Archives

Education - Fermeture définitive d'une école : quand seule la compétence est partagée...

"Une école qui ferme c'est un village qui meurt." On ne peut ignorer l'adage. Ce que le citoyen en revanche sait rarement, c'est que le conseil municipal, souvent après un long bras de fer avec l'Etat, votera lui-même la fermeture de son école. C'est ce qu'on appelle une compétence partagée. Et face à la froide statistique des effectifs scolaires, les enjeux d'aménagement du territoire ont peu leur place.

Signe des temps, le numéro de mars 2015 de la Lettre d'information juridique (LIJ) du ministère de l'Education nationale fait un point sur "La fermeture des établissements scolaires", en débutant par les écoles primaires. Un florilège de jurisprudences illustre la règle implacable : la suppression d'une école relève d'une décision du conseil municipal, après avis du préfet de département ; l'affectation des enseignants relève de l'Etat (en l'occurrence du Dasen, directeur académique des services de l'Education nationale) qui se fonde sur une analyse prévisionnelle des effectifs des élèves. C'est ce qui s'appelle la compétence partagée. Car la fermeture de classe, comme toutes les mesures de carte scolaire (*), est une compétence partagée entre l'Etat et les collectivités.
C'est donc bien le Dasen qui décide de retirer un poste d'enseignant, donc de fermer une classe, même si c'est une classe unique qui entraîne de fait l'arrêt de l'activité de l'école. La fermeture d'une classe ne requiert pas de décision du conseil municipal, mais c'est le conseil municipal qui devra voter la fermeture de l'école.

Une seule règle : les effectifs

Les auteurs de la note juridique rappellent que la suppression de postes ne peut en aucun cas être justifiée par des locaux dégradés, l'absence de cantine ou les conditions de ramassage scolaire. Ils citent la cour administrative d'appel de Nancy qui a rappelé "que la décision de supprimer un poste d'enseignant dans une école est prise au regard de l'évolution des effectifs des classes concernées, et non en considération de la qualité des infrastructures de l'école, des modalités pratiques d'accueil des élèves, des conditions de transport scolaire et de restauration des enfants" (CAA Nancy, 13 juin 2013, M. et Mme X et association École et territoire, n° 12NC01472).

Pas de dérogation pour les classes uniques

La règle des "effectifs prévisibles" vaut aussi pour les classes uniques. Et gare aux communes qui tentent de gonfler le nombre d'élèves. L'inspecteur d'académie "peut prendre une décision de suppression d'emploi en retenant une prévision d'effectif inférieure à celle figurant sur la liste transmise par le maire d'une commune dès lors qu'il constate que certaines inscriptions ne seront vraisemblablement pas suivies d'effet à la rentrée scolaire et qu'elles ont été affichées dans le seul but d'obtenir un effectif supérieur au seuil fixé par la loi et de conserver ainsi l'école à classe unique" (CE, 28 juin 1995, ministre de l'Education nationale et de la Culture, n°143856). Et cela, même si la commune assure qu'elle mène "une politique d'accueil des familles" devant conduire à un accroissement des effectifs.
N'imaginez pas non plus pouvoir prendre en compte les enfants de moins de trois ans dans les effectifs prévisionnels. D'autres communes ont essayé de le faire valoir et le Conseil d'Etat a considéré que "en ne comptabilisant pas les enfants de moins de trois ans dans le calcul prévisionnel des effectifs de l'école maternelle de la commune (...), l'inspecteur d'académie n'a pas commis d'erreur de droit" (C.E., 19 décembre 2012, commune de Luz-Saint-Sauveur, n°338721, aux tables du Recueil Lebon).

