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Lois de finances / Habitat - Le logement à nouveau à l'honneur dans la loi de finances pour 2016

Comme leurs prédécesseurs, la loi de finances initiale (LFI) pour 2016 et la loi de finances rectificative (LFR) pour 2015 accueillent de nombreuses mesures relatives à l'habitat. Une quarantaine d'articles contiennent ainsi des dispositions ayant trait, de près ou de loin, au logement (pour les autres dispositions des lois de finances intéressant les collectivités, voir ci-contre notre autre article du jour). Ce phénomène récurrent (voir notre article ci-contre du 6 janvier 2015) s'explique par la budgétisation de l'essentiel des aides au logement et la par multiplication - pour ne pas dire la suraccumulation - des mesures fiscales relatives à ce secteur.

Coup de pouce au PTZ et réforme a minima pour les APL

Devenu l'un des instruments majeurs de l'accession à la propriété, mais aussi de la relance de la construction de logements, le prêt à taux zéro (PTZ) fait ainsi l'objet d'un ensemble de mesures (LFI, article 107). Présentées par Sylvia Pinel en novembre dernier (voir notre article ci-contre du 11 novembre 2015), celles-ci portent notamment sur l'augmentation de la quotité du PTZ (40%), la hausse de plafonds de ressources (réglée par un décret publié le même jour que la loi de finances), l'extension géographique du PTZ dans l'ancien ou encore la réduction à six ans de la durée d'occupation du logement au titre de résidence principale. Toujours en matière d'accession à la propriété, la loi (LFI, art. 11 / LFR, art. 12 et 17) assouplit les règles relatives à l'application de la TVA à taux réduit dans les quartiers ciblés par la politique de la ville et couverts par une convention Anru.
En matière d'aides personnelles au logement (APL) - un autre grand volet des politiques en faveur du secteur -, la réforme un temps envisagée et annoncée se trouve finalement réduite à la portion congrue (voir notre article ci-contre du 5 octobre 2015). Elle se cantonne en effet (LFI, art. 140 et 143) à une prise en compte de la valeur du patrimoine dans le calcul des ressources de demandeurs d'une APL (à compter du 1er octobre prochain), à la dégressivité de l'aide au-delà d'un montant plafond de loyer et à l'exclusion de l'APL étudiant lorsque les parents sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
A noter également : la loi de finances prévoit l'abandon de la réforme de l'APL accession, qui consistait de facto en sa suppression (LFI, art. 140). Prévue dans la loi de finances pour 2015 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2016, la mesure se trouve ainsi abrogée avant même d'avoir été appliquée (voir notre article ci-contre du 27 octobre 2014).

Assouplissement du Pinel et prolongation pour le Malraux et l'éco-prêt

Troisième volet du triptyque, l'investissement locatif n'est pas non plus oublié, même si les mesures adoptées sont relativement marginales. On retiendra notamment l'assouplissement apporté au dispositif "Pinel", avec la suppression de la condition de mixité des logements dans les programmes immobiliers correspondants (LFI, art. 7). De même, les investisseurs institutionnels intervenant dans le locatif intermédiaire bénéficient de la suppression de la condition de mixité pour certaines opérations réalisées dans les communes comptant déjà plus de 50% de logements locatifs sociaux (LFI, art. 13). Autre pivot de l'investissement locatif : le dispositif "Malraux" (LFI, art. 5 et 79) est une nouvelle fois prorogé, mais aussi étendu aux quartiers présentant une forte concentration d'habitat ancien dégradé et entrant dans le Nouveau Programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
En matière d'aide à l'amélioration et à la rénovation des logements, la loi de finances comporte deux dispositions. La première (LFI, art. 106) prolonge jusqu'au 31 décembre 2016 le crédit d'impôt pour la transition énergétique (Cite). Elle lui apporte au passage quelques aménagements, notamment en matière de protection des consommateurs et de qualification des prestataires. La seconde (LFI, art. 108) prolonge pour trois ans - jusqu'au 31 décembre 2018 - le dispositif de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Elle en assouplit également les modalités, crée un éco-PTZ complémentaire pour les copropriétaires bailleurs ou occupants et adapte le dispositif au cas des bénéficiaires des aides de l'Anah.

Exonérations et abattements en tout genre pour produire du logement

A ces différents dispositifs, s'ajoutent une kyrielle de mesures fiscales, d'inégale importance. La première, qui intéresse très directement les bailleurs sociaux, prolonge d'un an (jusqu'au 31 décembre 2016) l'exonération des plus-values résultant de la cession d'un immeuble - par un particulier, une collectivité territoriale, un EPCI... - à un organisme HLM (LFI, art. 32). Cette exonération ne vaut toutefois que si l'organisme HLM s'engage à utiliser ce nouvel immeuble pour réaliser des logements sociaux dans un délai de quatre ans suivant la cession. Dans le cas particulier des secteurs couverts par le NPRNU, ces exonérations prennent fin pour les cessions d'immeubles concrétisées à partir du 1er janvier 2016.
Toujours dans le souci de favoriser la production de logements, une autre disposition (LFI, art. 93) donne aux collectivités et aux EPCI la possibilité d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une durée de cinq ans, les propriétaires de locaux à usage de bureaux qui les transforment en logements (sous réserve que ces logements soient destinés à des résidences principales).
Dans le même esprit, une disposition (LFI, art. 99) traite du cas de la transformation de friches industrielles ou commerciales en "lofts" locatifs dans un immeuble collectif. Les communes pourront ainsi pratiquer un abattement de 30% sur la valeur locative de ces nouveaux "lofts", sous réserve que la commune concernée compte au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville (même si l'opération en cause n'est pas réalisée dans ce quartier). Curieusement, cette possibilité avait déjà été instaurée en 2008 dans les zones urbaines sensibles (ZUS), mais n'avait pratiquement pas été mise en œuvre.

