Au Canigou, l’écotourisme, nouveau moteur de développement (66)

Le massif du Canigou, Grand site de France labellisé en 2012, est aujourd’hui l’un des plus étendus. Il couvre 23 212 hectares, de 600 m à 2 800 m d’altitude, et compte quatre réserves naturelles nationales et trois zones Natura 2000. Le syndicat mixte Canigó Grand Site regroupe 61 communes, l’Office national des forêts (ONF) et le département des Pyrénées-Orientales. Il gère, entre autres, l’organisation de la découverte du massif. À partir des années 2000, il engage une profonde mutation, en restreignant progressivement les accès motorisés et en développant une activité touristique à plus forte valeur ajoutée.

L’ouverture au tourisme de masse s’enclenche en 1889, avec la création d’un premier chalet d’altitude gardé qui met le pic du Canigou (2 784 mètres d’altitude) à seulement 1 h 30 à pied. La première voiture y monte dès 1903. Des pistes carrossables sont progressivement ouvertes, jusqu’à la fin des années 1970. « Pendant longtemps, c’était la balade du dimanche ! » résume la chargée de médiation du syndicat mixte Canigó Grand Site, Charlotte Besombes. Mais la circulation en nombre de véhicules, aboutissant à l’accroissement et l’élargissement des pistes, devient problématique. Pour préserver le paysage et la biodiversité, tout en maintenant l’activité économique liée au tourisme, il faut imaginer des modes d’accès moins invasifs et passer d’un tourisme d’excursion à un tourisme de randonnée.

De 10 000 véhicules à moins de 500 par saison

La restriction des accès motorisés en altitude commence en 2007. La première étape est la limitation d’accès du dernier niveau aux seuls ayants droit (propriétaires forestiers, éleveurs, gestionnaires du site et des chalets d’altitude…) et à des opérateurs de tourisme agréés par l’ONF. De 2014 à 2020, des routes endommagées à la suite d’une tempête sont définitivement fermées pour des raisons de sécurité. L’ONF de son côté cesse en 2019 de délivrer des agréments aux opérateurs de tourisme convoyant des touristes en 4x4. L’ensemble de ces mesures réduit la circulation de près de 10 000 véhicules à moins de 500 par saison en 2022, (uniquement des ayants droit).

Repenser l’aménagement aux portes du massif

Cette politique aura pour effet une meilleure répartition des flux motorisés par les 8 accès, sur les versants nord et sud, mais aussi une saturation du stationnement aux portes du massif. « Les parkings, qui sont en propriété communale ou domaniale, sont maintenant sous-dimensionnés, car les véhicules stationnent pendant 2 à 3 jours. Le syndicat mixte s’est vu confier la maîtrise d’ouvrage déléguée pour engager en 2023 un travail de requalification des portes d’entrées de site », poursuit la chargée de mission.

Développement de l’écotourisme

L’autre effet est une diversification des modes d’accès au pic : à pied, à vélo, avec des animaux de bât… La durée de visite s’allonge : les randonneurs restent au moins 2 à 3 jours sur le massif. Les 5 refuges, qui faisaient auparavant plutôt office de restaurants d’altitude, font le plein de nuitées. L’un est géré par l’association Club alpin français, les autres appartiennent à une commune et une intercommunalité. Pour répartir les flux sur des zones moins sensibles, le syndicat mixte a travaillé avec les 3 offices de tourismes intercommunaux qui portent la destination Canigó-Pais Catala : Conflent Canigó, Haut-Vallespir Sud Canigó et Roussillon Conflent. « Nous portons chaque année un programme d’actions mutualisées avec les partenaires de la destination. Nous avons notamment mis au point plusieurs itinéraires de randonnée en itinérance ou à la journée, accessibles en transport en commun. » En 2023, le Syndicat mixte recrute un chef de projet pour développer la destination Canigó à vélo, via la conception d’un réseau de boucles cyclables.

Services de proximité, le renouveau des vallées

En parallèle, le syndicat mixte porte depuis 2016 avec le Parc naturel régional des Pyrénées catalanes un dispositif d’accompagnement à l’émergence d’initiatives pour faire vivre l’économie rurale. Si certaines activités sont directement liées à la nouvelle donne touristique (par exemple le portage de bagages), d’autres sont aussi des signes d’une redynamisation en profondeur du territoire. « Nous voyons se créer des marchés de producteurs dans de petites vallées, témoigne Christophe Andreux, coordonnateur du dispositif Tremplin. Sur une dizaine de villages où les derniers commerces risquaient de disparaître avec la crise Covid19, plusieurs cafés-restaurants se sont maintenus. » Des projets de tiers lieux émergent également. Ces services de proximité pour la population locale sont soutenus par un flux touristique qui n’a pas diminué (25 000 à 30 000 visiteurs) mais se répartit mieux dans les vallées tout autour du massif, des balcons et du piémont du Canigou.