelle aux principaux élus départementaux et régionaux (présidents, vice-présidents et conseillers ayant reçu délégation), dans le cas où ces derniers sont "victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions", et à la condition qu'ils en fassent la demande.
"L'absence de la Justice derrière les élus"
Pour "renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires", la proposition de loi améliore l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions signalées par lui ou constatées par les agents de police municipale de sa commune. "Nombre d'élus n'ont aucun contact avec le procureur, son substitut ou avec le préfet", a déploré François-Noël Buffet. Pour qui "ce contact doit devenir naturel et simple".
"Trop souvent, les agressions [d'élus, Ndlr] sont minimisées" par les acteurs judiciaires, a critiqué de son côté Cyril Pellevat (LR). Son collègue Olivier Paccaud (LR) a enfoncé le clou : "L'un des principaux problèmes, c'est l'absence de la Justice derrière les élus." Mais, pour Dominique Faure, les choses s'arrangent depuis une récente circulaire gouvernementale. "Les procureurs répondent présent et les classements sans suite ont beaucoup diminué", a-t-elle indiqué.
La ministre a dit "espérer" que la proposition de loi soit examinée "avant décembre" à l'Assemblée nationale. Le gouvernement ayant déclenché la procédure accélérée pour limiter la durée de la navette parlementaire, les mesures ne nécessitant pas de décret, pourraient être rapidement appliquées.