Premier comité interministériel du plan "vélo et marche" : le gouvernement donne un nouveau coup de pédale
Le premier comité interministériel "vélo et marche" qui s’est tenu ce 5 mai a été l’occasion pour le gouvernement de détailler son plan 2023-2027, qui poursuit un triple objectif : rendre le vélo accessible à tous, faire du vélo et de la marche une alternative à la voiture et renforcer la filière économique du cycle. Les collectivités locales sont naturellement appelées à être fortement mobilisées. Chrystelle Beurrier, présidente de Vélo & Territoires, réagit pour Localtis aux mesures annoncées lors du comité.
"Quand on sait d’où l’on vient, il y a toutes les raisons d’être satisfait par le plan vélo présenté lors de ce premier comité interministériel, que l’on attendait avec impatience." Interrogée par Localtis à l’issue de ce comité, présidé ce 5 mai par Élisabeth Borne (voir notre article), la présidente de Vélo & Territoires, Chrystelle Beurrier, ne boude pas son plaisir. "Le principal motif de satisfaction, c’est l’affirmation d’une vision pluriannuelle. Les 250 millions d’euros annoncés en septembre dernier pour l’année 2023 [voir notre article du 20 septembre 2022] étaient une bonne chose, mais nous attendions des perspectives. Nous les avons, avec la pérennisation du fonds mobilités actives - aménagements cyclables jusqu’à la fin du quinquennat, soit 1,25 milliard d’euros au total. Cela permettra aux collectivités de poursuivre leurs efforts et d’étudier de nouveaux dispositifs. Sept sur dix sont déjà au travail. Le lancement de l’appel à territoires cyclables [sous forme expérimentale, pour accompagner les territoires peu ou moyennement denses et accélérer la mise en œuvre de leur schéma cyclable, ndlr] devrait également permettre de motiver celles qui n’y sont pas encore."
Côté infrastructures, le gouvernement a également indiqué être prêt à contractualiser jusqu’à 200 millions d’euros à travers les contrats de plan État-régions 2023-2027, notamment pour compléter le maillage du réseau des véloroutes, dont le schéma national a été approuvé par arrêté du 15 mars 2023, opportunément publié au Journal officiel ce 5 mai.
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Stationnements
Autre source de satisfaction pour Chrystelle Beurrier, "l’accent mis sur le stationnement, en gare notamment, où il est indispensable au développement de l’intermodalité". Le gouvernement annonce vouloir transposer "dès que possible" la prochaine version de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, en cours de révision et qui devrait renforcer l’obligation d’installer des stationnements pour les vélos dans les bâtiments neufs ou faisant l’objet de travaux de rénovation. Rien n’interdit de l’anticiper. Pour les gares, l’objectif, via le plan France Relance, est de porter le nombre d’emplacements sécurisés à 90.000 d’ici 2027. "C’est indispensable autant pour développer les mobilités du quotidien que le vélotourisme en cœur de ville", martèle Chrystelle Beurrier.
Vélo-tourisme
Alors que le plan vise à "faire du vélo un levier pour notre économie", en structurant la filière, en développant une filière du vélo reconditionné ou encore en développant la cyclologistique, c’est surtout le développement du vélotourisme qui retient l’attention de Chrystelle Beurrier, cause qui lui est chère. Vélo & Territoires est ainsi chargée d’un travail de concertation avec les différents acteurs afin de remettre un livre blanc à la ministre chargée du tourisme, à partir duquel une stratégie nationale du vélotourisme sera élaborée. "Le tourisme à vélo est en plein essor, comme le montrent les derniers chiffres de France Vélo Tourisme. Près de 3,7 millions de visiteurs ont utilisé cette plateforme pour construire leur trajet. Avec près de 5 milliards de retombées économiques annuelles, c’est une filière économique importante qu’il faut aider, le retour sur investissements – pour les hébergeurs, les restaurateurs, les sites touristiques… – étant toujours au rendez-vous", plaide la présidente de Vélo & Territoires, association qui travaille par ailleurs à l’élaboration d’un "atlas des itinéraires emblématiques".
