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Culture - Ratification de la charte européenne des langues régionales : ça commence mal !

La commission des lois du Sénat a examiné, le 14 octobre, le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (assorti en l'occurrence d'une clause interprétative déposée par la France dès la signature de la charte, le 7 mai 1999). La charte elle-même a été adoptée par le comité des ministres du Conseil de l'Europe, le 25 juin 1992, il y a donc près de 25 ans. Pour sa part, le dépôt de ce projet de loi constitutionnelle a été annoncé par le chef de l'Etat en juin dernier (voir notre article ci-contre du 8 juin 2015), puis le texte déposé sur le bureau du Sénat le 31 juillet.

Vers une question préalable

Le parcours parlementaire de ce projet de loi ne démarre pas vraiment sous les meilleurs auspices. La commission des lois a en effet décidé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur le texte. Ceci a pour conséquence qu'elle proposera au Sénat, en séance publique, d'adopter une question préalable sur le projet de loi. Si celle-ci est votée, elle aboutira d'office à la non adoption du texte par le Sénat.
Or la ratification de la charte n'est pas possible sans modification de la constitution, le Conseil constitutionnel ayant jugé, dans une décision du 15 juin 1999, que plusieurs dispositions de la charte sont contraires à la Constitution, et plus particulièrement à son article 2 prévoyant que "la langue de la République est le français".
La commission des lois du Sénat a certes fait assaut de soutien aux langues régionales, le communiqué du Sénat du 14 octobre précisant même que "les membres de la commission des lois ont exprimé un soutien unanime au développement des langues régionales". Mais elle a néanmoins choisi de rejeter le texte pour deux raisons principales.

Pragmatisme et juridisme

La première est très pragmatique, puisque la commission "a constaté que l'absence de ratification de la charte n'empêchait nullement la protection et la promotion des langues régionales, comme en attestent de nombreuses dispositions législatives ainsi que l'article 75-1 de la Constitution [introduit par la réforme constitutionnelle de 2008, ndlr], selon lequel 'les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France'".
La seconde raison du rejet du projet de loi de ratification est d'ordre juridique. La commission estime en effet "que l'adoption du projet de loi constitutionnelle créerait une double contradiction juridique". La première est une contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel, dans la mesure où le projet de loi "incorporerait la charte au sein de l'ordre juridique interne sans pour autant priver d'effet toutes celles de ses dispositions qui ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 1999".
La seconde raison d'ordre juridique réside dans l'incompatibilité entre le projet de loi de révision constitutionnelle et l'article 21 de la charte. Celui-ci prohibe en effet les réserves d'interprétation, sauf sur certaines dispositions mineures. Or la France a déposé une réserve interprétative. Mais, au-delà de ces arguments juridiques, le Sénat s'est surtout rallié au camp des "Jacobins", qui refuse toute remise en cause de l'universalité de la langue française.
La position du Sénat n'est pas vraiment une surprise. Le détail du vote de la commission des lois n'est pas connu, mais il semble que les Centristes se sont alliés aux Républicains pour rejeter le texte. Si cela se confirme, la question préalable devrait être adoptée sans difficulté en séance publique, les 27 octobre et 3 novembre prochain. Et, surtout, l'espoir d'une majorité des trois cinquièmes au Congrès, indispensable pour adopter la réforme constitutionnelle, s'envolerait à tire-d'aile. 

 

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