Innovation - La recherche française encore trop timide
Réunis à l'occasion du Salon européen de la recherche et de l'innovation, du 7 au 9 juin à Paris, les différents acteurs de la recherche ont fait le point sur un secteur à la croisée des chemins. Alors qu'un projet de réforme est en cours, leur analyse de la situation actuelle est assez critique. "Depuis trente ans, il n'y a pas de véritable stratégie nationale de recherche en France", a ainsi résumé ainsi Serge Feneuille, président du Haut Conseil pour la science et la technologie (HSCT), un organisme créé en 2006 pour conseiller le président de la République sur ces questions. Selon lui, la politique en matière de recherche est laissée aux mains des chercheurs. La Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'Economie partage le même constat. "L'effort français en matière de recherche et d'innovation stagne depuis dix ans, a même souligné Luc Rousseau, directeur général de la DGE. Il représente aujourd'hui seulement 2,2% du produit intérieur brut ; on est bien loin des 3% ciblés dans la stratégie de Lisbonne." Pourtant, depuis 2005, de nombreuses mesures ont été prises pour favoriser la recherche française. La création d'Oséo en 2005, résultat du rapprochement entre l'Agence nationale de valorisation de la recherche et de la Banque des petites et moyennes entreprises, a ainsi renforcé le dispositif national d'appui au développement technologique des entreprises. "Son budget, qui a été doublé il y a deux ans, permet de soutenir de manière efficace les entreprises en matière d'innovation", souligne Michel Guilbaud, directeur général délégué d'Oséo. A travers l'organisme, l'Etat finance à hauteur de 160 millions d'euros les aides à l'innovation, sous forme d'avances remboursables. La banque publique d'aide des PME a également renforcé son maillage territorial avec la mise en place de seize fonds régionaux d'innovation.
Manque de coopération entre public et privé
Autre évolution : la loi de programme sur la recherche votée le 18 avril 2006 par le Parlement. Destinée à rénover le système national de recherche et d'innovation, elle a notamment permis la création du HSCT, des pôles de recherche et d'enseignement supérieur et de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Elle a aussi favorisé le soutien aux réseaux de recherche et d'innovation technologique et le développement de pôles de compétitivité. Mais, malgré ces avancées, des difficultés persistent, comme le manque de coopération entre le secteur public et les entreprises, le positionnement encore insuffisant sur les créneaux à forte croissance ou encore le problème du financement en aval. "Les laboratoires publics qui existent ont encore du mal à répondre aux attentes des entreprises", a ainsi expliqué Alain Duprey, directeur général de l'Association des instituts Carnot. Ces instituts ont été créés en 2006 pour favoriser le transfert de technologie, le partenariat entre laboratoires publics et entreprises, et le développement de l'innovation, tout comme l'Agence nationale de recherche, installée, elle, en 2007.
En matière de recherche et d'innovation, les collectivités territoriales, et particulièrement les régions, ont elles aussi un rôle à jouer. Elles participent déjà activement, aux côtés d'Oséo, au soutien des entreprises innovantes. "En abondant les aides que l'on apporte aux entreprises, à travers les fonds régionaux de garantie et d'innovation, les régions ont un rôle complémentaire à notre action", explique Michel Guilbaud.
"C'est aux régions de soutenir les pôles sur le terrain"
Leur rôle de chef de file du développement économique a été confimé par la loi du 13 août 2004 et l'instauration des schémas régionaux de développement économique. "La région est l'échelon d'intervention de proximité mais leur intervention est encore en-deça de ce que font les autres régions européennes", a tempéré Luc Rousseau. Les conseils régionaux français soutiennent aussi la recherche au niveau local en participant au développement des pôles de compétitivité. "Si l'Etat donne le cadre général et assure la cohérence d'ensemble, c'est aux régions de soutenir les pôles sur le terrain." "L'Etat négocie d'ailleurs avec elles, comme lors du quatrième appel à projets lancé récemment. Notre plus grand souhait : qu'elles s'impliquent encore davantage", a insité Luc Rousseau. Elles peuvent notamment aider les pôles à développer leur coopération à l'international, une de leurs priorités du moment. Les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire, par exemple, soutiennent activement le pôle de compétitivité Image et Réseaux dans sa stratégie à l'international. "C'est une condition indispensable à la réussite de notre pôle", assure Alain Vulmière, le directeur du pôle. Parce que la concurrence en matière de recherche et d'innovation est internationale, la coopération au niveau mondial devient indispensable. La capacité à favoriser les liens entre la France et l'international en matière de recherche sera d'ailleurs intégrée aux critères que la DGE va mettre en place pour évaluer les pôles de compétitivité en 2008.
Emilie Zapalski
Un projet de loi pour l'été
L'idée d'un projet de loi sur l'autonomie des universités et le financement de la recherche cher au président de la République fait son chemin. Le texte sera présenté au cours de l'été. Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche vient d'entamer la concertation avec la communauté universitaire. "Pour construire les ponts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, j'entends favoriser la création d'incubateurs d'entreprises dans les universités et l'exploitation de leurs brevets" par ces dernières, a-t-elle indiqué jeudi 7 juin, lors de l'inauguration du Salon de l'innovation et de la recherche, avant d'évoquer "un ambitieux projet de zones franches universitaires".
M.T. avec AFP