Comment trouver 22.000 hectares pour l'industrie d'ici 2030 ?

L'impératif de réindustrialisation impose de trouver 22.000 hectares à horizon 2030, selon le rapport sur la mobilisation du foncier industriel remis par Rollon Mouchel-Blaisot au gouvernement, le 25 juillet. Cette mobilisation passera en grande partie par de la réhabilitation de friches (10.000 ha), de la densification (3.500 ha) mais aussi par de l'artificialisation (8.500 ha). Le préfet préconise d'élaborer une stratégie nationale, de constituer un stock d'une dizaine de grands sites et de lancer un programme d'urgence de réhabilitation de friches. Le travail d'identification est déjà "largement avancé", selon le gouvernement.

La réindustrialisation à laquelle l'exécutif aspire nécessite de trouver 19.500 hectares de foncier, plus 2.500 hectares pour la logistique attenante, d'ici 2030. Soit 22.000 hectares au total. C'est ce qu'évalue le préfet Rollon Mouchel-Blaisot dans son rapport sur la "mobilisation du foncier industriel" remis au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu et au ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, le 25 juillet, un jour après avoir pris ses nouvelles fonctions de préfet de la Somme.

Les deux ministres lui avaient confié cette mission fin février, en pleine préparation du projet de loi Industrie verte qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale et dans lequel la question du foncier est centrale (voir notre article du 25 juillet 2023). Dans un contexte de "pénurie croissante du foncier économique dans tous les territoires", accentué par les objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN), ils lui avaient demandé d'identifier le foncier disponible et de trouver des solutions pour le mobiliser le plus rapidement possible (voir notre article du 9 mars 2023).

"J'ai la conviction que notre pays peut parfaitement concilier accélération de la réindustrialisation et trajectoire nationale de sobriété foncière et démontrer que ces deux enjeux sont non seulement compatibles mais complémentaires", conclut le préfet au terme de ses travaux. Selon lui, trouver les 22.000 ha nécessaires passera en grande partie par de la réhabilitation de friches (10.000 ha), de la densification (3.500 ha) mais aussi par de l'artificialisation (8.500 ha). Il faudra pour cela "changer d'échelle et de manière de faire". L'ancien directeur général de l'Association des maires de France (AMF) préconise une grande "stratégie nationale de mobilisation du foncier industriel" déclinée en feuilles de routes élaborées avec les collectivités et les opérateurs économiques.

Une dizaine de grands sites clés en main

Il souligne l'importance de mener une véritable "planification foncière", le premier enjeu étant de "mieux connaître et optimiser" le stock existant. Le préfet rappelle que les intercommunalités sont tenues de réaliser un inventaire de leurs zones d'activités économiques avant la fin août, et que nombre d'entre elles ont engagé cette démarche, grâce au soutien des agences d'urbanisme, de la Banque des Territoires (voir notre article du 17 avril 2023) et du Cerema. Ces dernières travaillent ensemble à la création d'un portail national valorisant les disponibilités foncières et immobilières à vocation productive. Rollon Mouchel-Blaisot demande de bien distinguer ce futur portail du site "Dataviz sites clés en main" qui se doit d'être la "vitrine" du foncier immédiatement disponible à destination des investisseurs.

Il suggère de réserver une part des enveloppes Enaf (espaces naturels, agricoles et forestiers) aux projets industriels mais la constitution d'un stock de friches réhabilitées conséquent permettrait d'atténuer le besoin d'artificialisation. Autre préconisation : adapter la gestion du ZAN à la réindustrialisation en conservant de 100 à 200 hectares par an pour les projets industriels sur la réserve nationale de 10.000 hectares prévus par la loi du 20 juillet 2023.

Le rapport s'inscrit aussi dans une course contre la montre. Même si l'essentiel des projets concerne des PME et PME, il souligne le besoin spécifique en "très grands terrains" capables d'accueillir les fameuses "gigafactories". Une dizaine de grands sites "clés en main" serait ainsi nécessaire. "Il convient de prévoir la consommation effective de 100 à 200 ha chaque année pour ces gigafactories, soit une enveloppe de 1.500 ha pour dix ans". Un stock qui pourra être pour partie trouvé "par reconquête de friches".

Un programme d'urgence de réhabilitation de friches

Plus généralement, le rapporteur considère que la réhabilitation de friches se heurte à un problème de financement. "L'activation sans délai d'une première enveloppe de friches est une condition essentielle de réussite de la stratégie de mobilisation du foncier", insiste-t-il. Ce programme d'urgence doit démarrer "dès la fin de l'année" afin de permettre les premières mises à disposition de terrain en 2025. Ce plan de 2.000 ha nécessitera la mobilisation d'un milliard d'euros pour amorcer le dispositif, les régions étant invitées à compléter ces fonds, à condition d'être pleinement associées au pilotage. Une liste de sites devra être définie "dès le second semestre 2023" dans chaque région.

Le rapport recommande aussi d'optimiser le foncier existant, grâce aux progrès techniques, mais aussi en densifiant les zones industrielles notamment "en vertical" ou en ayant recours à la "construction mutualisée" qui permettrait de diminuer de 30% l'emprise foncière. Il entend s'attaquer au "foncier caché", c'est-à-dire des réserves foncières récupérées par les administrations ou opérateurs publics - lors de restructurations de casernes par exemple - et qui ne sont pas utilisées. Un travail qui doit se faire à l'initiative des préfets de région mais en étroite collaboration avec les régions, en élargissant la revue interministérielle des fonciers publics pour le logement à l'industrie.

Impératifs d'aménagement du territoire

Le préfet n'a pas oublié ses anciennes fonctions à la tête du programme Action cœur de ville puisqu'il insiste sur les "impératifs d'aménagement du territoire" et préconise une "alliance des territoires" pour faire revenir "les populations actives nécessaires à ce rebond" dans les petites et moyennes villes frappées par la désindustrialisation. "À cet égard, les attractivités économique et résidentielle sont étroitement liées, comme Action cœur de ville l'a démontré", souligne-t-il. À l'instar de la présidente du Cerema, Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines, qui copilotait le groupe de travail du projet de loi Industrie verte sur le foncier, Rollon Mouchel-Blaisot juge l'"acceptation locale" prégnante dans ces projets de réindustrialisation, "ce qui suppose de mieux soutenir et accompagner les territoires qui contribuent à cette priorité nationale dans leurs choix d'aménagements."

Pour les deux ministères, "le premier grand défi est l’identification de 50 nouveaux sites à fort potentiel pour l’industrie". Ce travail d’identification "est déjà largement lancé dans plusieurs régions et intercommunalités et dans les grands ports maritimes". Le deuxième grand défi "est de préparer les terrains identifiés à l’accueil d’activités industrielles et les rendre les plus 'clés en main' possible". Ce qui implique d'accélérer toutes les procédures et s'assurer de tous les raccordements nécessaires. Ce chantier est mené avec le concours de la Banque des Territoires. À plus long terme, le projet de loi Industrie verte promet de ramener de dix-sept à neuf mois les délais d'implantations.

 

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