Entretiens de Margaux - Alain Rousset : "Le mouvement ne peut plus venir du centre"
L'Aquitaine lance avec Oséo son "Davos" pour l'innovation : la première édition des Entretiens de Margaux s'ouvre le 26 septembre dans la cité viticole pour deux jours de débats avec plus de 250 personnalités du monde économique. Alain Rousset, président du conseil régional d'Aquitaine, en précise les objectifs.
Localtis : Quels sont les enjeux de ces premiers Entretiens de Margaux ?
Alain Rousset : L'objectif est de créer un événement français et européen, en région, sur l'innovation, à la fois sous l'angle économique, environnemental et social. Dans le contexte de la mondialisation, l'innovation est une nécessité, une obligation de bouger, de faire bouger les lignes pour que nos entreprises, l'action sociale, la gestion publique, l'emploi s'adaptent pour être compétitifs et performants.
Dans le cadre de débats et de séminaires, nous accueillons des experts internationaux et des acteurs de l'innovation qui vont pouvoir échanger et présenter les bonnes pratiques. L'enjeu n'est pas uniquement de recueillir leurs recettes, mais de faire des propositions, d'ancrer la culture de l'innovation dans les esprits. Nous souhaitons lancer une vaste réflexion transversale : comment une entreprise innove, comment une collectivité innove, comment le médical, le social, la solidarité innovent ?
Quel regard portez-vous sur la France de l'innovation ?
A.R. : Il faut que notre pays se réapproprie une culture du mouvement et industrielle. Il faut sortir des vieux schémas jacobins, de cette idée que c'est du centre que vient le mouvement. Ce pays souffre de son centralisme. Je reviens d'une réunion de la Communauté de travail des Pyrénées à Bilbao. Ce qui y a été accompli ces dernières années est impressionnant avec le Guggenheim, le Palais des congrès... En France, en gardant cette volonté de l'Etat de ne pas responsabiliser le terrain, on se trouve dans une situation mortifère.
Vous êtes récemment intervenu sur le dossier de la fonderie Fumel qui après des années difficiles vient de redémarrer. Est-ce un exemple de ce qu'une région peut faire localement ?
A.R. : Je me suis manifesté auprès des opérateurs pour leur faire part de ma volonté de les accompagner, sans attendre l'Etat ou le département. La région a donc lancé le mouvement et, à ce titre, a joué un rôle clé pour sauver la fonderie. Mais l'action régionale ne s'arrête pas là. Nous avons créé une agence régionale, Innovalis, pour accompagner les projets innovants. L'Aquitaine accorde par ailleurs 7% de son budget à l'innovation et à la recherche. Enfin, nous disposons d'un schéma régional de développement économique qui tourne à présent.
Justement, sur la question du SRDE, vous sembliez assez sceptique il y a quelques mois. Avez-vous changé d'avis ?
A.R. : J'étais sceptique sur la méthode imposée par l'Etat. Il nous fallait attendre l'avis du préfet avant de démarrer, alors que dans le même temps, les transferts de l'Etat restaient extrêmement limités. Nous avons perdu du temps. De plus le SRDE n'est pas prescriptif, ce qui limite son impact. En définitive, l'Etat continue de vouloir nous tenir sous le boisseau. Il y a un décalage entre le discours du président de la République et les administrations au quotidien.
Il y a aussi l'Europe : Bruxelles vient de valider le programme opérationnel d'Aquitaine. Comment percevez-vous la nouvelle programmation 2007-2013 et ses objectifs en matière d'innovation ?
A.R. : Cette nouvelle orientation va dans le bon sens. Le processus de Lisbonne n'a pas été respecté car les Etats ont utilisé les crédits européens pour leurs régulations budgétaires, singulièrement en France. La nouvelle programmation doit servir à rattraper le retard. On ne pourra pas avoir un Etat innovant si les régions ne s'en mêlent pas.
Propos recueillis par Michel Tendil