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Culture - Charte européenne des langues régionales : le Sénat rejette la ratification mais propose une loi

Comme prévu, le Sénat a rejeté, le 27 octobre, la proposition de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. L'argument avancé est qu'"accepter cette révision constitutionnelle nous imposerait à la fois de contrevenir à la Charte et de déroger aux principes constitutionnels auxquels nous sommes les plus attachés, à savoir l'unité de la République et l'égalité des citoyens". Ce rejet, sous la forme de l'adoption d'une question préalable déposée par le président de la commission des lois - autrement dit avant même de passer à l'examen du texte -, augure mal de la suite de la procédure de ratification, et notamment d'une éventuelle adoption de la réforme constitutionnelle par le Congrès.

Une proposition de loi pour promouvoir les langues régionales

La position du Sénat n'est pas une surprise, puisque la commission des lois avait déjà décidé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur le texte, avec pour conséquence la proposition d'adopter une question préalable en séance publique (voir notre article ci-contre du 19 octobre 2015).
S'il reste attaché à la rédaction actuelle de l'article 2 de la Constitution prévoyant que "la langue de la République est le français", le Sénat ne veut toutefois pas s'enfermer dans le rôle de l'ennemi juré des langues régionales. Lors de la prise de position de la commission des lois, il avait d'ailleurs bien pris soin, dans un communiqué du 14 octobre, de préciser que "les membres de la commission des lois ont exprimé un soutien unanime au développement des langues régionales".
Depuis lors, la majorité sénatoriale est passée des paroles aux actes en déposant une proposition de loi - le terme contre-proposition serait plus approprié - signée d'une centaine de sénateurs Républicains et UDI et "relative à la promotion des langues régionales".
Opportunément mis en ligne à la veille de l'adoption de la question préalable, le texte tend, selon son exposé des motifs, "à donner une assise juridique plus claire à des pratiques ou usages existants et à promouvoir l'utilisation des langues régionales".

Langues régionales dans l'espace public : oui, mais en traduction du français

Forte de quinze articles, la proposition de loi aborde plusieurs domaines. Le titre Ier, consacré à la promotion des langues régionales dans la vie quotidienne reste assez général, en autorisant l'utilisation de la langue régionale, en traduction du français, pour toutes les inscriptions ou annonces apposées ou faites sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans les transports en commun. Ces textes ne peuvent pas se substituer au français, mais peuvent le compléter. En outre, il s'agit d'une faculté, - et non d'une obligation -, reconnue à l'annonceur (par exemple la commune pour les affichages de rue) et non au destinataire du message (autrement dit, une association ne pourra pas exiger la traduction).
Le titre Ier donne également une base légale à l'utilisation - non exclusive - des langues régionales dans les activités sociales, de loisirs et de jeunesse, ainsi que dans celles destinées à la petite enfance et leurs structures d'accueil (ce qui semble a priori peu réaliste). Il permet aussi le recours aux langues régionales dans les messages publicitaires (mais toujours en traduction du message en français pour des raisons d'efficacité économique et de sécurité du consommateur).

Une plus grande reconnaissance dans l'enseignement

Plus détaillé, le titre II se consacre à la promotion des langues régionales dans l'enseignement. Il prévoit notamment qu'"une convention entre l'Etat, la région et les départements ou, le cas échéant, avec les autres collectivités territoriales concernées peut arrêter des dispositions pour le développement de la langue régionale, son enseignement et son usage". Cette convention, qui peut être intégrée au contrat de plan, prévoit des moyens complémentaires.
Un autre article précise que "la langue régionale est une matière facultative enseignée, lorsqu'il existe un besoin reconnu, dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles, élémentaires et secondaires".
Enfin, le titre III couvre la promotion des langues régionales dans les médias et la création cinématographique. Il reste très général, mais prévoit néanmoins - comme cela se pratique déjà aujourd'hui - que "les collectivités territoriales peuvent, dans le cadre de conventions conclues avec des organismes participant au service public national de radiodiffusion et de télévision, contribuer au financement d'émissions diffusées principalement en langue régionale".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (rejetée par le Sénat en première lecture, le 27 octobre 2015).

 

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