Alain Duran toujours en mission pour sauver les conventions ruralité

Dans un rapport resté confidentiel, remis en avril dernier au Premier ministre, le sénateur de l’Ariège Alain Duran rend compte de sa mission d’accompagnement aux conventions ruralité. Très enthousiaste sur le dispositif qu’il juge toujours prometteur, il exprime aussi des craintes sur son avenir. Un avenir lié, selon lui, au développement des regroupements école-collège et, pourquoi pas, de sa formalisation dans les conventions ruralités pour en garantir la souplesse.

"Si le dialogue n’est pas entretenu de manière constante et dynamique, s’il n’est pas enrichi à travers la réalisation de projets communs, le postulat de la décision administrative s’imposera inéluctablement, au risque de reléguer les acteurs locaux à de simples figurants dans le déroulement annuel de la carte scolaire". C’est la conclusion du sénateur de l’Ariège Alain Duran, dans son rapport de mission sur l’accompagnement de la mise en œuvre des conventions ruralité 2018, remis le 18 avril 2019 au Premier ministre, et publié par nos confrères de Maire Info.

La conclusion, quelque peu pessimiste, tranche avec le reste du rapport dans lequel le sénateur se montre particulièrement enthousiaste. Le sénateur PS sait de quoi il parle. Sa première mission d’accompagnement des conventions ruralité – le premier "service après-vente", comme il le dit lui-même - date d’octobre 2015, soit un an après le lancement du dispositif par le ministre de l’Education nationale d’alors, Vincent Peillon.

Un climat plus apaisé lors des négociations sur la carte scolaire

Depuis ce temps et jusqu’à aujourd’hui, le sénateur Duran a toujours voulu voir, dans les conventions ruralité, "l’expression d’une volonté de réflexion et de travail collaboratif partagée par les membres d’une communauté éducative, légitimement concernés dans leur bassin de vie par l’amélioration d’une offre scolaire de qualité et de proximité".

Il se félicite donc que les négociations sur la carte scolaire se soient "souvent déroulées dans un climat plus apaisé" dans les départements disposant d’une convention ruralité.

Rapport Alain Duran sur la mission d'accompagnement sur la mise en oeuvre des conventions de ruralité 2018

© Rapport Alain Duran sur la mission d'accompagnement sur la mise en oeuvre des conventions de ruralité 2018

Il note avec satisfaction "une évolution certaine du contenu des conventions depuis 2015", les "conventions pionnières" ayant été "conclues dans un esprit protecteur". "Le terme de ‘bouclier’ était souvent cité par les élus signataires, traduisant indirectement une absence de réflexion prospective sur les scenarii de réaménagements possibles de l’organisation scolaire dans les territoires", se souvient-il. "En particulier, n’étaient demandés que des gels de postes ou des retraits d’emplois limités sur la durée d’application de la convention, comme clause préalable à tout travail de réflexion sur une éventuelle réorganisation du réseau scolaire". Il convient – et regrette - que "cette conception n’a toujours pas disparu et peut encore être défendue dans certains départements".

La fin d’une approche "strictement comptable de maintien de postes" ?

Alain Duran préférerait que tous les signataires des conventions ruralité "privilégient une plus-value qualitative plutôt qu’une approche strictement comptable de maintien de postes et de classes, en se tournant volontairement vers des projets de nouvelles réalisations bâtimentaires et de bénéfices apportés aux élèves et aux enseignants en termes d’offre pédagogique et éducative et d’amélioration de leurs conditions de travail".

Dans son esprit, la convention ruralité apporte avant tout "une plus-value qualitative aux élèves dans leurs parcours individuels, aux enseignants dans leurs pratiques pédagogiques, aux collectivités territoriales par la mutualisation des moyens et le portage des coûts, aux familles en préservant à proximité de leur domicile un lieu d’éducation et de culture – qui peut aussi être aussi un lieu de vie collective par la mise en place de services partagés à la population (bibliothèque, médiathèque, salles de sports...)".

Il souhaiterait par exemple que les conventions contiennent un volet périscolaire, une politique d’accueil des enfants de deux ans, un renforcement du lien entre l’école et le collège, et même une réflexion autour de la création de "collèges de territoire" à laquelle il consacre plusieurs chapitres.

Vers des "collèges de territoire" ancrés dans la vie locale

Car selon la "logique démographique", la baisse des effectifs constatée dans le premier degré public ces dernières années "se retrouvera mécaniquement dans les cohortes correspondantes au collège", anticipe-t-il. Pour lui, il serait donc plus que jamais indispensable que les conseils départementaux soient signataires des conventions ruralité ou de leurs avenants.

