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Comité interministériel du handicap : des résultats bien réels, mais des secteurs encore à la traîne

Le comité interministériel du handicap réuni ce 5 juillet a surtout donné lieu à des annonces sur la mise en œuvre ou le prolongement d'actions déjà engagées ou prévues : dépistage, école inclusive, future réforme de la PCH, fonctionnement des MDPH, emploi et future réforme des Esat, habitat inclusif, aides techniques, soutien aux aidants, accessibilité… Le gouvernement assurant par ailleurs qu'il œuvre bien à une "amélioration de la situation des bénéficiaires de l'AAH en couple".

Le comité interministériel du handicap (CIH) s'est réuni le 5 juillet, sous la présidence effective du Premier ministre et en présence, effective ou virtuelle, de nombreux ministres. Ce comité intervient dans un contexte un peu particulier, puisqu'il se tient trois semaines après la très vive polémique sur le refus du gouvernement et de sa majorité à l'Assemblée – malgré des tensions en son sein – d'adopter la "déconjugalisation" de l'AAH, réclamée par toutes les associations (voir notre article du 17 juin 2021).

Un succès pour l'école inclusive

Ce CIH était le cinquième de la mandature, depuis que Jean Castex a décidé de le tenir environ tous les six mois, même si le précédent remonte en fait à novembre 2020, du fait des perturbations induites par la crise sanitaire (voir notre article du 16 novembre 2020). Cette périodicité relativement rapprochée pénalise d'ailleurs quelque peu le CIH, alors que l'engagement du gouvernement en faveur du handicap est bien réel, y compris à travers la revalorisation de 12% du montant de l'AAH. L'essentiel des annonces portent en effet sur la mise en œuvre ou le prolongement d'actions déjà engagées ou annoncées.

La présentation des résultats et annonces du CIH est ainsi organisée en quatre grands thèmes. Le premier consiste à "investir sur les jeunes générations en situation de handicap", à travers notamment le dépistage précoce grâce au déploiement des plateformes de coordination et d'orientation. Celles sont déjà 63 à l'été 2021 et, selon l'entourage du Premier ministre, elles devraient couvrir tous le territoire avant la fin de 2022).

L'école inclusive est une autre composante forte de ce premier thème, avec des résultats significatifs. Ainsi, 384.000 élèves en situation de handicap ont été scolarisés à la rentrée 2020, soit 20% de plus qu'en 2017. Ils bénéficient de l'appui de 117.200 AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap, +46%) et de 1.300 unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) supplémentaires (+4%). Par ailleurs, le recrutement de 4.000 AESH est prévu à la rentrée 2021. Le mouvement d'ouverture gagne aussi l'université, avec la mise en place du Comité national de suivi de l'université inclusive.

Toujours l'AAH et la fin de la réforme de la PCH renvoyée à 2022

Le second axe vise à "simplifier le quotidien et renforcer le pouvoir d'agir des personnes en situation de handicap". Toutefois, en matière d'accès aux droits, l'achèvement de la réforme de la PCH est renvoyé à 2022, même si un certain nombre d'améliorations ont déjà été introduites en début d'année (voir notre article du 6 janvier 2021). D'autres améliorations sont cependant en cours ou prévues, comme l'amélioration du fonctionnement des MDPH, la simplification dans les prestations (attributions à vie), une meilleurs prise en compte du handicap psychique et mental... Selon Matignon, 135.000 personnes bénéficieraient ainsi déjà de l'AAH à vie.

La question de la "conjugalisation" de l'AHH est bien sûr revenue sur le tapis, portée par les associations. Le gouvernement reste fermé sur le sujet et lui oppose une "amélioration de la situation des bénéficiaires de l'AAH en couple" avec, en particulier, la mise en place d'un abattement fixe de 5.000 euros, "plus avantageux que l'abattement actuel de 20%" et qui "permettra à 120.000 personnes de bénéficier d'une hausse moyenne de 110 euros nets par mois pouvant aller jusqu'à 186 euros". Selon l'entourage du Premier ministre, la proposition de loi rejetée par l'Assemblée nationale aurait fait 44.000 perdants, alors que la mesure préconisée par Sophie Cluzel ferait environ 120.000 gagnants, à hauteur des 110 euros par mois évoqués ci-dessus.

