Agences d’urbanisme et EPF se coordonnent en faveur de la sobriété foncière
La Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau), l’Association des établissements publics fonciers locaux et le Réseau national des EPF d’État se rappellent au bon souvenir des collectivités, soulignant l’ingénierie qu’ils peuvent leur apporter dans la lutte "pour la sobriété foncière et contre la spéculation".
"Agences d’urbanisme et établissements publics fonciers se mobilisent pour la sobriété foncière et contre la spéculation", clament dans une déclaration commune présentée ce 19 janvier la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau), l’Association des établissements publics fonciers locaux et le Réseau national des établissements publics fonciers d’État, décidés à faire profiter les collectivités territoriales de leur expertise. "Les collectivités sont confrontées à une équation très complexe et à des enjeux contradictoires : limiter l’étalement urbain tout en répondant à la demande de logements – des logements abordables – et d’équipements, en tenant compte des nouvelles aspirations des Français et de la réindustrialisation", recontextualise Brigitte Bariol, déléguée générale de la Fnau. Un défi d’autant plus grand que les collectivités "sont confrontées à des difficultés de deux ordres", ajoute Arnaud Portier, directeur de l’EPFL du Pays basque : "À court terme, un contexte réglementaire créé avec un état d’esprit différent, où l’orientation de l’organisation foncière était encore positive, avec des espaces autorisés à l’urbanisation ; à long terme, une accentuation de la pression foncière, qui se traduira par une flambée du coût du foncier – la rareté fait le prix. L’enjeu est de trouver comment conserver une capacité d’action publique dans ce contexte." Pour aider les collectivités à faire face à cette "nouvelle donne", ces organismes ont en conséquence décidé d’"allier leur action".
Plan de bataille
Claude Bertolino, directrice générale de l’EPF Provence-Alpes-Côte d’Azur, détaille le plan de bataille, qui s’articule autour de quatre axes, chronologiques : l’observation des évolutions du foncier et de l’habitat ; l’analyse des situations territoriales et foncières pour mieux accompagner les élus dans leur stratégie foncière ; la planification du développement et de la préservation des espaces à enjeux - via les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) - et l’action sur le foncier, "là où les enjeux sont accrus : recyclage foncier, protection du littoral, besoin de logements sociaux, redynamisation des centres-villes et centres-bourgs, réindustrialisation, etc."
À dire vrai, la loi Climat et Résilience (voir notre article du 17 décembre 2021) avait déjà invité ces organismes à rejoindre la lutte. La loi a en effet ajouté aux missions des agences d’urbanisme celle de "contribuer à la mise en place des observatoires de l'habitat et du foncier" qu’elle a par ailleurs imposés. Elle a de même explicitement précisé que les établissements publics fonciers et les établissements publics fonciers locaux pouvaient appuyer les collectivités et leurs groupements en matière d’observation foncière "notamment dans le cadre" de ces mêmes observatoires. Elle a en outre ajouté aux missions de ces établissements celle de mettre en place des stratégies foncières afin de favoriser "la lutte contre l'étalement urbain et la limitation de l'artificialisation des sols".
Observation renforcée
"Il existe déjà beaucoup de dispositifs d’observation foncière", note Brigitte Bariol. "L’enjeu est de les généraliser, de les déployer sur les territoires qui n’en sont pas encore munis", explique-t-elle. Dans le détail, la loi dispose que les nouveaux observatoires de l'habitat et du foncier doivent être mis en place au plus tard trois ans après que le programme local de l'habitat a été rendu exécutoire. Le texte ajoute qu’ils "ont notamment pour mission d'analyser la conjoncture des marchés foncier et immobilier ainsi que l'offre foncière disponible", en s’appuyant notamment sur un recensement des friches constructibles, des locaux vacants ou encore, dans certains secteurs spécifiques, des surfaces potentiellement réalisables par surélévation des constructions existantes, des surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables et des espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques.
Fnau et EPF relèvent que "les territoires pour lesquels les enjeux sont accrus sont pour la plupart couverts par des agences d’urbanisme et des établissement publics fonciers". "46 millions d’habitants sont couverts par une des 49 agences d’urbanisme existantes", détaille Brigitte Bariol, alors que Mayotte et Nice devraient prochainement rejoindre la liste. "95% de la population française vivent dans un territoire couvert par un EPF", ajoute Claude Bertolino. L’observation et l’analyse ne devraient donc guère poser difficulté.
De la théorie à la pratique
Il en va différemment de la planification. En termes de délais d’abord. À la demande des associations d’élus, le projet de loi 3DS, prochainement discuté en commission mixte paritaire, "doit donner un peu d’air", rappellent les intervenants. Concrètement, en l’état du texte, six mois supplémentaires pour la remise en état des Sraddet et des Scot (voir notre article du 17 décembre 2021). En termes de contenus ensuite, même si Brigitte Bariol relativise : "Beaucoup de Sraddet ont anticipé les objectifs et beaucoup de Scot avaient commencé à réduire les espaces urbanisables." Reste que d’aucuns, dont la Fédération des Scot, estiment les objectifs fixés par loi Climat inatteignables dans certains territoires (voir notre article du 30 juin 2021), relève-t-on. "Nous ne sommes pas là pour commenter la loi, mais pour faire en sorte de pouvoir atteindre les objectifs qu’elle fixe", signifie Claude Bertolino, peu encline à ouvrir le débat.
Au-delà, Brigitte Barriol met en exergue "la nécessité d’une action forte, la planification étant un levier insuffisant". "Acquisition, portage, préparation du foncier pour de nouveaux usages, sur tous territoires, tendus ou non", décline Arnaud Portier, qui avance l’expertise des EPF en la matière. Il remarque néanmoins que "la question de la rente foncière devra nécessairement être posée", déplorant qu’une décision du tribunal administratif de Pau du 3 novembre 2020 ait annulé la révision du POS valant PLU de la commune d’Arcangues "au motif que le déclassement de zones urbanisables portait atteinte au droit de propriété des personnes concernées". Et de plaider pour que "les zones AU non urbanisées pendant neuf ans rebasculent automatiquement en zone naturelle ou agricole, comme le prévoyait la loi Alur" (voir notre article du 27 mars 2014).