Lens-Liévin s’appuie sur son histoire pour créer une offre touristique (62)
L’implantation du Louvre à Lens, ainsi que le classement du bassin minier par l’Unesco ont aidé la communauté d’agglomération Lens-Liévin à se réconcilier avec les aspects douloureux de son passé. Basée sur le récit du charbon et les fêtes de la Sainte-Barbe, l'offre touristique écrit une nouvelle page de cette histoire
Tout a commencé en 1720 à Fresnes-sur-Escaut, quand fut découvert le premier morceau de charbon. Tout s’est terminé en 1990, avec la fermeture de la dernière mine à Oignies. Tout ? Non. Entre ces deux dates, l’exploitation du charbon a contribué à la puissance industrielle de la France et à la naissance de l’Europe. Mais ici, dans le bassin minier, le choc de la fin a été dur à encaisser : le chômage, le découragement et l’amertume ont, un temps, figé le rapport à cette histoire. Pourtant, depuis quelques années, ce territoire a développé une politique touristique d’envergure, qui s’appuie sur la mémoire et ce qui en a émergé : des friches minières reconverties en lieux culturels, des terrils devenus pistes de trail, et les fêtes de la Sainte-Barbe… Pour Philippe Duquesnoy, vice-président à l’économie touristique et Président de l’office de tourisme de Lens-Liévin, « les Fêtes de la Sainte-Barbe sont un élément central de notre stratégie d'attractivité, un levier économique, social et touristique puissant au service du changement d’image et du renouveau du territoire. Depuis leur création en 2018, notre volonté a été d’en faire un événement ancré et fédérateur, durant lequel nous célébrons notre attachement aux valeurs qu’incarnait Barbara, sainte patronne des mineurs, des artificiers et des pompiers. La manifestation a réuni cette année [2022] plus de 58 compagnies artistiques qui ont transformé nos sites miniers à la lumière de leurs créations spectaculaires. »
Le soutien décisif d’acteurs publics
Entre 1990 et aujourd’hui, il a fallu du temps. Il a fallu aussi l’intervention d’acteurs extérieurs : l’État qui, via le ministère de la Culture, a décidé l’implantation d’une antenne du Louvre à Lens. La mission Bassin minier, composée de multiples partenaires publics, qui a aidé les élus locaux à regarder autrement leur territoire, au point de le faire classer Patrimoine immatériel de l’Unesco. Et la ténacité de quelques élus locaux du bassin minier qui se sont emparés de l’existant pour se projeter dans l’avenir.
La directrice de l’Office du tourisme de Lens-Liévin, Sylvie Wilhelm, a été embauchée en 2017, soit cinq ans après l’ouverture du Louvre-Lens. Avec une mission précise : « Mettre en lumière le tourisme sur le territoire de la communauté d’agglo. Notre ambition était alors de réfléchir à la façon dont les leviers combinés du Louvre-Lens et du classement Unesco allaient permettre de créer une destination de court séjour. Comment faire en sorte que les visiteurs restent quelques jours ? Comment construire une destination touristique avec les ingrédients existants, à savoir : les sites miniers reconvertis en lieu de culture ou de sport/randonnée, les Anneaux de la mémoire et les sites liés à la Première Guerre mondiale… On a commencé avec tout cela. Et on a listé les manquements. »
Les habitants créent les premiers hébergements touristiques
Premier de ces manquements, l’hébergement. Aucun hôtel susceptible d’accueillir des touristes, peu de restaurants, souvent mal adaptés à la clientèle touristique. Mais aussi un territoire en manque de notoriété, du personnel peu qualifié, une offre de transport dispersée et insuffisante. Ce diagnostic établi, la Mission Euralens, la mission Bassin minier (toujours présente), la mission Autour du Louvre-Lens (ALL), et le département du Pas-de-Calais engagent des actions de prescription pour créer des offres.
