Emploi - Ces régions qui s'efforcent d'anticiper les plans sociaux
L'audition le 11 avril 2013 de Gilles Mergy, délégué de l'Association des régions des France (ARF) pour l'emploi et la formation professionnelle, par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée sur le thème de la prévention et l'accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) a permis de mettre en évidence un problème récurrent : le manque d'anticipation dans la gestion des dossiers.
"Les interventions se font plus de manière défensive que réactive, a ainsi déploré le délégué de l'ARF. Souvent les régions sont interpellées de manière politique par les représentants des salariés, quand les choses sont trop avancées parfois pour réagir, ce qui fait que l'ensemble des acteurs sont amenés à réagir dans l'urgence."
Les régions agissent surtout par le biais de la formation professionnelle et de la gestion territoriale des emplois et compétences. Il arrive aussi qu'elles interviennent à travers des prises de participation sous réserve d'autorisation du Conseil d'Etat (comme l'avait fait la région Poitou-Charentes en 2009 avec la branche véhicule électrique d'Heuliez) et autres aides financières... Mais elles ont pour cela besoin d'une connaissance en amont. Or les informations sont davantage entre les mains des Direccte, notamment pour les informations bancaires, du Ciri ou des commissaires au redressement productif. "Les régions sont favorables à ce qu'on appelle les dispositifs régionaux de prospective et d'intelligence collective, qui soient régionalisés (pour prendre en compte les spécificités des territoires) mais qui puissent aussi être articulés avec un dispositif national", a indiqué Gilles Mergy.
Le Nord-Pas-de-Calais tente ainsi de construire une cartographie des emplois et compétences cibles sur le territoire et une cartographie des salariés en poste dans les entreprises, a-t-il évoqué. Mais des difficultés entourent cette démarche : quelle échelle prendre en compte (une entreprise, un secteur économique), comment réussir à suivre les évolutions et les mutations qui sont très rapides et comment connaître la situation exacte des entreprises, celles-ci étant libres de donner ou non ce type d'informations ? La région a également élaboré une feuille de route pour organiser le soutien aux entreprises avec, là encore, un mode opératoire collectif. L'objectif est d'articuler l'intervention de chaque acteur, région, Etat, partenaires sociaux, etc. "On manque encore de recul, mais c'est une démarche qui va dans le bon sens", a assuré Gilles Mergy.
Un CV du territoire
Une autre approche a été mise en place en Picardie sous la forme d'une mission expérimentale d'identification des compétences collectives. Elle est testée sur deux bassins d'emploi, spécialisés dans l'aéronautique : Albert et Péronne (dans la Somme). "La démarche qui a été menée vise à mieux identifier les compétences et leur redéploiement dans des contextes de mutation économique que l'on connaît, a expliqué Gilles Mergy. L'objectif est d'essayer de mettre en place une sorte de CV du territoire régional concerné de manière à en faire un outil de promotion et de valorisation économique." Une coopération entre les différents acteurs est en cours autour de cette démarche : "Partenaires sociaux et salariés sont plutôt favorables à cette gestion territoriale des emplois et compétences (GTEC), car cela permet d'anticiper les évolutions", a précisé le délégué de l'ARF.
La Picardie bénéficie par ailleurs d'un service spécialisé dans les missions d'intervention économique et sociale mis en place depuis 2007. En Paca, c'est le fonds Iris (intervention régionale pour l'investissement social), reposant sur la mutualisation de moyens et d'actions de la région et des partenaires sociaux, qui agit. Créé en 2009, ce fonds est destiné à développer les ressources humaines des TPE et PME pour anticiper et s'adapter aux évolutions du marché et accompagner les situations de transition ou de mobilité professionnelle.
