Rénovation des passoires énergétiques en location : un mode d'emploi pour les collectivités

Engagé dans la lutte contre la précarité énergétique, le réseau Cler vient de publier un guide destiné aux collectivités pour les aider à accompagner les ménages concernés par l’application du décret fixant le niveau minimal de performance énergétique attendu dans la définition du logement décent.

Issu de la loi Climat et Résilience de 2021, le décret fixant le niveau minimal de performance énergétique attendu dans la définition du logement décent est paru le 20 août 2023 (lire notre article). En France métropolitaine, pour être qualifié de "décent", un logement devra avoir au moins la classe F du DPE en 2025, la classe E en 2028 et la classe D en 2034. Outre-mer, il faudra atteindre au moins la classe F à partir du 1er janvier 2028, puis au moins la classe E à compter du 1er janvier 2031. À partir du 1er janvier prochain l’intégralité des logements classés G selon le diagnostic de performance énergétique (DPE) - c’est-à-dire environ 700.000 logements – seront interdits à la location en l'absence de travaux de rénovation énergétique, puis ce sera le cas de ceux classés F en 2028 et de ceux classés E en 2034.

Intermédiation locative

Pour aider les collectivités à se saisir de ce nouveau cadre réglementaire et à accompagner les ménages, le Cler qui fédère des associations, collectivités et entreprises engagés notamment dans la lutte contre la précarité énergétique, vient de publier un guide conçu comme un mode d'emploi. Après un rappel du contexte et des enjeux, il expose plusieurs exemples de politiques territoriales permettant d’agir de façon préventive ou curative. Il cite ainsi l’intermédiation locative, en s'appuyant sur l'expérience de la ville de Lorient. Le dispositif vise à sécuriser et simplifier la relation entre le locataire et le bailleur grâce à l’intervention d’un tiers social (opérateur, organisme agréé ou association). Il repose également sur des déductions fiscales (pouvant atteindre jusqu’à 65% des revenus locatifs) pour les bailleurs qui acceptent de louer leur logement à des ménages en difficulté.

Permis de louer

Autre moyen pour une collectivité de lutter contre l’habitat indigne et les passoires thermiques : le permis de louer. Prévu par la loi Alur de 2014, le dispositif donne la possibilité à la puissance publique d’intervenir dans le secteur privé en extrayant du marché les biens ne présentant pas les critères de décence requis. La collectivité peut ainsi prévenir les situations d’indignité et d’insalubrité du logement et, depuis la loi Climat et Résilience, de non-décence énergétique. Le permis de louer est aujourd’hui utilisé dans près de 400 communes françaises, notamment les métropoles de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier ou encore Rouen, indique le Cler. Concrètement, il contraint les propriétaires à faire une déclaration de mise en location ou une demande d’autorisation préalable à la mise en location de leur bien. "Ces informations nous permettent de mieux suivre l’activité des bailleurs privés et de connaître les caractéristiques des logements mis en location, afin de contrôler l’état des logements en amont et d’intervenir si besoin", précise par exemple dans le guide l'établissement public territorial Est Ensemble, en Seine-Saint-Denis, qui a mis en œuvre le permis de louer dans certaines zones de son territoire en 2019.

Accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique et conseils aux bailleurs

Le guide met aussi en avant le programme Slime, porté et coordonné par le Cler, pour massifier le repérage, l’orientation et l’accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique, en présentant le témoignage de la vice-présidente chargée de l’environnement, de l’énergie et du développement durable de Grand Besançon Métropole. 1.000 ménages bisontins ont bénéficié du dispositif depuis son origine, il y a 10 ans.

Autre outil déployé actuellement sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (CEE) : Bail Rénov’. Ce nouvel outil mis en œuvre par sept acteurs du logement et de la rénovation énergétique constitués en association (Anil, Mouvement Habitat & Humanisme, Soliha, UNPI, Casbâ, Énergies Demain, Sonergia) apporte aux propriétaires bailleurs et à leurs locataires des informations, des conseils gratuits et actualisés sur la rénovation et la performance de leur(s) logement(s), mais aussi sur leurs droits et obligations. Il devrait couvrir tous les départements d’ici fin 2024 et dispenser ses conseils à 6.000 ménages.

Possibilité de "zone de rénovation concertée"

Sur le long terme le guide rappelle que pour des actions de rénovation de grande envergure, les collectivités ont aussi la capacité d’animer ce type de dynamique locale autour d’une "zone de rénovation concertée" impliquant les habitants, et de décider de ses modalités de financement. Elles peuvent coordonner l’intervention des professionnels du bâtiment ou faire appel à un seul opérateur. "Cette mutualisation des projets de rénovation des bâtiments à l’échelle d’un quartier ou d’une rue (autrement dit, ZAC de rénovation ou rénovations en grappe) est un dispositif expérimental et non encadré par la loi étudié notamment par la région Pays de la Loire, et documenté par l’Agence d’urbanisme de la région nantaise ou encore par l’Agence d’urbanisme et d’aménagement Toulouse Aire métropolitaine", illustre le Cler.

Campagne nationale d'information auprès des locataires

Le guide s'achève par trois réponses aux questions élémentaires que peuvent se poser les collectivités pour l'application du décret décence. S'il appartient au ménage de faire les démarches pour faire reconnaître un logement non-décent il conseille de communiquer pour les en informer. Pour cela, le Cler recommande de lancer une campagne nationale afin d’informer massivement les locataires et de rassurer les bailleurs en les orientant vers les accueils France Rénov’. "Ces espaces de conseils devraient ainsi disposer d’un service dédié à l’indécence pour aider les locataires à avoir un aperçu des travaux possibles et qu’ils puissent les soumettre aux propriétaires ; mettre en place des contrôles techniques des logements en location ; constituer une base d’information publique d’identification des logements décents à l’exemple de l’Observatoire national des bâtiments (…) ; communiquer sur l’outil Histologe pour faciliter les signalements", avance-t-il.

Responsabilités des acteurs locaux

Autre rappel :  les acteurs locaux doivent faire respecter la nouvelle norme de décence des logements. "Localement les acteurs concernés sont surtout les municipalités, appuyées par les Caisses d’allocations familiales (CAF), les associations d’aides aux locataires telles que les Adil, les Architectes des bâtiments de France et les organisations de bailleurs", indique le Cler qui recommande de mettre en œuvre une communication nationale sur le sujet à destination des maires et de favoriser la connaissance des acteurs-relais (espaces conseil France Renov’, Adil...), de massifier l’information et l’accompagnement humain spécifique aux bailleurs, de former les CAF pour comprendre les DPE et d'en faire des "tiers de confiance" pour collecter des informations sur les logements et les loyers, et les transmettre aux futurs locataires.

Enfin, pour inciter le bailleur à réaliser des travaux sans revaloriser le loyer ou congédier le locataire, le Cler cite le dispositif fiscal Loc’avantage ou les aides de l’État aux travaux conditionnées à une obligation de reprise des locataires. Il recommande également d’autoriser "au maximum" un rééquilibrage entre la baisse des charges d’énergie (résultant d'une rénovation performante) et l’augmentation du loyer. Autre possibilité : le tiers-financement des travaux par la puissance publique remboursable sur les futurs loyers.

 

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