La première réponse est venue de la population elle-même, sous la forme de création de chambres d’hôtes. Une offre d’hébergement naît ainsi spontanément, complétée rapidement par l’arrivée d’un acteur privé, Esprit de France, qui transforme un coron minier en hôtel 4 étoiles. « Cela a été un déclencheur important », se souvient Sylvie Wilhelm. Au fil du temps, naissent des offres de plus en plus adaptées au développement touristique. « Nous avons beaucoup travaillé pour améliorer les amplitudes horaires des restaurants et lieux d’accueils, afin que les restaurants soient ouverts le soir et les magasins le week-end. Des opérateurs privés ont misé sur le développement touristique du territoire. Depuis l’ouverture du Louvre-Lens, l’offre d’hébergement a augmenté pour s’établir à 1 900 lits », poursuit-elle.
Renforcer l’identité du bassin minier
La stratégie touristique développe alors trois axes. Le premier consiste à trouver un angle pour présenter l’image du territoire : « Nous sommes attachés à retranscrire l’âme de ce territoire, qui conjugue simplicité et excellence. L’humilité de ses habitants, leur hospitalité, héritées de la période minière, leur confère une véritable générosité dans l’accueil. L’histoire de ce territoire nous laisse un héritage patrimonial d’une puissance émotionnelle exceptionnelle. Ces deux caractéristiques sont au cœur de notre stratégie. » Aujourd’hui, les chiffres de fréquentation montrent qu’une majorité de visiteurs sont des habitants du Nord-Pas-de-Calais, mais aussi des Canadiens et des Britanniques, qui se rendent sur les lieux de mémoire de la guerre.
Développer l’existant
Le second axe mise sur le développement de propositions touristiques sur un week-end, en s’appuyant sur ce qui existe. Par exemple, plusieurs structures sportives organisaient régulièrement des trails sportifs sur les terrils et dans les campagnes alentour. « Nous avons travaillé avec une communauté de ces coureurs qui, pour certains, sont devenus coach en autoentrepreneur. Nous avons aussi créé des rendez-vous très matinaux sur les terrils, composés de balades naturalistes qui s’achèvent avec un petit-déjeuner au sommet, au lever du soleil. Avec une version apéro au coucher du soleil… »
Fluidifier le parcours client
Troisième axe : la fluidité du parcours client, depuis la recherche d’informations préalables jusqu’à l’arrivée sur place. Amélioration du site internet, et proposition de séjours clés en main, qui peuvent aussi inspirer les voyageurs préférant s’organiser seuls. « Nous avons également créé des points d’information dans les lieux les plus fréquentés : Louvre-Lens, sites de la Première Guerre mondiale, 11/19. De plus, la collectivité a fait l'acquisition d’un ex-magasin de vaisselle mythique, nommé À la Ville de Limoges, où ont été implantés un service de location de vélo, l’office de tourisme, mais aussi une ressourcerie, un point de retrait de paniers bio, un espace de coworking, bref, un lieu de vie où se croisent les touristes et les habitants du territoire ».
Développer les compétences par la formation
La « dernière brique » du projet est fixée pour 2024. Il s’agit de faire en sorte que l’emploi généré par le tourisme bénéficie aux populations locales. « L’académie de l’hospitalité sera un espace de formation et d’application pour les métiers de commis de cuisine, agent de salle et agent d’étage. Car aujourd’hui, les habitants du territoire ont de grandes qualités d’hospitalité mais pas les compétences opérationnelles. La collectivité a décidé du lieu, des plans, il n’y a plus qu’à réaliser les travaux. Et à lancer un Appel à manifestation d’intérêt pour trouver des acteurs… Afin de boucler notre stratégie avec ce volet social », poursuit la directrice.
Le budget de fonctionnement de l’Office de tourisme
1 500 000 euros : ce budget comprend la gestion de 4 points d’information et du Centre d’interprétation du mémorial 14-18 ; et l’emploi de 19 collaborateurs, dont 3 sont affectés à 100 % au centre d’interprétation
Communauté d'agglomération de Lens-Liévin
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Philippe Duquesnoy
Sophie Wilhem
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