RPI et classes uniques

On s'en doute, la présence de regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) à proximité ne milite pas non plus dans le sens du maintien d'une classe unique. Les juristes de l'Education nationale indiquent que la décision de l'inspecteur d'académie "peut légitimement être motivée par la baisse constante des effectifs de l'école et par le souci d'assurer au sein d'une autre école, peu éloignée, de meilleures conditions pédagogiques, notamment au regard de la mise en place de cycles d'enseignement" (CE, 13 décembre 1994, commune de Fournet-Blancheroche, n° 140921)". Ou encore que "pour apprécier les nécessités et les modalités d'un regroupement pédagogique, l'administration doit tenir compte non seulement de l'évolution démographique de la population scolaire concernée, mais aussi et surtout des perspectives d'amélioration de la qualité du service public d'enseignement et d'éducation offertes par un tel groupement" et qu'il n'y a pas d' "effectif minimum (qui peut être) fixé pour le maintien d'un poste d'enseignant dans une école à classe unique" (CAA Marseille, 8 décembre 2014, commune du Vernet et association Ecole et territoire, n°12MA03514).

Suppression d'un poste entraînant la fermeture d'une école : la consultation de la commune "n'est pas requise"

Les juristes auteurs de l'article rappellent également les procédures à respecter "avant tout retrait d'emploi entraînant une fermeture d'école". Le comité technique spécial départemental doit être consulté, ainsi que le conseil départemental de l'Education nationale (CDEN). Le département doit quant à lui être consulté, mais uniquement au titre de sa compétence en matière de transport scolaire.
Mais "la consultation de la commune n'est, en revanche, pas requise". "Aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne le retrait d'emplois à l'intervention préalable d'une délibération du conseil municipal décidant de la fermeture de la classe ou de l'école correspondante", insistent les juristes. Ce qui n'empêche pas que "toute mesure de retrait d'emploi entraînant la fermeture d'une école doit être préparée en concertation avec la commune". Le préfet de département, en effet, "peut mener une concertation locale sur tout projet de réorganisation" mais il n'est plus obligé de réaliser une étude d'impact.

Les fermetures de collèges et lycées requièrent l'accord préalable du département ou de la région

La suppression d'un collège est une compétence partagée de l'Etat et du département. Dans le cas d'un lycée ou d'un établissement d'éducation spéciale, il s'agit d'une compétence partagée de l'Etat et de la région. Les collèges et lycées sont fermés par arrêté du représentant de l'Etat, sur proposition, selon le cas, du département, de la région ou de la commune ou de l'EPCI intéressé (lorsque la commune ou l'EPCI s'est vu confier de plein droit par le département ou la région la responsabilité de la construction d'un établissement, d'une opération de grosses réparations, d'extension, de reconstruction ou d'équipement, aux termes de l'article L. 216-5 et L. 216-6 du Code de l'éducation) .
Dès lors, doivent être consultés préalablement à la décision de fermeture d'un établissement : la commune concernée (si celle-ci s'est vu confier la charge d'un établissement scolaire) ; le département (cette fois au titre de ses compétences dans le domaine des transports) ; le conseil départemental de l'Education nationale (CDEN) pour les fermetures de collège ; le conseil académique de l'Education nationale (CAEN) pour les fermetures de lycée.

Concertation en ZRR

Dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), une "concertation" doit toutefois être menée, y compris auprès des collectivités. Selon l'article L.211-2 du Code de l'éducation, dans les ZRR, "les services compétents de l'État engagent, avant toute révision de la carte des formations du second degré, une concertation, au sein du CAEN ou, pour les formations assurées en collège, au sein du CDEN, avec les élus et les représentants des collectivités territoriales, des professeurs, des parents d'élèves et des secteurs économiques locaux concernés par cette révision".
Partout ailleurs, et cette fois au titre de l'aménagement du territoire, les auteurs de l'article soulignent qu'une concertation locale est toujours possible... à l'initiative du préfet. Ils indiquent que, comme pour les écoles primaires (et pour tout service public d'ailleurs), "le préfet, qui doit être tenu informé de tout projet de réorganisation des services publics, transmet cette information au président du conseil général, au président du conseil régional et au président de l'association des maires du département et, peut, le cas échéant, mener une concertation locale sur de tels projets". 

Valérie Liquet

(*) Les mesures de carte scolaire du premier degré consistent à ouvrir ou fermer des écoles et des classes, et à regrouper des écoles. La création et l'implantation d'une école (choix de la localisation, construction, aménagement de locaux) est une décision du conseil municipal. Les mesures de carte scolaire du second degré consistent à ouvrir ou fermer des collèges, des lycées, ou des classes dans les collèges et lycées.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis