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Assises des villes moyennes - Bruno Bourg-Broc : "Les intercommunalités XXL ne sont pas forcément les meilleures"

Après dix années passées à la tête de la Fédération des maires de villes moyennes, le député-maire de Châlons-en-Champagne, Bruno Bourg-Broc s'apprête à passer le témoin à Christian Pierret, le maire de Saint-Dié-des-Vosges. A la veille des 5es assises de la FMVM, les 9 et 10 juin à Quimper, il revient sur les grands enjeux qui touchent les villes moyennes : aménagement du territoire, intercommunalité, fiscalité, développement économique...

Localtis : Quel est le sens du combat de la FMVM aujourd'hui au moment où s'affirme ce que l'on appelle le "fait métropolitain" ?

 

Bruno Bourg-Broc : La FMVM a toujours mené un combat pour un aménagement du territoire qui laisse place à des territoires intermédiaires entre milieux ruraux et grandes métropoles. Nous ne nions pas l'importance des grandes métropoles au niveau international, nous voulons que l'on puisse proposer à la population d'autres possibilités en termes de qualité de vie, de formation. Les universités ne sont pas l'apanage des grandes villes, rien n'empêche une ville moyenne de disposer de centres de recherche. Comme le disait Jean-Pierre Raffarin, les villes moyennes sont la colonne vertébrale du territoire. Or il n'existe plus de politique publique en leur faveur depuis les contrats de villes moyennes menés dans les années 1970, alors qu'elles continuent de se développer, que la démographie continue d'évoluer. Selon une étude de l'Insee qui sera présentée lors de nos 5es assises à Quimper, elles concentrent plus de 20% de la population et 20% de l'emploi. Elles s'en sortent plutôt pas mal malgré cette absence de politique, même si toutes ne sont pas logées à la même enseigne. Si de manière générale, leur population croît légèrement, on constate un déficit au niveau de la population étudiante et des plus jeunes actifs, ensuite on constate un effet "retour" avec une surreprésentation des actifs de 40 à 60 ans. Après, chez les plus de 60 ans, on retrouve à peu près la géographie nationale, avec un contraste Nord-Sud.
De manière générale, les villes moyennes travaillent au renforcement de l'attractivité de leur territoire. Les services à la population ont un rôle très important, je pense aux grands équipements culturels (ce sera l'objet d'une de nos plénières) et sportifs, aux loisirs.

Quel regard portez-vous sur les grandes réformes de ces dernières années : universités, cartes judiciaire, hospitalière et militaire, etc. ?

La réforme des universités peut être un risque mais aussi un atout. Chaque président d'université doit négocier avec son territoire : c'est un aspect positif qui peut se transformer en avantage, à condition d'occuper le terrain. Les villes moyennes doivent se spécialiser, développer des écosystèmes, faire de la recherche appliquée.
Mais notre principal problème est la révision générale des politiques publiques qui conduit à des restructurations sur les territoires sans concertation avec les élus. Il ne faut cependant pas nier les avancées, comme la convention d'exploitation entre la SNCF et l'Etat sur les lignes malades. Le secrétaire d'Etat aux Transports a installé le 30 mai un comité de suivi pour mener un audit de ces "trains d'équilibres du territoire" qui concernent la desserte de plus de 65 villes moyennes. Désormais, ces 40 lignes seront traitées dans leur globalité, leur chiffre d'affaires est supérieur à celui de l'Eurostar. Vu de cette manière, cela peut devenir intéressant pour la SNCF. L'Etat a pris des engagements concrets sur ce sujet, nous allons voir ce qu'il va en faire.

Ces assises sont résolument tournées vers le développement économique, l'innovation. Que peuvent faire les élus dans ce domaine ?

L'étude de l'Insee permet de dégager 3 catégories de territoires. Ceux dont l'évolution de la population et de l'emploi est favorable et qui rejoignent les métropoles. Ensuite, il y a un groupe important de zones urbaines qui se caractérisent par une surreprésentation du secteur industriel manufacturier dans la fabrication, la logistique et tous les processus de transformation. Ces aires urbaines sur-spécialisées peuvent être vulnérables en cas de changement du marché. Enfin, il y a une dernière catégorie où l'emploi public est surreprésenté. Ce sont souvent les villes sièges de préfecture, qui accueillent un hôpital, etc.
La question des villes industrielles est un sujet de préoccupation. Il n'est pas question d'entrer dans une logique de concurrence par rapport aux pays émergents mais d'investir dans la recherche et l'innovation, l'élévation des qualifications… Ce sont des critères très importants pour rendre les entreprises performantes. Il faut travailler sur l'adéquation entre les besoins des entreprises et la formation de la population. Les élus doivent se rapprocher des universités, des entreprises. Nous préconisons la création d'un comité où tous ces acteurs puissent se parler, et dénouer ainsi bien des problèmes. L'élu peut être une sorte de chef d'orchestre.

