PLF 2016 - Cinéma : encore un - gros - coup de pouce pour les aides aux tournages
Nouvel épisode dans le feuilleton de la hausse sans fin du "crédit d'impôt cinéma", autrement dit des aides fiscales à la production cinématographique et à la localisation des tournages en France (voir nos articles ci-contre). L'article 44 du projet de loi de finances pour 2016, présenté le 30 septembre en Conseil des ministres (voir notre article ci-contre du 1er octobre 2015) prévoit en effet trois nouvelles mesures fiscales à ce titre. Celles-ci représentent un "coup de pouce" supplémentaire de 45 millions d'euros, ce qui fait passer le total du crédit d'impôt cinéma de 53 à 98 millions d'euros, soit un quasi doublement.
Exception culturelle ou réalisme économique
La première mesure prévue par l'article 55 du PLF 2016 consiste à ouvrir le crédit d'impôt cinéma aux "œuvres cinématographiques pour lesquelles l'emploi d'une langue étrangère est justifié pour des raisons artistiques tenant au scénario". Elle assimile également à des films d'animation - bénéficiant d'aides spécifiques - "les œuvres cinématographiques de fiction dans lesquelles au moins 15% des plans, soit en moyenne un plan et demi par minute, font l'objet d'un traitement numérique permettant d'ajouter des personnages, des éléments de décor ou des objets participant à l'action ou à modifier le rendu de la scène ou le point de vue de la caméra". Des définitions qui permettent - par un hasard bienvenu - de faire entrer dans le périmètre du crédit d'impôt cinéma le futur film "Valérian", que Luc Besson menaçait d'aller tourner à l'étranger.
La seconde mesure étend le taux de déduction fiscale majoré (30%) à l'ensemble des "œuvres cinématographiques d'animation et pour les œuvres cinématographiques autres que d'animation réalisées intégralement ou principalement en langue française ou dans une langue régionale en usage en France".
Enfin, la troisième mesure porte le plafond de crédit d'impôt pour une même œuvre cinématographique de 4 à 30 millions d'euros, soit une multiplication par sept dudit plafond.
Vers un retour de la grogne parlementaire ?
Comme l'explique l'exposé des motifs de l'article 55, "l'ensemble de ces mesures vise à renforcer l'attractivité et la compétitivité de notre territoire pour la production cinématographique française dans toute sa diversité". Il est vrai que la localisation des tournages fait l'objet d'une concurrence internationale effrénée, à grands coups de déductions fiscales et autres dispositifs incitatifs.
Il est vrai aussi - comme le rappelle le document de présentation du budget du ministère de la Culture - que l'impact positif de ces mesures fiscales sur l'économie nationale et sur l'économie régionale des lieux de tournage est bien documenté, notamment par une récente étude du cabinet Ernst & Young (voir notre article ci-contre du 10 octobre). Selon cette étude, un euro de crédit d'impôt engendrerait 11,6 euros de dépenses dans la filière de la production cinématographique et - par voie de conséquence - 3,1 euros de recettes sociales et fiscales. Le problème est que la démonstration est quelque peu tautologique et donnerait sans doute des chiffres très voisins dans la plupart des filières économiques...
Il reste néanmoins que le "dumping cinématographique" entre Etats et l'absence de régulation européenne engendrent une inflation de la dépense fiscale : aucun secteur de l'économie ne peut se targuer d'une telle explosion des aides en quelques années. Par ailleurs, on ne peut que constater l'empressement avec lequel les gouvernements successifs cèdent au chantage à la délocalisation des tournages.
Cette course à la défiscalisation n'a d'ailleurs manqué de susciter des grognements répétés parmi les parlementaires, y compris au sein de la majorité (voir nos articles ci-contre du 9 décembre 2013 et du 10 décembre 2012). Devant ce nouveau doublement des aides, la fronde pourrait bien se renouveler cette année.
Références : article 44 du projet de loi de finances pour 2016 (présenté au Conseil des ministres du 30 septembre 2015).