Transfert de la compétence eau : un enjeu stratégique pour les collectivités, mais plus une obligation

Face à l’évolution de la loi, le transfert de la compétence eau et assainissement ne sera bientôt plus une obligation pour les collectivités. Pourtant, cette compétence reste un enjeu stratégique pour garantir une gestion efficace et durable des ressources.

 

Le gouvernement met fin au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement

En octobre dernier, l'ancien Premier ministre Michel Barnier annonçait sa volonté de mettre fin à l’obligation de transférer les compétences eau et assainissement, pour les communes n’ayant pas encore franchi le pas. Adoptée le 17 octobre par le Sénat, la proposition de loi concrétisant cette annonce a été adoptée en commission par l’Assemblée Nationale, le 3 mars dernier. S’il est adopté en l’état, le texte supprimera donc l’obligation pour les communes de transférer les compétences eau et assainissement aux EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) à partir du 1er janvier 2026. Les communes qui le souhaitent pourront toujours mutualiser ces compétences.

De nombreux amendements ont été adoptés par la commission, notamment pour permettre la création de syndicats infracommunautaires afin de gérer l’eau et l’assainissement ou d’organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau. Concrètement, une commune en manque de ressources pourra solliciter un transfert gratuit de la part d’une commune voisine excédentaire en eau.

 

Un transfert de compétences bientôt facultatif, mais toujours au cœur des enjeux

D’ici janvier 2026, le transfert des compétences eau et assainissement ne sera donc plus obligatoire, mais il reste un enjeu de taille en matière d’intercommunalisation des ressources et de leur gestion. Et les arguments ne manquent pas pour inciter les communes à passer le cap.

Des enjeux financiers et techniques

La France abrite des réseaux d’acheminement de l’eau pour certains vieillissants, et dont l’état est très variable d’un territoire à l’autre. Or, l’entretien et les réparations coûtent cher. Dans ce cadre, la mutualisation des compétences eau favorise la mise en place et l’entretien d’un réseau plus homogène.

Une meilleure maîtrise du prix de l’eau

Le transfert des compétences eau permet d’harmoniser la politique de tarification grâce à la mutualisation des ressources, des moyens d’acheminement et de traitement. Un enjeu prioritaire, en particulier dans un contexte où les épisodes de sécheresse et de stress hydrique sont de plus en plus fréquents. La mutualisation optimise l’accès à des ressources de qualité et au meilleur prix avec la mise en place d’initiatives comme des collectifs et le tarif solidaire et environnemental de l’eau, qui aide les personnes aux revenus modestes à payer leur facture.

Une meilleure capacité d’investissement

La mutualisation de la gestion de l’eau et de l’assainissement à échelle territoriale permet aux collectivités d’avoir plus de poids au moment de porter une demande de financement auprès d’un organisme de prêt. Un atout pour financer plus facilement l’entretien et la création de nouvelles infrastructures.

 

Un exemple de transfert réussi : la communauté de communes du Pays de Valois

Dans l’Oise, la communauté de communes du Pays de Valois a opté pour le transfert de la compétence eau. Un choix pas forcément évident pour le maire de Lagny-le-Sec, Didier Doucet. En effet, les installations de la commune étaient en bon état et le syndicat de l’eau, à qui il avait confié cette compétence jusqu’alors, fonctionnait parfaitement. 

Pour autant, l’édile a fait le choix du transfert des compétences pour respecter les obligations légales et assurer l’accès à une eau de qualité à tous ses administrés. Par ailleurs, une volonté de sécuriser l’approvisionnement et la qualité de l’eau est apparue comme un enjeu premier, sur fond de dérèglement climatique. Conscient que ces problématiques ne pouvaient pas être correctement traitées à l'échelle communale, Didier Doucet a opté pour une gestion en communautés de communes.

Une initiative qui a nécessité la réalisation d’un état des lieux précis des infrastructures existantes et des investissements prévus pour établir un plan d’avenir, et qui a surtout demandé un travail de pédagogie auprès des autres maires et des administrés. Objectif : rassurer sur le bien fondé du projet en matière d’harmonisation du prix de l’eau, de viabilité financière et de gestion des ressources, et faire en sorte que les élus communaux ne se sentent pas dépossédés du sujet.

 

L’accompagnement de la Banque des Territoires 

La Banque des Territoires s’investit dans la gestion de l’eau. Elle accompagne les collectivités dans leur réflexion sur la mutualisation de la gestion de la ressource eau en intégrant l’enjeu du changement climatique. Elle assure le cofinancement d'ingénierie territoriale (schéma directeur pour l'eau potable, l'assainissement des eaux pluviales, incluant la résilience de ces services publics), en complément des financements apportés par les agences de l'eau.

La Banque des Territoires propose également un accompagnement plus axé sur l’ingénierie financière. Dans ce cas précis, l’organisme guide les intercommunalités dans la formalisation de trajectoires financières pour assurer la faisabilité de leur projet de transfert de compétences et aider les collectivités à bâtir leur stratégie financière, en amont d’une politique d’investissement.

Concrètement, il peut s’agir d’accompagner les intercommunalités sur la trajectoire financière de leurs investissements, à travers leur PPI, et l’impact de ces investissements sur le prix de l’eau, donc sur la politique de tarification de l’eau.

Damien Christiany, Expert ingénierie financière direction du réseau au sein du Groupe Caisse des Dépôts

En outre, l’acteur propose un service accessible par téléphone et en ligne, Rural Consult, qui propose un service d’accompagnement juridique et financier pour les communes de moins de 5000 habitants et les intercommunalités de moins de 50 000 habitants. Autre outil disponible : l’Aqua Prêt, une offre de prêt qui convient à ce type de projet établi sur le très long terme. L'Aqua Prêt propose une durée d’amortissement jusqu’à 60 ans avec des taux à 2,8 %, ce qui permet de tirer la ligne de prêt sur du très long terme, largement au-delà de 25 ans. 

 

Malgré la fin imminente de l’obligation légale, la gestion de l’eau et de l’assainissement demeure un défi majeur pour assurer la pérennité des ressources et la qualité de vie des citoyens. Consciente de cet enjeu, la Banque des Territoires offre des solutions pour des choix plus éclairés et responsables, en faveur des collectivités.

Les experts

Damien Christiany 

Expert ingénierie financière direction du réseau au sein du Groupe Caisse des Dépôts

Damien Christiany est en charge des questions d’ingénierie financière au sein de la direction du réseau et des territoires depuis 2023. Il a exercé, durant plus de 15 ans, en tant que consultant auprès des collectivités territoriales au sein du Cabinet qu’il a lui-même fondé. Ancien cadre territorial et chargé d’enseignement à l’Université Paris 1, il a par ailleurs été en charge des questions juridiques et financières au sein d’Intercommunalité de France (ex ADCF). Enfin, Damien Christiany est élu local dans une commune rurale de Sarthe.

Voir le profil LinkedIn

Alexia Andreadakis

Experte ingénierie territoriale eau et biodiversité dans l’équipe Territoires Conseils à la Direction du réseau de la Banque des Territoires

Alexia Andreadakis est experte ingénierie territoriale eau et biodiversité dans l’équipe Territoires Conseils à la Direction du réseau de la Banque des Territoires. Ingénieure des travaux publics de l'État, elle a précédemment travaillé au Commissariat Général au Développement Durable sur l’évaluation environnementale des projets d’aménagement et plus particulièrement sur la mise en œuvre de la séquence Eviter-Réduire-Compenser.