On a souvent dit que la réforme de la taxe professionnelle risquait de distendre le lien des collectivités avec le tissu économique. Est-ce un sentiment que vous partagez aujourd'hui ?

L'impôt économique représentait 90% des ressources fiscales des groupements de communes, on passe à la moitié du fait du transfert de la part départementale de la taxe d'habitation. Les élus n'ont aucun intérêt à se déconnecter de leurs entreprises, ils vont continuer d'investir pour le développement économique, mais il est sûr que le lien peut se distendre. La question de l'impôt économique amène à rediscuter des compétences. Avec les pôles de compétitivité interrégionaux, les logiques de réseaux, il y a une question de gouvernance, d'échelle de dialogue à poser. En septembre, l'observatoire des finances de la FMVM publiera une étude sur l'impact de la réforme, ce sera particulièrement intéressant car, pour le moment, on avance un peu à l’aveugle.

Autre réforme d'importance, celle de l'intercommunalité. Qu'est-ce que cela va changer pour les villes moyennes ?

Dans un grand nombre d'intercommunalités, le périmètre va augmenter. Nous sommes préoccupés par la place de la ville centre, de sa fonction de centralité et des charges que cela représente. Les "intercommunalités XXL" ne sont pas forcément les meilleures. On leur préfère les intercommunalités à taille humaine, il ne faudrait pas créer des mini-départements. En effet, il est proposé à la communauté de Roanne, par exemple, de passer de 6 à 52 (pour 108.000 habitants) communes. On passe de l'unité urbaine à l'échelle du Scot. Là encore se pose la question de la gouvernance et de la place de la ville dominante qui supporte toutes les charges de centralité pour des équipements qui bénéficient à des populations extérieures à la commune ou à l'intercommunalité. Il faut un rééquilibrage. On a un autre sujet d'interrogation avec le texte sur les modes d'élection, le dernier volet de la réforme territoriale. Rien ne dit quelle va être la place de l'opposition : il y a un risque d'affaiblir encore plus l'équipe de la majorité. Pour le moment, on n'a aucune indication sur le calendrier, le ministre chargé des Collectivités territoriales a annoncé un texte pour la rentrée, mais tout cela reste encore assez flou.

La FMVM vient d'assurer la présidence la maison européenne des pouvoirs locaux français (MEPLF). Quel bilan tirez-vous de cette action au moment où se joue l'avenir de la politique de cohésion ?

Ce regroupement des associations d'élus est très utile car nous parlons d'une seule voix à Bruxelles. Je pense que cela a joué, sur la question des services publics par exemple. Il y a eu un lobbying assez efficace des collectivités et on a obtenu gain de cause avec un infléchissement de la Commission dans sa communication de mars dernier sur les services d'intérêt économique général, par rapport à sa position initiale. Le commissaire Almunia nous a dit qu’il était tout à fait conscient des difficultés posées dans un pays comme la France par les règles européennes en la matière. Dans les propositions qu’il présentera au collège des commissaires début septembre, il s’efforcera de tenir compte du fait que bon nombre de services publics locaux n’ont aucune incidence sur le marché intérieur et ne relèvent pas, par conséquent, des règles de concurrence européenne.
S'agissant de la politique de cohésion, la Commission en dira plus au mois de juin. Ce qui est important pour les villes moyennes, ce sont les critères d'attribution, comment seront organisés les programmes opérationnels… Pour l'heure, seuls l'Etat et les régions sont autour de la table du comité de suivi du CRSN, il faut réfléchir à la façon de reconnaître le niveau infrarégional. Il faudra rester vigilant, car rien n'est joué pour le moment. Ce sera dans les mois qui viennent le rôle de Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France, qui me succède à la présidence de la MEPLF.
 

 

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