Certificats d’économies d’énergie : les pistes du Cler et d’Agir pour le climat pour doper l’efficacité du dispositif

À l’aube de sa sixième période, le dispositif des certificats d’économies d’énergie a besoin d’être fortement réformé, plaident le réseau Cler et Agir pour le climat, avec une double exigence : orienter le mécanisme vers des économies d’énergie réelles et améliorer le pouvoir d’achat des ménages qui en ont le plus besoin.

Alors que les décrets pour garantir le cadre d’application de la sixième période des certificats d’économies d’énergie (CEE) sont censés sortir dans les prochaines semaines, le réseau Cler, qui fédère des associations, collectivités et entreprises engagés notamment dans la lutte contre la précarité énergétique, et Agir pour le climat plaident de concert pour que les recettes issues du dispositif soient fléchées vers les solutions les plus efficaces en termes d’économies d’énergie et d’accompagnement des ménages, notamment les plus exposés. 

Comment coupler efficacité et équité ?, s’interroge le binôme d’associations dans le dossier détaillant leurs propositions, dévoilées ce 15 avril. Le terrain de réflexion est déjà bien balisé après l’audit de la Cour des comptes (lire notre article) et le rapport inter-inspections remis en octobre dernier (lire notre autre article), qui ont mis le doigt sur les nombreuses failles du dispositif. "Les CEE sont une taxe privée qui pénalise surtout les ménages résidant dans des maisons peu isolées et gros rouleurs. Or, plus de la moitié des montants prélevés sont captés par les marges des acteurs de ce système, ainsi que par des fraudes et des effets d'aubaine massifs. Il est donc urgent de transformer ce dispositif pour en améliorer les impacts énergétiques réels, en particulier pour les ménages pénalisés", résume l’expert en politiques publiques Nicolas Desquinabo. 

Le dispositif pèse lourd sur la facture d'énergie des ménages - en moyenne 160 euros/an, 4% de la facture de gaz, d’électricité et/ou de carburant-, et encore davantage sur les plus modestes (jusqu’à 300 euros/an pour les habitants de passoires énergétiques). Et ce n'est qu'un début... Une augmentation de 50% des objectifs d'économies d'énergie pour la sixième période (encore à confirmer) pourrait entraîner une hausse annuelle de 150 euros en moyenne sur la facture d'énergie de chaque ménage et jusqu'à 300 euros pour les ménages les plus exposés. 

L’entrée en vigueur, au 1er janvier 2027, du nouveau marché carbone européen (ETS 2), taxe européenne sur les énergies fossiles, étendue désormais aux secteurs du bâtiment et des transports, et dont le mécanisme de redistribution prévu (via le fonds social pour le climat) est très insuffisant, pourrait aussi aggraver cette pression financière, s'inquiètent les associations. 

Un impact largement surévalué

Malgré son coût (de l’ordre de 6 milliards d’euros par an en moyenne pour les années 2022 et 2023), le dispositif des CEE participe de manière "insuffisante" aux économies d'énergie réelles, pointent également les associations. L’impact direct de ces aides serait au mieux de 3 TWh d’économies d’énergie par an en considérant au moins 20% de fraudes (sur les travaux les plus subventionnés, qui attirent les fraudeurs) et 30% d’effets d’aubaine (plutôt sur les travaux les plus simples et les moins coûteux, qui auraient été engagés sans aide). 

On est donc loin des résultats affichés et transmis à l’Union européenne par la France, à savoir plus de 20 TWh d’économies d’énergie par an (hors bonifications "fictives") depuis 2020, soit environ 15 TWh/an pour le secteur résidentiel. D’autant qu’environ les deux tiers de cet impact en termes d’économies d’énergie sont cumulés aux aides MaPrimeRénov’, en particulier pour les changements de systèmes de chauffage et l’isolation des murs. "L’impact spécifique des CEE n’est donc qu’au mieux de 2 TWh par an (si l’on ne compte pas deux fois les travaux cofinancés par MaPrimeRénov’)", remarquent les associations. 

