Habitat - Bilan mitigé pour la loi Engagement national pour le logement
Gérard Hamel, député (UMP) d'Eure-et-Loir, et Jean-Yves Le Bouillonnec, député (PS) du Val-de-Marne, ont remis leur rapport d'information, réalisé au nom de la commission des affaires économiques, sur la mise en application de la loi 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (dite loi ENL). Après avoir rappelé le contenu de ce texte, les rapporteurs portent un jugement assez mitigé sur la mise en oeuvre des - nombreuses - dispositions qu'il contient. Même si le rapport se concentre avant tout sur les aspects liés à la mise en oeuvre réglementaire de la loi ENL, les résultats obtenus ne semblent en effet que partiellement en phase avec les ambitions affichées par ce texte.
Trop lent et trop complexe
La première déception concerne la mise en oeuvre "relativement lente" de la loi ENL, au point que tous ses textes d'application ne sont pas encore parus. Cette mise en oeuvre a, en outre, souffert de l'extrême complexité d'un certain nombre de dispositifs prévus par le texte, et qui n'ont pas fait l'objet d'un effort d'information suffisant. C'est le cas, par exemple, du conventionnement "Anah sans travaux" (possibilité de déduction fiscale des revenus fonciers en contrepartie d'un engagement sur le montant du loyer et les conditions de ressources des locataires). Outre sa complexité et l'absence d'information sur la mesure (à la différence du conventionnement Anah avec travaux), ce dispositif a souffert d'un avantage fiscal "sans commune mesure avec celui offert aux investisseurs en logements neufs". Plus surprenant : l'échec de la mesure améliorant le dispositif de dissociation entre l'usufruit locatif et la nue-propriété, au profit de la réalisation de logements sociaux. Qualifié de "remarquable" par le rapport, ce dispositif a souffert d'être limité aux seules opérations financées en prêt PLS (prêts locatifs sociaux). De même, le rapport dresse un bilan mitigé des cessions de terrain de l'Etat en vue de permettre la construction de logements locatifs sociaux. Sur les 30.000 logements envisagés à ce titre sur la période 2006-2008, 13.300 logements avaient été mis en chantier à la fin de 2007, dont un peu plus de 6.500 logements locatifs sociaux. Les collectivités ou leurs mandants ont préempté plus de la moitié des terrains cédés. Ce relatif échec a d'ailleurs conduit à la mise en oeuvre de nouvelles procédures pour la période 2008-2012. Le rapport était, bien sûr, attendu sur les dispositifs Robien (revu par la loi ENL) et Borloo (créé par la loi) d'incitation à l'investissement locatif. Il se révèle plutôt positif, en reconnaissant que ces dispositifs "ont permis une véritable relance du marché, mais leur ciblage géographique a dû être revu". Le rapport reprend néanmoins les trois critiques récurrentes formulées sur ces dispositifs : l'effet inflationniste sur les loyers, la contribution au renchérissement du prix du foncier et - surtout - l'incitation à construire des logements "dans des zones où les besoins ne se font pas sentir". Curieusement, le rapport d'information est en revanche très discret sur le bilan d'une mesure de la loi ENL qui a pourtant bien fonctionné : la réforme du statut des offices HLM.
Trop de loi tue-t-il la loi ?
Au-delà du cas particulier de la loi ENL, le rapport s'attarde longuement sur une question de fond qui, pour n'être pas propre au secteur du logement, n'en pèse pas moins fortement sur ce dernier. Il s'agit en l'occurrence du "décalage entre rythme d'adoption et rythme d'application des textes". Alors même que tous les textes réglementaires d'application de la loi ENL ne sont pas parus, trois nouvelles lois ont apporté des modifications, parfois conséquentes, au texte originel. C'est le cas de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo), de la loi de finances rectificative pour 2008 (qui a profondément revu les dispositifs d'aide à l'investissement locatif) et de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion (loi Molle), qui a, par exemple, modifié le mécanisme du surloyer de solidarité. Sans méconnaître les aléas politiques (élections présidentielles et législatives de 2007), survenus peu de temps après l'adoption de la loi ENL, les rapporteurs ne cachent pas que cette succession rapprochée de textes contribue à la complexité, à l'instabilité juridique et au manque de lisibilité des mesures en faveur du logement.
Jean-Noël Escudié / PCA