De nouvelles possibilités avec la réforme de la décentralisation
Le responsable de l'ARF est aussi revenu sur la possibilité pour les régions d'entrer directement et temporairement dans le capital d'une entreprise. "C'était un souhait du président de la République d'inciter les régions à intervenir plus directement dans les entreprises en difficulté. Ce qu'on souhaite éviter c'est de devoir intervenir sur des prises de participation dans des 'canards boiteux' mais plutôt d'accompagner des entreprises qui sont en situation conjoncturellement difficile." La réforme de la décentralisation, au titre du "projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi" a prévu des assouplissements. L'article 2 prévoit explicitement la possibilité pour les régions de soutenir des entreprises en difficulté et leur permet désormais d'entrer au capital de sociétés commerciales à hauteur de 33%, sans passer par le Conseil d'Etat.
Gilles Mergy s'est aussi interrogé sur les meilleures modalités pour faire entrer les régions dans le capital des entreprises : soit directement, comme le prévoit la réforme de la décentralisation, soit à travers un autre canal. Dans ce domaine, la mise en place de la Banque publique d'investissement (BPI) devrait apporter des solutions, "puisque l'on aura un vecteur financier qui sera mieux à même de le faire", a-t-il précisé. Des fonds de retournement, dotés par les régions et gérés par la BPI permettront aussi d'aider les PME qui ont un accident de parcours mais dont les marchés sont en croissance.
Emilie Zapalski
Ciri : 60 dossiers traités en 2012, dont la moitié a eu une issue positive
En 2012, 60 entreprises ont été suivies par le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), a fait savoir Sébastien Raspiller, son secrétaire général, à l'occasion de son audition par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale le 11 avril 2013. Ces entreprises représentent un peu plus de 78.000 emplois. La moitié des opérations suivies a trouvé une issue positive, avec plus de 31.000 emplois préservés. Au premier semestre 2013, près de 30 nouveaux dossiers ont déjà été enregistrés.
E.Z.
Restructuration : vers une réforme des aides d'Etat
Dans l'optique de la réforme européenne sur les aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, le Comité des régions (CDR) entend renforcer l'efficacité de l'intervention des collectivités territoriales. Dans un avis adopté à l'unanimité lors de la session plénière des 11 et 12 avril 2013, le CDR s'oppose à l'idée de réserver ces aides à des entreprises faisant l'objet de procédures formelles d'insolvabilité, "dans la mesure où le sauvetage d'une entreprise insolvable comporte de très importants risques juridiques, qu'un sauvetage réussie constitue, en particulier pour des PME, une exception, et que, en tout état de cause, le traitement des difficultés des entreprises en amont des procédures collectives se révèle toujours le plus efficace", signale l'avis. Le CDR propose en revanche de relever de 10 à 15 millions d'euros le montant de l'aide maximale qui peut être accordée à une entreprise, "pour tenir compte de l'inflation et de l'augmentation du PIB."
Il préconise aussi d'allonger la période maximale pour les mesures d'aide. Le délai actuel, qui se situe à six mois, est considéré comme trop court étant donné la complexité de l'élaboration des plans de continuation, notamment lorsqu'il s'agit d'une reprise. Le CDR suggère de le faire passer à douze mois (six mois reconductible une fois pour six mois). Il préconise aussi de prévoir des contreparties lorsque les collectivités locales s'impliquent à travers ces aides, comme par exemple d'interdire à l'entreprise aidée de verser des dividendes pendant la restructuration. Dans le même esprit, le comité suggère d'appliquer la clause "anti-délocalisation" qui est définie dans le règlement sur les fonds structurels. Cette clause impose un recouvrement des aides lorsque l'investissement n'est pas maintenu dans un délai de trois ans pour les PME et de cinq ans pour les plus grandes entreprises.
Enfin, le comité propose d'introduire des seuils de minimis spécifiques au-delà desquels une notification de la Commission serait nécessaire : 200.000 euros pour les PME et 500.000 euros pour les autres entreprises. "Une telle mesure permettrait une exclusion a priori de la considération d'aides qui ne produisent pas d'effet de distorsion sur la concurrence", signale ainsi l'avis, qui précise aussi que la mesure permettra d'alléger la charge administrative qui pèse sur les services de la Commission européenne, les Etats membres et les collectivités territoriales.
Les futures lignes directrices de l'Union européenne sont attendues pour le second semestre 2013.
E.Z.