"Le collège de territoire, tel que je le pense et le porte dans les conventions ruralité, s’ancre dans la vie locale et s’ouvre à ses habitants en proposant ses locaux, le cas échéant son internat, ses services et ses activités en lien avec l’institution scolaire et les acteurs de la communauté éducative", écrit-il.

Il cite en exemple la convention du Jura, signée le 24 mai 2018, qui projette de rassembler, au sein du groupe scolaire de la commune d’Arinthod, une école maternelle et une école primaire de 11 classes, pour les enfants d’Arinthod et des communes environnantes, à proximité du collège Xavier Bichat. Les signataires ont posé plusieurs principes dont : "une organisation permettant de favoriser le travail collaboratif des équipes éducatives" ; l’identification d’un "pôle maternelle" et la perspective d’un accueil pour les enfants de moins de 3 ans ; des "dimensionnements" pour déployer les dispositifs tels que : aide aux élèves "à besoins particuliers", développement du numérique et de projets artistiques et culturels, enseignement des langues vivantes ; l’articulation avec les activités périscolaires inscrites dans des projets éducatifs territoriaux (PEDT) ; l’accessibilité aux élèves porteurs de handicap, des équipements dédiés aux activités périscolaires (salle polyvalente, salle d’art plastique, salle de motricité, dojo, gymnase, piscine, médiathèque, terrain de football)…

Renforcer l’attractivité des collèges peut être un objectif de la convention ruralité

Le rapport de mission cite également la convention de l’Allier, signée le 13 novembre 2015 et en cours de reconduction au moment de la remise du rapport. Son avenant devait prévoir un dispositif expérimental de valorisation de six collèges ruraux visant à renforcer leur attractivité via la création d’une  "identité propre". Chacun a son projet "pédagogique". Un collège propose l’option numérique avec un projet intitulé "le numérique relie les élèves au territoire". Un projet intitulé "De l’isolement rural à l’ouverture internationale" entre dans le cadre de l’option langues vivantes. Un autre, intitulé "Vers une école du Socle en Combrailles" dans celle sur la citoyenneté.

Le sénateur fait également un zoom sur le collège Lafayette de Brioude, dans le département de la Haute-Loire, pour illustrer "le potentiel des territoires et de leurs habitants pour créer de l’attractivité et enrichir l’offre éducative locale". Une section cycliste est en voie de création dans le cadre de l’avenant à la convention ruralité en cours. Cette section aura pour parrain le cycliste Romain Bardet, enfant de la ville, qui a offert quinze vélos à la direction départementale des services de l’éducation nationale, lesquels seront mis à la disposition des établissements scolaires pour des modules d’apprentissage du vélo.

Selon Alain Duran, en matière de collège de territoire comme pour les conventions ruralité, "il n’existe pas une solution, mais autant de solutions qu’il y a de territoires". Il loue dès lors la "plasticité de l’outil conventionnel", en insistant sur le fait que ce "n’est nullement un modèle que l’on plaque à l’aveugle sur chaque département, mais un outil d’orfèvrerie adapté aux besoins propres de chaque territoire".

Des EPLESF aux "collèges de territoire" ?

C’est sans doute pour cette raison qu’il se montrait réservé sur les "établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux. La création de ces "EPLESF", regroupant – sur la base du volontariat - des classes du premier degré et de collège, était discutée au Parlement, dans le cadre du projet de loi Pour une école de la confiance, au moment où le sénateur Duran rendait son rapport au gouvernement. Ces établissements ne figureront finalement pas dans la loi, mais Jean-Michel Blanquer n’a jamais caché qu’il n’avait pas renoncé à l’idée et qu’il mènerait une concertation pour convaincre de son utilité et tester les conditions de sa mise en oeuvre.

Selon le sénateur Duran, tout rapprochement entre le collège et les écoles "devra se concrétiser autour d’un réel projet pédagogique, qui sera défini et porté par l’ensemble de la communauté éducative, fédérant dans la durée les élus locaux tout autant que les équipes enseignantes, les parents d’élèves et tous les partenaires qui souhaiteront s’y associer". Selon lui, "c’est seulement en réunissant ces conditions de base que ce type de rapprochement entre le collège du bassin et les écoles de proximité deviendra un véritable collège de territoire". Il souffle ainsi l’idée d’une terminologie un peu plus vendeuse que "EPLESF" et la perspective de faire passer les projets via les conventions ruralités… qui verraient ainsi l’occasion de prendre un nouvel élan.

 

Selon le rapport Duran, à la fin de l’année scolaire 2019, 52 départements auront signé une convention ruralité. Parmi eux, quinze auront poursuivi la démarche au-delà de la période initiale de trois ans, par le biais d’un avenant

 

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