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Logement social - Alain Cacheux, président de la Fédération des OPH : "Nous sommes adaptés pour répondre concrètement aux territoires en déprise"

La Fédération des 265 offices publics de l'habitat, qui accueillent près de 5 millions de personnes dans un parc de 2,4 millions de logements sociaux,  tient son assemblée générale les mercredi 25 et jeudi 26 mai à Poitiers sur le thème "Les offices, un modèle d'avenir !". Son président, Alain Cacheux, avait prévenu que son réseau voulait "démontrer à tous que la capacité d'adaptation aux enjeux et aux évolutions d'une société en crise est dans l'ADN des offices".

Localtis - Quels sont les enjeux sociétaux auxquels les OPH doivent faire face aujourd'hui, dans un contexte que vous qualifiez de "société en crise" ?

Alain Cacheux – Le premier enjeu, c'est le vieillissement de la population. Il se traduit par des besoins d'adaptation des logements (très concrètement : c'est l'abandon de la baignoire au profit de la douche).
Le second enjeu, c'est la paupérisation : paupérisation non seulement de l'occupation du parc social mais surtout de la demande qui nous est adressée. On parle de mixité sociale : elle est de plus en plus difficile à réaliser. Avec la multiplication des dispositions relatives aux pauvres et aux très pauvres, notre parc est de plus en plus ségrégatif. Il ne faudrait pas reconstituer des ghettos dont l'exemple de l'Anru montre qu'on a du mal à en sortir.
Nous sommes également confrontés à la modification des structures familiales, avec de plus en plus de familles monoparentales. Ce sont à 95% des femmes seules avec leurs enfants, mais on reçoit aussi des demandes exprimées par des pères pour des logements adaptés à recevoir leurs enfants.
Tout ceci s'inscrit dans le contexte d'une société effectivement en crise qui frappe de manière hétérogène le territoire national. Nous sommes adaptés pour répondre concrètement aux territoires en déprise, car nous sommes organiquement liés aux collectivités. Dans un certain nombre de territoires, nous sommes d'ailleurs les seuls présents : dans 23 départements – des territoires ruraux et/ou d'anciens territoires industriels – il n'y a que des offices.

Quelles sont les spécificités du parc social de ces territoires "en déprise" ?

Nous avons réalisé une étude sur ces territoires détendus (*), reprise par la Fnar (Ndlr : la Fédération nationale des associations régionales d'organismes d'habitat social), qui fait apparaître que les besoins sont tout aussi réels qu'en territoires tendus. Il y a des besoins en démolition parce qu'un parc est devenu obsolète, alors que nous ne bénéficions d'aucune aide, à la différence des quartiers Anru. L'enjeu porte surtout sur la restructuration de patrimoine.
Il y a aussi des besoins de construction neuve : des foyers de personnes âgées, des demandes d'intervention dans les centres-bourg pour contribuer à restructurer un tissu urbain qui le nécessite, des besoins de construction de pavillons parfois en acquisition-accession...
Nous voulons attirer l'attention des pouvoirs publics pour que la politique nationale du logement ne se réduise pas aux territoires tendus. Nous souhaitons une politique plus équilibrée. Regardez le projet de loi Egalité et Citoyenneté : il veut développer la transparence dans les politiques d'attribution... alors que dans des territoires, on est plutôt à la recherche de clients.

Le projet de loi Egalité et Citoyenneté serait-il hors sujet pour les OPH ? Par exemple, l'obligation d'attribuer au moins 25% des logements sociaux hors quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) aux demandeurs les plus pauvres vous semble-t-elle atteignable ?

La paupérisation de nos locataires et des demandeurs de logements est telle que, dans beaucoup de territoires, nous sommes déjà très au-delà des 25%. Et bien souvent, nous n'avons pas de QPV. J'ai aussi l'habitude de dire qu'il ne suffit pas de mieux répartir la pauvreté pour la faire reculer...
Concernant les mesures du projet de loi sur les dispositifs d'attribution, nous demandons à ce qu'elles soient facultatives pour les zones B et C.

Le président de la République a annoncé en janvier, lors du lancement du bicentenaire de la Caisse des Dépôts, que 1,5 milliard d'euros seraient dirigés vers les organismes de logement social, sous forme de "quasi-fonds propres" (ou "prêts de haut de bilan"). Cela a-t-il réduit votre inquiétude quant à l'avenir économique des HLM ?

Cette mesure va dans le bon sens. Mais nous avons le sentiment qu'elle est ponctuelle. Nous souhaiterions que notre "modèle HLM" se perpétue. Notre modèle économique a toujours reposé sur un schéma simple pour la construction et réhabilitation : le financement des programmes c'est le mélange de fonds - appelés improprement - "gratuits" (les subventions de l'Etat et des collectivités locales, le 1% Logement, les fonds propres des organismes) et les prêts de la Caisse des Dépôts dont le loyer sert à rembourser le prêt. Or ce modèle est remis en question, dans la mesure où les engagements pris début 2012 sur le doublement des aides à la pierre n'ont pas été tenus, que les collectivités se recentrent sur leurs compétences obligatoires et réduisent - voire abandonnent - la politique de logement social, Action Logement est sollicité sur d'autres enjeux (le financement Anru)... Les fonds "gratuits" ont donc tendance à se réduire, augmentant le poids des emprunts, ce qui implique des loyers de sortie plus élevés (et, pour l'Etat, des versements APL en augmentation). La baisse des fonds gratuits peut effectivement être compensée par la hausse des fonds propres, mais cette source n'est pas inépuisable, elle met du temps à se reconstituer.

Comment, dans ces conditions, conserver le "modèle HLM" ?

Nous aimerions plus de moyens dans le cadre d'un arbitrage financier plus fort en faveur du logement social. On en a bien trouvé pour revaloriser les enseignants ou pour les agriculteurs en difficulté ! Si le logement est un bien fondamental, il faut y consacrer des moyens. Ce qui nous pend au nez, c'est la disparition des aides à la pierre. Or les économies budgétaires faites sur la baisse des aides à la pierre, l'Etat les retrouve dans les montants des APL versés aux familles. On a tendance à multiplier les décisions de courte vue alors que l'on a besoin de politiques de long terme.
Les présidentielles seront l'occasion d'un grand débat national sur le logement social.

La question de ces OPH du Grand Paris qui se transforment en Sem est-elle taboue ?

Non, pas du tout. C'est essentiellement une question de gouvernance. Cinq ou six municipalités ont aujourd'hui le projet de transférer leur OPH vers une Sem. C'est un détournement de la loi Alur et le ministère vient d'ailleurs de refuser le projet de la commune de Saint-Ouen.
Dans la Métropole du Grand Paris, puisque la loi Alur impose de rattacher tout OPH à l'intercommunalité dès qu'elle a la compétence logement, il aurait fallu rattacher les OPH à la métropole elle-même, car les EPT (Ndlr : établissements publics de territoire) n'ont pas cette compétence. Nous avions convaincu le législateur que, pour calmer les inquiétudes du point de vue de la gouvernance, les élus désignés par l'EPT pour siéger à l'OPH soient issus de la proposition de la commune d'origine. Pour ces élus qui ont beaucoup investi dans leur office, quand il y a des ennuis, ils ne sont pas transférés : c'est toujours à eux que les concitoyens s'adressent !

Propos recueillis par Valérie Liquet

(*) Voir nos articles ci-contre du 29 juin 2015 et du 24 septembre 2015.

 

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