Congrès ARF - Alain Rousset : "En finir avec les semelles de plombs du centralisme jacobin"
Le temps d'un congrès, le mot "décentralisation" est presque devenu tabou. Faudra-t-il désormais lui préférer le terme de "régionalisation" ? C'est en tout cas le souhait de l'ARF (Association des régions de France) dont le deuxième congrès a fermé ses portes à Dijon, vendredi 15 décembre, après deux jours de débats au cours desquels les exécutifs régionaux ont, une nouvelle fois, concentré leurs tirs sur la loi du 13 août 2004. Après Ségolène Royal, jeudi, c'était au tour d'Alain Rousset, le président de l'ARF de dénoncer les "ratés" de ce texte et les "semelles de plombs du centralisme jacobin". Selon lui, l'enjeu est de "libérer l'innovation et la créativité des régions", à l'instar d'autres pays européens.
S'inspirant des propositions faites par Bruno Rémond dans l'un des derniers numéros des Cahiers de la décentralisation intitulé "La région, une France d'avenir", il propose une nouvelle architecture avec un "Etat fort ramassé sur ses compétences régaliennes et son rôle de péréquation" et des "blocs de compétences clairs". Alors que l'idée de supprimer les départements dans les zones urbanisées au profit des grandes agglomérations fait son chemin, Alain Rousset s'est voulu rassurant en précisant que "chaque échelon territorial a sa pertinence, sa légitimité", mais a-t-il souligné il faut avant tout "supprimer les doublons" avec les services déconcentrés, notamment les Drire (directions régionales de l'industrie, la recherche et l'environnement).
"Bigbang fiscal"
S'agissant des régions, trois axes se dessinent : "un grand ensemble qui va des lycées à la formation, en passant par l'orientation, l'apprentissage et l'enseignement supérieur", le "développement économique" et le "développement durable", un sujet sur lequel l'ARF vient d'adopter un manifeste.
En matière économique, le président de la région Aquitaine a pris exemple sur ses "voisins" du Pays basque espagnol, rappelant que la régionalisation entreprise en 1986 a permis de passer d'un taux de chômage de 25% dans les années 1990 à 5% aujourd'hui, avec un taux de croissance de 4%.
Mais ce nouvel équilibre des compétences repose sur un "bigbang fiscal". Selon Alain Rousset, le rapport de Philippe Valletoux adopté par le Conseil économique et social le 13 décembre 2006 pourrait servir de "fondement consensuel d'une réforme des finances locales". "Il y a là une mine", a-t-il déclaré à l'adresse du ministre délégué aux Collectivités territoriales, Brice Hortefeux, lui demandant au passage "le report de la réforme de la taxe professionnelle".
Du côté du bras droit de Nicolas Sarkozy, le message est plutôt bien passé. Le ministre s'est toutefois attaché à défendre l'Acte II de la décentralisation qui a "malgré tout renforcé le poids des collectivités". Brice Hortefeux a ensuite expliqué que l'enveloppe supplémentaire accordée par l'Etat aux contrats de projets Etat-régions 2007-2013 serait de deux milliards d'euros, "ce qui porte l'effort total à 12,5 milliards". "Les préfets de vingt régions ont reçu leur mandat définitif et les dix contrats interrégionaux ont été finalisés", a-t-il indiqué.
Concernant l'idée d'une réforme du Sénat sur le modèle du Bundesrat allemand, le ministre a relevé "la puissance du lobby des départements au Sénat". "Je me sens parfois solitaire quand je reprends les propositions de l'ARF, il n'y a pas assez de représentants des régions", a-t-il insisté. "Faut-il, demain, aller plus loin dans tel ou tel domaine ? Vous l'avez compris, je n'y suis pas hostile. Mais demain, c'est une autre histoire", a-t-il conclu, en référence à la campagne présidentielle.
Après l'Aquitaine l'an dernier, la Bourgogne cette année, ce sera autour de l'Alsace d'accueillir le prochain congrès de l'ARF.
Michel Tendil, à Dijon