Pérennisation des aides à l’acquisition
Autre bonne nouvelle saluée, la nouvelle prolongation des aides à l’achat (toujours sous conditions de ressources), bonifiées en août (voir notre article du 30 août 2022), jusqu’en 2027, et leur élargissement à l’acquisition de vélos d’occasion auprès de professionnels avec la prochaine loi de finances. "Cela va dans le sens de l’économie circulaire et facilitera l’acquisition par les plus modestes de vélos à assistance électrique, qui restent coûteux", souligne Chrystelle Beurrier. Sera également prolongée jusqu’en 2027 la réduction d’impôt accordée aux sociétés mettant à disposition de leurs salariés une flotte de vélos de fonction pour leurs déplacements domicile-travail.
Le goulot d’étranglement des ressources humaines
Tout ne va pour autant pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Ainsi, si Chrystelle Beurrier partage l’objectif d’une généralisation progressive du dispositif "Savoir rouler à vélo" à toute une classe d’âge, pour atteindre 850.000 enfants formés chaque année avant leur entrée au collège à partir de 2027, elle met en relief "le problème des ressources humaines, notamment pour le volet du dispositif qui se déroule sur voirie. Cela va nécessiter de former de nombreux encadrants. L’ambition est belle, mais cela risque de prendre du temps, alors que les accompagnateurs sont parfois déjà insuffisamment nombreux. De manière générale, cette question des compétences est cruciale", insiste-t-elle en rappelant les conclusions d’une récente étude (voir notre article du 22 mars 2023). Notons qu’une expérimentation de "massification" de ce dispositif sera en outre conduite avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Vigilance sur la sécurité
"La sécurité doit être un point de vigilance", alerte encore Chrystelle Beurrier, qui se dit "inquiète sur les vitesses [des automobiles], notamment dans les zones moins denses", et qui déplore l’absence de mesures idoines. Elle s’avoue également dubitative sur l’expérimentation visant à permettre aux vélos et autres engins de mobilité personnelle de doubler par la droite (manœuvre qui restera interdite lorsqu’elle concerne des véhicules équipés d’un autocollant angle mort). "Dans quelles conditions ? À l’arrêt uniquement ? Il faut attendre le texte pour se prononcer", invite-t-elle. Deux autres expérimentations sont prévues afin de faciliter l’arrêt et le redémarrage des cyclistes au feu rouge. La première prévoit l’installation de repose-pied en bord de chaussée afin qu’ils puissent s’arrêter sans avoir à descendre de selle. La seconde vise le décalage du passage au vert du feu pour les cyclistes. Par ailleurs, le "sas vélo" – espace réservé en amont du feu de signalisation – sera généralisé pour les nouveaux aménagements d’ici 2024, et ceux existants devront être mis en conformité dans les dix ans.
Urgence
"Maintenant, il va falloir faire en sorte que les crédits soient bien mobilisés", avertit en conclusion Chrystelle Beurrier, soulignant l’importance "de bien faire connaître ces dispositifs". Et vite : "Il y a urgence à lancer les actions pour qu’elles puissent se concrétiser d’ici la fin du mandat des maires. Ce plan est très positif, mais il fallait vraiment qu’il n’intervienne pas plus tard."
Un plan "bienvenu et volontariste" pour France urbaineLes élus des grandes villes, agglomérations et métropoles ont salué dans un communiqué ce 9 mai un plan vélo-marche 2023-2027 "bienvenu et volontariste" qui se donne comme objectif de doubler le réseau cyclable français d'ici 2030. "Les annonces d’un soutien par l’Etat de deux milliards d’euros pour accompagner les collectivités et de la pérennisation du fonds 'mobilités actives' (...), sur l’ensemble du quinquennat, avec un objectif de 80.000 kilomètres d’aménagements cyclables sécurisés en 2027 et 100.000 en 2030, vont dans le bon sens", estime France urbaine qui salue aussi "l’ouverture et la facilitation d’accès aux aides directes à l’achat de vélo aux collectivités, ainsi que l’accompagnement des collectivités à la conversion de leurs véhicules polluants". Alors que le gouvernement a annoncé des évolutions à venir du Code de la route, qui vont faire l’objet de plusieurs expérimentations, l’association se dit également prête à collaborer et à mettre son expertise au service de l’Etat et des collectivités volontaires. "France urbaine est convaincue qu’un partenariat ambitieux et concret entre l’Etat et les collectivités pour développer les infrastructures, notamment des pistes cyclables et des stationnements sécurisés, est la clé pour démocratiser et généraliser la pratique du vélo et faire de la France le pays de référence en la matière", conclut le communiqué. A.L. / Localtis |