Avec 104.800 agréments en 2021, le logement social n'atteint pas ses objectifs
Le ministère en charge du logement compte 94.775 agréments de logements sociaux financés par le fonds national des aides à la pierre en métropole (Fnap) en 2021, auxquels s'ajoutent l'outre-mer et les logements financés par l'Anru. L'objectif était de 120.000. Les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) représentent près de 62% des agréments. Le ministère met l'accent sur les disparités entre territoires.
Dans le contexte d'une poursuite de la crise sanitaire, le nombre d'agréments de logements sociaux en 2021 était très attendu. Lors de la conférence de rentrée d'Emmanuelle Cosse, la présidente de l'USH (Union sociale pour l'habitat), Marianne Louis, la directrice générale de l'association, en avait donné une première estimation (voir notre article du 12 janvier 2022). Le nombre d'agréments de logements sociaux alors avancé était de 92.700 et devait finir autour de 95 ou 96.000. Le pronostic était assez juste, puisque le nombre définitif d'agréments 2021 s'élève à 94.775 logements sociaux financés par le fonds national des aides à la pierre en métropole (Fnap).
Une hausse de 8% sur 2020, mais toujours un retard de 13% sur 2019
Pour être complet, il faut y ajouter 4.793 logements sociaux financés dans les départements et régions d'outre-mer et 5.232 logements sociaux financés par l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) au titre de la reconstitution de l'offre dans le cadre des projets de rénovation urbaine. Le nombre total de logement sociaux financés en 2021 s'élève ainsi à 104.800 unités. Emmanuelle Wargon a présenté ces différents chiffres lors de la réunion du comité de pilotage du protocole d'engagement pour la relance de la production de logements sociaux, conclu en mars 2021 avec l'USH, les quatre fédérations HLM qui la composent, Action Logement et la Banque des Territoires (voir notre article du 22 mars 2021). Des chiffres repris dans un communiqué du ministère du Logement en date du 25 janvier.
Les 94.775 agréments de logements sociaux Fnap représentent une hausse de 8% par rapport aux 87.501 agréments de l'année 2020, il est vrai totalement atypique du fait des confinements successifs (du 17 mars au 11 mai puis, sous une forme moins drastique, du 30 octobre au 15 décembre). Ils sont en revanche toujours en retard de 13% sur les 109.088 agréments de 2019, dernière année avant la crise sanitaire. Julien Denormandie, alors ministre du Logement, estimait que "ces résultats démontrent la capacité du secteur HLM à atteindre l'objectif de 110.000 logements par an du pacte d'investissement pour le logement social, signé à Matignon en avril 2019, pour la période 2020-2022". La pandémie de Covid-19 en a bien sûr décidé autrement.
Les ESH représentent près des deux tiers des agréments
Depuis lors, le pacte d'investissement de 2019 a été remplacé par le "Protocole en faveur de la relance de la production de logements sociaux en 2021 et 2022", qui fixe un objectif total de production de 250.000 logements sociaux sur ces deux années (voir notre article du 22 mars 2021). Bien que le protocole ne mentionne pas la répartition entre 2021 et 2022, le communiqué du ministère indique que l'objectif des agréments pour 2021 était de 120.000 (avec donc 130.000 agréments à réaliser en 2022 pour parvenir au total de 250.000). Le réalisé 2021 est donc inférieur de 21% à l'objectif et il faudrait agréer plus de 155.000 logements sociaux en 2022 pour atteindre l'objectif de 250.000 sur deux ans, ce qui paraît d'autant plus improbable que cette année va voir se dérouler les élections présidentielles et législatives.
En termes de répartition, les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) représentent près de 62% des agréments 2021 (pour 40% du parc de logements sociaux), les offices publics de l'habitat (OPH) 20% (pour 40% du parc), les entreprises publiques locales (EPL) 9% et les coopératives HLM 3%. Enfin, en termes de typologie, 31.058 logements PLAI (très sociaux) ont été agréés en 2021, "soit une part record de 33% du total". Cette "part record" s'explique toutefois par la baisse du nombre total d'agréments. En valeur absolue, le nombre de PLAI a atteint en effet 34.081 en 2016 et près de 34.000 en 2019.
Une pierre dans le jardin des collectivités délégataires
Selon le communiqué du ministère, "le comité de pilotage a pu partager les importantes disparités entre territoires en termes d'atteinte des objectifs, ainsi qu'une préoccupation particulière pour les résultats insuffisants dans les zones les plus tendues". En fait, le ministère ne manque pas de jeter une pierre dans le jardin des collectivités délégataires. Il fait en effet remarquer que, pour un taux national d'atteinte de l'objectif de 79% (par rapport à la cible de 120.000 agréments en 2021), ce taux s'élève en moyenne à 86% dans les territoires où les agréments de logements sociaux sont instruits directement par les services de l'État, contre 75% pour l'ensemble des collectivités délégataires des aides à la pierre et 67% pour les "principales métropoles délégataires".
Malgré les résultats très mitigés de 2021, "les partenaires ont réaffirmé leur mobilisation en faveur de la construction de logements sociaux en 2022 dans le cadre du protocole d'engagement, avec un objectif de 125.000 agréments dont 45.000 PLAI". Cet objectif de 125.000 agréments cette année entérine de fait l'abandon de l'objectif de 250.000 logements sociaux sur 2021-2022. Lors de la réunion du comité de pilotage, Emmanuelle Wargon a cependant rappelé les mesures annoncées par le Premier ministre devant le dernier congrès USH afin d'inciter à la délivrance de permis de construire par les collectivités : compensation intégrale par l'Etat aux collectivités de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les logements sociaux et intermédiaires (voir notre article du 28 septembre 2021), contrats de relance du logement en cours de signature dans les zones tendues (voir notre article du 8 décembre 2021) et mobilisation du foncier public pour la construction de logements.
De son côté, l'USH ne devrait pas manquer de mettre en avant, outre l'impact de la crise sanitaire, la réduction de la capacité d'investissement des bailleurs sociaux consécutive aux mesures prises par le gouvernement depuis 2017, à commencer par la mise en place de la RLS (réduction de loyer de solidarité), destinée à compenser la baisse de 5 euros par mois des aides personnelles au logement.