Libérer le foncier

Pour favoriser la libération du foncier, un autre article (LFR, art. 62) introduit divers aménagements à la majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones tendues. Les communes et les EPCI peuvent notamment moduler désormais - entre 1 et 5 euros par mètre carré - la majoration de la taxe foncière, qui était initialement fixée à 3 euros.
Du côté de l'Etat, deux dispositions sont prévues pour encourager la production de logements. La première (LF, art. 54) étend la décote applicable aux cessions immobilières de l'Etat en faveur du logement social. Jusqu'alors limitée aux opérations de construction ou de rénovation lourdes, la décote pourra désormais s'appliquer à tous les programmes de production de logements (y compris des opérations de réhabilitation). La seconde disposition (LF, art. 55) déplafonne - en la portant de 30% à 100% - la décote applicable aux cessions de terrain appartenant au ministère de la Défense. La mesure semble toutefois tomber à contretemps, alors que les moyens de la Défense sont "sanctuarisés" pour faire face au terrorisme et aux menaces internationales.

S'adapter aux évolutions des collectivités

La loi de finances prend également en compte les évolutions récentes dans le périmètre et l'organisation des collectivités locales. Elle adapte ainsi diverses dispositions fiscales au cas de la création de communes nouvelles, concernant notamment les abattements sur la taxe d'habitation et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (LFR, art. 53). Toujours dans le cas de création d'une commune nouvelle, une autre disposition (LFR, art. 54) limite à une année - à compter de la création d'une nouvelle commune - la validité des délibérations d'exonération ou de suppression de la taxe d'aménagement prises par les anciennes communes.
Enfin, la loi institue - sauf délibération expresse y renonçant - la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement dans les communautés urbaines et dans le ressort de Lyon Métropole (LFR, art. 55). Le cas du Grand Paris attendra un an de plus, dans la mesure où les compétences correspondantes en matière d'aménagement ne lui seront transférées qu'au 1er janvier 2017.

Naissance aux forceps pour le Fonds national des aides à la pierre

Pour leur part, les organismes de logement social - très remontés sur la mesure - ne manqueront pas de s'intéresser à l'article instaurant le Fonds national des aides à la pierre (LFI, art. 144). L'article entérine les dispositions âprement débattues (voir nos articles ci-contre du 19 novembre et du 16 octobre 2015). Sans surprise, le Fnap est notamment "chargé de contribuer, sur le territoire de la France métropolitaine, au financement des opérations de développement, d'amélioration et de démolition du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, aux sociétés d'économie mixte mentionnées à l'article L.481-1 et aux organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage [...]". L'article fixe également les modalités de gouvernance du fonds. Outre les représentants de l'Etat et des bailleurs sociaux, son conseil d'administration "est également composé de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements et de membres de l'Assemblée nationale et du Sénat".
L'article précise aussi les ressources du fonds, qui remplace à la fois le Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS) et le fonds de péréquation de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Ce remplacement prendra effet le 1er août 2016. L'article ne fixe pas le montant des ressources du Fnap, mais - selon les indications du gouvernement - celles-ci devraient être de l'ordre de 270 millions d'euros en 2016.

De tout, un peu

Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut également citer quelques autres mesures éparses, mais néanmoins significatives. Ainsi, des délais plus contraignants sont fixés pour le versement, au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), des astreintes dues par l'Etat au titre du non-respect du droit au logement opposable (Dalo) pour les ménages reconnus prioritaires et auxquels aucune solution n'a été proposée (LFI, art. 142).
Pour sa part, le Fonds d'aide au relogement d'urgence (Faru) - créé en 2006 et prolongé une première fois en 2011 - est à nouveau prolongé jusqu'en 2020 (LFI, art.169). Ce fonds a pour objet de contribuer au relogement des personnes expulsées pour des motifs d'insalubrité ou de mise en danger de la sécurité.
Enfin, la loi (LFI, art. 75 et 95) maintient ou aménage le bénéfice de certaines exonérations fiscales au bénéfice de personnes âgées ou des personnes handicapées, notamment en matière de taxe d'habitation. Elle porte en particulier de 10 à 20% l'abattement facultatif maximal de taxe d'habitation pour les personnes handicapées.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : loi 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ; loi 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 (Journal officiel du 30 décembre 2015).

 

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