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Carte judiciaire - Après la décision du Conseil d'Etat, la résistance des petites villes s'organise

"On va essayer de créer un bouclier des services publics au niveau de la justice." Le maire de Marmande, Gérard Gouzes, est décidé à organiser la riposte, après l'annonce ce 19 février de la décision du Conseil d'Etat concernant la carte judiciaire. 115 requêtes avaient été déposées contre le projet de réforme de la carte judiciaire par des dizaines de communes et associations. Des requêtes qui demandaient l'annulation des suppressions de tribunaux de grande instance et de tribunaux d'instance. Au final, le Conseil d'Etat a décidé d'annuler la suppression du tribunal de grande instance de Moulins, dans l'Allier, ainsi que son tribunal pour enfants et son tribunal d'application des peines, notant la distance importante séparant Moulins du siège du tribunal de grande instance de Cusset, auquel celui de Moulins était rattaché. Le Conseil d'Etat a également annulé la suppression des tribunaux pour enfants de Guingamp (Côtes-d'Armor) et de Bourgoin-Jallieu (Isère) en raison d'un vice de procédure. Peu d'annulations, donc, pour des demandes qui portaient sur 200 tribunaux au total !
Dans un communiqué diffusé le 19 février, l'Association des petites villes de France (APVF) estime que cette décision "porte un nouveau coup à la présence républicaine de l'Etat et des services publics dans les territoires". "La décision de suppression de ces tribunaux ne sera hélas pas sans conséquence pour nos concitoyens, elle contribuera encore un peu plus à la dégradation du service public de la justice", affirme ainsi l'association. Une suppression qui "pénalisera les citoyens les plus modestes et contribuera à aggraver les inégalités d'accès à la justice".
Du coup, les petites villes commencent à organiser leur riposte. "On va réfléchir pour envisager un recours devant la Cours européenne de justice pour dénoncer une discrimination, pour une partie de la population française, dans l'accès au service public de la justice", détaille Gérard Gouzes, interrogé par Localtis. Et chacun de s'organiser aussi localement. Pour la ville de Marmande, dont le tribunal de grande instance - qui traite chaque année 1.685 affaires au pénal et 1.340 au civil - doit disparaître en janvier 2011, il s'agira d'abord de créer un "tribunal arbitral" pour traiter les litiges professionnels et contractuels. Le maire compte aussi demander au garde des Sceaux de créer une chambre détachée du tribunal de grande instance d'Agen, pour permettre aux magistrats et greffiers de se déplacer. "On va essayer de se substituer à cette démission de l'Etat et d'organiser une certaine résistance", assure Gérard Gouzes.
L'APVF est partie prenante dans l'organisation de cette résistance. Elle "s'engage à examiner et à soutenir toutes les initiatives qui seront prises par les petites villes pour retrouver les conditions d'accès aux services publics ainsi supprimés", détaille ainsi l'association. L'APVF demande aussi au gouvernement de créer les conditions d'une "véritable concertation qui fait si cruellement défaut actuellement" sur les conséquences du recul des services publics dans de nombreuses zones du territoire. "Il faudra peut-être créer un bouclier rural", ajoute pour sa part le maire de Marmande.
 

Emilie Zapalski