Miser sur les rénovations performantes

Le réseau Cler et Agir pour le climat formulent une double exigence : orienter le mécanisme des CEE vers des économies d’énergie réelles (en dehors des programmes) et améliorer le pouvoir d’achat des ménages qui en ont le plus besoin. "Nous demandons au gouvernement de flécher les CEE en priorité vers les dispositifs les plus efficaces tels que les aides aux rénovations performantes, les solutions alternatives de mobilité durable et inclusive ainsi que les programmes d’intérêt général d’accompagnement des ménages et des collectivités", appuie Isabelle Gasquet, experte rénovation énergétique au Cler. 

Le mécanisme des CEE est encore aujourd’hui très largement basé sur "un soupoudrage" de travaux par gestes dans le secteur résidentiel, sans approche globale des projets de rénovation. Quand MaPrimeRénov’ a de son côté entamé sa mue : le passage d’une rénovation performante sur dix en 2023 à une rénovation performante sur quatre en 2024 souligne d'ailleurs, selon les associations, la réussite de la réforme du dispositif.

Une première piste serait d’accroître l’abondement des CEE aux financements dédiés aux dispositifs MaPrimeRénov' parcours accompagné pour les maisons individuelles et MaPrimeRénov’ copropriétés qui subventionnent des travaux de rénovation performante. Pour 10 milliards d’euros/an de CEE, l’impact de soutiens centrés sur les rénovations performantes et, par exemple, le leasing électrique pour la mobilité, serait "trois fois supérieur" pour réduire la consommation énergétique des ménages, tout en apportant 2.000 à 4.000 euros/an de gains de pouvoir d’achat aux ménages bénéficiaires résidant dans des logements peu isolés et/ou roulant beaucoup avec leur véhicule à moteur thermique, relèvent les associations. 

Soutenir les programmes des collectivités

À l’exemple du programme CEE Slime porté par le Cler pour massifier le repérage, l’orientation et l’accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique, qui, depuis sa création en 2013, a permis à 80 collectivités d’accompagner plus de 100.000 foyers. "Dans un contexte de coupes budgétaires massives pour les collectivités territoriales, les CEE représentent un levier de financement significatif pour les aider à mener de front action sociale et action climatique en s’appuyant sur les acteurs déjà présents sur leur territoire", insiste le plaidoyer. 

Et le secteur des transports ne doit pas être oublié. Il s’agit d’un contributeur important au dispositif des CEE via les prélèvements sur les carburants (environ 40% du mécanisme "mais peu de solutions de transition bénéficient actuellement de ses financements", déplorent les associations. Parmi les instruments pertinents à soutenir figure, selon elles, le leasing social pour les véhicules électriques en s’assurant là encore de le rendre accessible aux ménages précaires. À l’instar des aides à la rénovation énergétique, les aides aux solutions alternatives de mobilité doivent être complétées d’un dispositif d’accompagnement des personnes et des élus à la mobilité durable et inclusive "ciblé sur les ménages les plus précaires et les territoires vulnérables".

› Tensions concernant les CEE Précarité

Dans un contexte de tension concernant la production (en baisse) et les prix (en hausse) des CEE précarité, l’Anah a transmis, ce 15 avril, un calendrier de mise en vente. Deux ventes spot sont planifiées en 2025. Une première en mai pour 10,56 TWhc ( dont 6,68 TWhc de CEE Précarité et 3,88 TWhc de CEE Classique). Une seconde en octobre-novembre pour 4,78 TWhc (2,77 TWhc de CEE Précarité et 2,01 TWhc de CEE Classique). Une vente à terme est également envisagée en mai pour 14,36 TWhc (8,98 TWhc de CEE Précarité et 5,38 TWhc de CEE Classique). Le calendrier et les volumes prévisionnels "dépendent directement du rythme de réalisation et d’achèvement des opérations de rénovation d’ampleur et de délivrance des CEE correspondants", souligne l’Anah. Les volumes mis en vente sont donc susceptibles "d’être ajustés en cours d’année, en particulier si le rythme d’achèvement des travaux s’avérait significativement en-deçà des prévisions". 

Pour rappel, l’objectif de la cinquième période pour les CEE précarité s'élève à plus de 1.100 TWhc à atteindre d'ici fin 2025. Or, au 28 février 2025, seuls 598 TWhc ont été effectivement délivrés.

 

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