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Emploi - Alain Rousset plaide pour un pilotage régional des missions locales

Lors de son audition le 12 février par la mission d'information sur Pôle emploi de l'Assemblée nationale, Alain Rousset, le président de l'Association des régions de France (ARF), a plaidé pour un pilotage régional des missions locales dans le cadre du nouvel acte de décentralisation. Mais les syndicats des missions locales n'approuvent pas ce positionnement, qui risquerait selon eux de créer des inégalités territoriales et de limiter leur rôle transversal.

Pour Alain Rousset, le pilotage des missions locales pourrait être assuré par les régions dans le cadre du nouvel acte de décentralisation en préparation. Le président de l'Association des régions de France (ARF) s'est exprimé sur le sujet le 12 février à l'occasion de son audition par la mission d'information sur Pôle emploi de l'Assemblée nationale. Dans la dernière mouture en date du projet du gouvernement, les régions seraient responsables d'une partie du service public de l'orientation scolaire et professionnelle. "L'Etat définit ainsi au niveau national la politique d'orientation et la région en assure la mise en oeuvre hors des établissements scolaires, dans le cadre des centres d'information et d'orientation. Les CIO seront transférés aux régions pour devenir des services non personnalisés des régions", indique ainsi le document de travail qui circule actuellement.
"En ce qui concerne les missions locales, est-ce que vous ne pensez pas qu'à partir du moment où les régions se verraient renforcer la compétence en matière d'orientation, il serait naturel que le pilotage des missions locales, qui sont chargées d'orientation, pas seulement mais aussi, puisse se situer au niveau régional ?", demandait à  Alain Rousset Monique Iborra, députée PS de Haute-Garonne et rapporteur de la mission Pôle emploi. Le président de l'ARF lui a répondu par l'affirmative, malgré les financements multiples et croisés (régions, Etat, communes...) que perçoivent les missions locales. "Il me semble que naturellement, les régions ont vocation à piloter l'ensemble des dispositifs. Cela ne veut pas dire qu'on demande à ce qu'il n'y ait plus d'élus municipaux dans les conseils d'administration des missions locales, cela veut dire qu'à un moment donné, il faudrait que les personnels des missions locales puissent avoir des séminaires de formation, travailler ensemble, être sur un site internet commun, pouvoir en cliquant sur un ordinateur savoir quels sont les emplois fournis par telle entreprise... Ce n'est pas le cas aujourd'hui, ça ne marche pas", a estimé Alain Rousset.
Sauf qu'actuellement, les missions locales - dont les derniers résultats, qui vont être publiés prochainement, pourraient s'avérer quelque peu décevants -, ne veulent pas perdre leur autonomie et considèrent qu'elles sont déjà décentralisées. Elles bénéficient en effet d'un statut associatif qui leur permet d'avoir des instances régionales. Les représentants syndicaux des missions locales, qui ont eux aussi été auditionnés par la mission Pôle emploi le 13 février, craignent des disparités de financement en cas de pilotage régional. "En fonction des régions, ce financement peut représenter de 9% à 24% des budgets des missions locales", a ainsi expliqué Philippe Tourigny, syndicaliste CGT missions locales, poursuivant : "Et cette disparité peut entraîner des drames, comme à Woippy, en Lorraine, où la mission locale s'est retrouvée en redressement judiciaire, faute de financement. Un pilotage étatique permettrait d'établir une égalité de traitement entre toutes les structures au plan national." Difficile pourtant d'imaginer cette option, a relevé Monique Iborra, étant donnés les moyens financiers de l'Etat de plus en plus contraints. Le Synami (Syndicat national des métiers de l'insertion) CFDT a plaidé quant à lui pour le maintien de l'autonomie des missions locales, une condition indispensable, selon lui, pour conserver le caractère transversal du champ d'action de ces structures (santé, habitat...).

Des inquiétudes à l'idée d'avoir un chef

Alain Rousset, lui, persiste et signe : "Il y a, c'est vrai, une inquiétude à l'idée d'avoir un chef, mais je n'ai pas entendu de critiques autres que celles communiquées par Monique Iborra, à savoir le fait qu'un certain nombre d'organismes ne souhaite pas avoir d'autorité. Je pense que tant l'argent public qui est mis que l'enjeu du chômage et du développement économique dépassent quand même les petits égoïsmes. Je ne mets pas en cause le talent et l'envie de travailler de chacun de ces agents, mais quand vous avez trois ou quatre pilotes, voire plus, dans un bateau, le bateau ne sait pas où il va !" L'ancien président du Conseil national des missions locales (CNML), Bernard Perrut, député du Rhône a abondé dans ce sens lors de cette même audition. "Les missions locales sont éclatées car ce sont des entités juridiques dites indépendantes, et je suis favorable à ce qu'on arrive peut-être à créer quelque chose de plus régionalisé, parce que de véritables compétences ne peuvent être efficaces que s'il y a un pilote dans l'avion", a-t-il dit.
Au-delà de la question du pilotage des missions locales, d'autres zones d'ombre persistent sur le futur projet de loi décentralisation : la question de la carte des formations des lycées professionnels, notamment, reste elle aussi en suspens. "Il avait été question à un moment donné que les régions aient compétence sur la carte des formations au niveau des lycées professionnels. Je ne dis pas que les régions ne vont pas l'avoir, mais il faut vaincre un certain nombre de résistances, y compris à l'Education nationale. Or c'est peut-être le sens de l'histoire... On voit bien quel rôle pourrait jouer les régions, mais on voit bien aussi les résistances sur lesquelles il faudrait travailler", a résumé Monique Iborra.
La question des conseillers d'orientation-psychologues a également été abordée. Ils "se sont dissociés de la société, de la vie active, des entreprises, ils sont davantage centrés sur la psychologie de l'élève", d'après Alain Rousset, qui propose que la région puisse les former : "Le système d'orientation n'existe plus aujourd'hui. Il faut qu'on invente un nouveau service d'orientation. Il ne pourra pas se faire sans le corps enseignant mais il ne pourra pas se faire sans que le corps enseignant ait une formation considérable. La région est disponible pour faire cela."
Plus globalement, le président de l'ARF a rappelé la nécessité de désigner un "patron" pour l'emploi, la formation et l'orientation, une revendication de longue date des régions. "Dissémination, éclatement, absence d'organisation. On sait tout cela mais on est tétanisé. Pôle emploi est tétanisé sur son statut et son autonomie, les missions locales sur leur décentralisation, les maisons de l'emploi car elles se disent que c'est peut-être à elles de fédérer tout ça. Il faut mettre un patron. Une entreprise ne fonctionne pas s'il n'y a pas de patron", a-t-il encore martelé. Si le projet de décentralisation, qui sera présenté au printemps, est encore entouré de nombreuses incertitudes, un point semble acté : les régions deviendront les acheteurs uniques de la formation pour le compte des départements et de Pôle emploi. Pourtant, Alain Rousset estime qu'il manque un élément clé : "Il faudra obtenir un fléchage direct des financements de l'Unédic pour la formation vers les régions", a-t-il demandé.