Pour autant, le gouvernement ne méconnaît pas le problème des femmes handicapées placées en position de faiblesse vis-à-vis de leur conjoint, notamment par une dépendance financière. Le problème est réel puisque, selon Matignon, 34% des femmes handicapées auraient été confrontées à des situations de violence, contre 17% en population générale. Une des réponses avancées par le gouvernement passe par une disposition mise en place avec les CAF en février 2019, mais très peu connue : une personne titulaire de l'AAH "conjugalisée" qui se sépare de son conjoint retrouve l'intégralité de son AAH dans un délai maximal de dix jours.

Emploi : amélioration en trompe l'œil et réforme en vue pour les Esat

Sur l'emploi, la situation reste plutôt médiocre et subit l'impact de la crise sanitaire. Si les demandeurs d'emploi handicapés ne représentent que 7,8% du total des demandeurs en 2020, contre 8,6% en 2019, il est plus que probable la pandémie bon nombre d'entre eux ont été incités à se tenir à l'écart ou ont été bloqués dans leurs démarches de recherche d'emploi. Le public s'en tire mieux que le privé, avec des taux d'emploi respectifs de 5,83% et 3,9%. Sur l'emploi, un autre volet important est de voir déboucher enfin la réforme des Esat (établissements et services d'aide par le travail), très attendue par le secteur. Les droits de leurs salariés se rapprocheront de ceux des salariés du secteur ordinaire et un "plan d’action visant à favoriser et à sécuriser les parcours professionnels" des travailleurs en Esat – qui garderont leur sigle mais deviendront symboliquement des établissements et services d’accompagnement par le travail – verra le jour le 1er janvier 2022.

L'habitat inclusif est l'une des nouvelles composantes de ce second thème, avec la création de l'aide à la vie partagée (AVP), qui se met en place dans 40 départements pilotes et va permettre de financer 2.800 accompagnements en habitat inclusif. L'objectif reste d'atteindre 10.000 personnes au sein d'habitats inclusifs répartis sur l'ensemble du territoire.

Sur les aides techniques, la démarche suit son cours avec la réunion du "comité de pilotage de l'amélioration de l'accès aux aides techniques" et le lancement d'un expérimentation nationale pour déployer des équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques (Eqlaat). Enfin, sur la vie personnelle, les principales avancées concernent la création d'une PCH "parentalité" et le déploiement, dans cinq régions, de cinq "centres ressources à la vie intime, affective et sexuelle et soutien à la parentalité".

Une plus grande place aux aidants, un échec sur l'accessibilité des ERP

Le troisième axe consiste à "accompagner sur tous les lieux de vie les personnes et leurs aidants". Cette ambition passe notamment par le déploiement du numéro d'appel unique (0.800.360.360) et celui de l'accompagnement de proximité, mais aussi par le soutien aux proches aidants. Celui-ci, qui ne concerne pas que le seul handicap, s'est notamment traduit par la mise en œuvre du congé de proche aidant (50.000 bénéficiaires attendus en 2022) et le déploiement du plan national des solutions de répit, même si celui-ci reste encore très majoritairement centré sur les personnes âgées.

Enfin, le dernier objectif est à la fois le plus ambitieux et le plus large, puisqu'il vise rien moins que "transformer la société". Il recouvre en premier lieu l'accessibilité universelle. Sur ce point, le bilan, qui recouvre un grand nombre de mesures sectorielles ou ponctuelles, apparaît mitigé. Ainsi, si le gouvernement lance les "ambassadeurs de l'accessibilité" (voir notre article du 27 mai 2021), c'est aussi parce que, plus de 15 ans après la loi Handicap de 2005, la moitié des ERP (établissements recevant du public) n'est toujours pas aux normes. Plus efficace : l'accélération de la mise en accessibilité des 250 démarches les plus courantes sur internet, ainsi que celle des sites institutionnels. Et, avec un décalage de près de deux ans – crise sanitaire oblige – sur l'annonce d'Emmanuel Macron lors de la conférence nationale du handicap du 11 février 2020 (voir notre article du même jour), le gouvernement lancera, en octobre prochain, une grande campagne nationale de sensibilisation, "afin d'accélérer l'évolution du changement de regard de la société sur le handicap, corollaire indispensable des chantiers de transformation engagés depuis 2017".

Autant de politiques et d'actions que devraient être mises en avant lorsque la France sera auditionnée, à la fin du mois d'août, par un comité de l'ONU sur sa politique en faveur des personnes handicapées. Enfin, Jean Castex s'est engagé, à la demande des associations qui souhaitent enclencher "des décisions irréversibles" avant la présidentielle, à tenir un nouveau CIH au début de 2022.

 

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