Comment lever les freins à la pratique du vélo dans les villes moyennes ?
Transdev et Villes de France ont publié récemment un "Cahier des solutions locales" sur l'avenir du vélo dans les villes moyennes qui synthétise les résultats d'une étude lancée il y a deux ans. L'analyse montre que si le recours à la petite reine reste encore embryonnaire dans les déplacements quotidiens, il pourrait être facilement encouragé par l'aménagement d'itinéraires sécurisés et des stratégies locales incitatives.
Dans les villes moyennes, deux ménages sur trois possèdent au moins un vélo mais la pratique de la petite reine est encore embryonnaire et largement minoritaire par rapport à l'usage de la voiture, constate un "Cahier des solutions locales" sur l'avenir du vélo dans cette catégorie de collectivités, publié en juin par Transdev et Villes de France. Ce document synthétise les résultats d'une étude lancée en 2021. Réalisée avec le soutien de l'Ademe et de la Banque des Territoires, l'étude s'est appuyée notamment sur des approches de terrain réalisées auprès d’un panel de douze villes et intègre également une enquête en ligne auprès de 2.000 personnes représentatives de la population de ces villes.
Le vélo vu d'abord comme une pratique de loisir
Si 67% des habitants de ces villes pratiquent le vélo occasionnellement, seuls 22% le perçoivent avant tout comme un moyen de se déplacer et 59% disent "ne pas avoir été habitués à considérer le vélo comme un mode de transport". La voiture apparaît, elle, comme un mode plus pratique, plus rapide et plus adapté que le vélo à leur mode de vie – 83% des habitants des villes moyennes la voient comme un mode de déplacement incontournable dans leur vie quotidienne et 77% estiment que la circulation automobile présente peu de contraintes. Spontanément, les personnes interrogées dans les douze villes objet de l'étude associent le vélo à quatre images prégnantes : la mise en danger (32% des personnes qui n'utilisent pas le vélo dans leurs déplacements quotidiens évoquent leur crainte de la voiture) ; une pratique de loisir dans la nature, loin des villes ; un moment de partage, en famille ; des difficultés à se motiver. Pour les utilisateurs du vélo au quotidien, santé, pouvoir d'achat, bénéfices écologiques et sentiment de liberté apparaissent comme les principaux bénéfices mis en avant.
Certains types de trajets plus accessibles que d'autres
Pour agir en faveur du vélo, il faut tenir compte des facteurs pratiques et psychosociaux et des profils associés à l'usage de la bicyclette, souligne l'étude. Ainsi, le manque d'aménagements, pistes et stationnements reste le frein principal pour plus des deux-tiers des personnes interrogées. Alors que la zone de pertinence du vélo est généralement reliée aux déplacements dont la distance varie entre 1 et 5 km, l'organisation spatiale des activités sur le territoire constitue encore un frein, notamment pour se rendre à son travail ou vers son lieu d'étude : seuls 38% des personnes interrogées peuvent faire le trajet en moins de 5 km. Autres contraintes fréquemment citées en défaveur du vélo : des aides à l'achat jugées insuffisantes et la peur du vol.
De manière générale, un passage au vélo pour les déplacements du quotidien ne semble possible que pour certains types de trajets. Ainsi 66% des personnes interrogées pensent qu'il leur serait "facile" (27%) ou "possible" (39%) de se rendre à vélo pour faire leurs courses dans des commerces de proximité et 62% vers leurs activités de loisirs ou sportives. Pour faciliter le passage au vélo, les pistes les plus appréciées par les habitants des villes moyennes sont les aménagements spécifiques au vélo (38% disent que la mise en place d'un réseau de pistes cyclables dense et sûr pourrait jouer un rôle "très important"). Parmi les facteurs psychosociaux, outre les arguments écologiques, économiques et favorables à la santé, le vélo apparaît comme "un objet qui attire l'attention" : 78% des personnes interrogées déclarent que sa pratique est plutôt bien perçue dans leur entourage (famille, amis, collègues) et 88% estiment que "pratiquer le vélo est plutôt bien vu dans la société".
Profils-types des pratiquants et de ceux restant à convaincre
L'étude note que ce sont les hommes, les moins de 35 ans, les indépendants et les cadres ainsi que les personnes vivant dans un foyer au revenu aisé qui sont plus enclins à utiliser le vélo pour leurs déplacements quotidiens. Elle relève un faible taux de réfractaires à la pratique du vélo (7% seulement) et une grande diversité de profils à convaincre des bienfaits du vélo au quotidien. Parmi eux, 19% de jeunes convertis – les plus "multimodaux" – qui auront principalement besoin d'un accompagnement serviciel (formations sur l'entretien des vélos, location de vélo à assistance électrique, etc.) et 12% de "sédentaires contraints". Ces derniers, qui ont intégré le vélo dans leurs modes de déplacements, utilisent rarement la voiture et sont usagers des transports publics, "ont besoin de simplicité et de pragmatisme et seront sensibles au développement du vélo et de son image positive", souligne l'étude. Les 19% de cyclistes aguerris sont, eux, les plus exigeants en termes d'aménagement et d'équipement mais restent très à l'aise dans toutes les situations et finalement peu freinés dans leurs pratiques. Reste les "23% d'éloignés bienveillants", guère équipés, qui portent un regard globalement positif, bien que le vélo ne soit pas dans leur schéma de pensée, et les "20% d'éloignés craintifs" qui sont équipés mais associent le vélo au sport et aux loisirs, la voiture restant pour eux incontournable pour les déplacements quotidiens.
Douze recommandations aux collectivités
À partir de cette analyse, l'étude fournit douze recommandations aux collectivités pour la mise en œuvre de politiques cyclables adaptées à chaque territoire. La première donne la marche à suivre pour bâtir une stratégie vélo : "concentrer les actions de court et moyen terme sur les déplacements utilitaires courts, en cherchant à faire du vélo un mode attractif aux côtés des autres modes de déplacement non seulement pour les déplacements domicile-travail de moins de 5km, mais aussi pour les déplacements liés aux achats de proximité, à la scolarité des enfants ou aux trajets vers les lieux de loisirs" et "attendre d’avoir atteint un certain seuil de visibilité du vélo et de développement du réseau cyclable avant de concentrer des efforts sur les déplacements domicile-travail de plus longue portée". D'autres concernent la communication, les actions pédagogiques en milieu scolaire, les formations d'accompagnement des usagers de la bicyclette.
L'étude conseille de "concentrer les moyens sur quelques aménagements qualitatifs et attrayants dessinant un itinéraire complet et de les compléter par des aménagements 'légers' avant de chercher à développer un réseau lourd" et d'"apporter un soin tout particulier aux aménagements situés à proximité des axes structurants ainsi qu’au traitement des intersections", jugées particulièrement anxiogènes pour les publics inexpérimentés. D'autres recommandations visent notamment les dispositifs d'aide à l'achat et de location et les services de stationnement. Autre recommandation incontournable : l'intermodalité vélo/transport en commun pour les déplacements dépassant le périmètre de l'agglomération, et même à plus long terme pour les déplacements domicile-travail longs entre ville-centre et zone rurale des villes moyennes.