Les quinzièmes rencontres nationales des Scot sous le signe de la loi Climat
La loi Climat, publiée au JO quelques heures seulement avant leur ouverture, a animé les discussions des quinzièmes rencontres nationales des Scot (schémas de cohérence territoriale) qui se sont achevées ce 27 août. Principale source d’inquiétude, la mise en œuvre de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols, à laquelle devra désormais contribuer une "conférence des Scot" sortie du chapeau de la commission mixte paritaire du 12 juillet dernier. Si, à long terme, les élus redoutent ses conséquences sur une production de logements jugée déjà insuffisante, ils réclament à court terme ingénierie et financement pour réviser leurs schémas.
Lors des quinzièmes rencontres nationales des Scot, qui se sont déroulées les 26 et 27 août derniers, à Saint-Malo, la loi Climat (voir notre article de ce jour) était, si ce n'est sur toutes les lèvres, dans tous les esprits des participants – plus de 330 élus et techniciens. Il est vrai que la publication du texte au Journal officiel la veille seulement des "pré-rencontres" – tenues le 25 et réservées aux adhérents de la Fédération nationale des Scot – a aidé. Président de cette dernière, Michel Heinrich confirme que la loi est source de vives inquiétudes pour nombre de ses adhérents. "Son application va être très compliquée, car elle fait franchir des marches très hautes", explique l’élu, qui avait déjà alerté les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire en mai dernier (voir notre article du 21 mai 2021). Il déplore en outre "un temps très contraint pour la mettre en œuvre, qui ne favorise pas l’acceptation sociale alors que la population n’est pas informée, n’est pas prête. Il va falloir être très pédagogue !", avertit-il. Maigre consolation, "nous avons désormais cinq ans pour mettre les Scot en conformité avec la loi, et non plus un an, ce qui était tout simplement impossible, y compris pour les services de l'État".
"Loger tout le monde, à coût acceptable"
La principale "alerte" a trait à l’objectif de zéro artificialisation nette des sols, qui va peser sur une "production de logements déjà insuffisante, en réduisant le foncier disponible et, partant, en renchérissant les coûts. Loger tout le monde, à coût acceptable, voilà le principal enjeu des années à venir", pointe Michel Heinrich, qui attire également l'attention sur "l’impact qu’aura la réduction du foncier sur l’économie – à l’heure où l’on entend relocaliser la production – et les mobilités".
Le message ne surprend gère, puisque la fédération a déjà signalé naguère la difficulté, voire l’impossibilité, à répondre sur le terrain à l’objectif fixé, en se fondant sur les résultats d’un simulateur créé pour l’occasion (voir notre article du 30 juin 2021). En cause, l’absence de territorialisation des objectifs, qui ne prennent en compte ni les efforts déjà fournis par les territoires les plus vertueux – "comme si on était partis d’une feuille blanche !" –, ni les dynamiques (démographiques, économiques…) à l'œuvre, différentes d’un territoire à l’autre.
Une "conférence des Scot" pour répartir l’effort
La fédération a-t-elle été entendue ? Toujours est-il que la commission mixte paritaire chargée de la loi Climat, réunie le 12 juillet dernier, a depuis sorti de son chapeau une "conférence des schémas de cohérence territoriale", qui devra être réunie dans chaque région dans les six mois afin de soumettre, dans les deux mois suivants son installation, "une proposition relative à l'établissement des objectifs régionaux en matière de réduction de l'artificialisation nette", document contenant "des propositions relatives à la fixation d'un objectif régional et, le cas échéant, à sa déclinaison en objectifs infrarégionaux". La "surprise du chef", s’exclame Stella Gass, directrice de la fédération. Si cette conférence "va compliquer les relations entre les Scot", craint Michel Heinrich, elle devrait idéalement permettre de répartir l’effort entre les territoires. Sera-ce suffisant ? "On verra peut-être qu’à l’épreuve des faits, certaines choses ne seront pas possibles", grince Michel Heinrich.
Fiscalité, financements et ingénierie à revoir
Dans tous les cas, l’élu appelle une nouvelle fois à revoir avec la prochaine loi de finances "une fiscalité qui favorise le neuf". "L’aide à la pierre devra être augmentée", ajoute-t-il, proposant notamment de "dupliquer le Pinel pour l'ancien" ou de "déployer le régime Denormandie au-delà des ORT" (opérations de revitalisation de territoire). Est également mise en avant la nécessité de "mieux outiller les élus locaux et de leur apporter de nouveaux financements". Ne serait-ce que pour mettre à jour leur Scot. Stella Gass relève que les collectivités n’ont pas anticipé cette nouvelle charge budgétaire – "réduire l’artificialisation de 50% est tout sauf mécanique ; cela nécessite de repenser l’ensemble du projet" – et souligne que "les révisions fréquentes des documents ne permettent pas leur amortissement". Or les moyens internes sont limités, comme l’expose une étude (voir encadré ci-dessous) que la fédération vient de publier.
Essor du contentieux ?
À moyen terme, d'autres marches sont redoutées : celles du tribunal. "Les élus risquent d'être pris entre deux feux : d’un côté, les habitants dont les biens urbanisables vont devenir agricoles ou naturels ; de l’autre, les associations environnementales, pour lesquelles les élus ne vont jamais assez loin." Si Michel Heinrich se veut pour l'heure rassurant – "les contentieux sont encore peu nombreux" –, Stella Gass remarque que "l’annulation du PLUi de Toulouse [au regard des objectifs de consommation d’espaces] fait beaucoup parler". En cette rentrée, dans les travées malouines, on ne manquait décidément pas de sujet de conversation.
Les élus locaux n’ont pas besoin qu’on leur montre le chemin pour agir. Telle pourrait être la conclusion de l’étude que vient de publier la fédération des Scot sur la mise en œuvre opérationnelle de ces derniers, fruit d'entretiens conduits auprès de 22 Scot et d'une enquête au périmètre élargi (170 réponses). Il en ressort que les élus ont spontanément et de manière volontariste conduit diverses actions pour mettre en œuvre leur schéma, et ce bien au-delà des 13 figures jadis imposées. "L’enquête montre que toutes les politiques publiques – 21 au total – sont concernées, y compris dans des domaines comme la santé ou l’alimentation", pointe Stella Gass, qui relève encore que "plusieurs ont anticipé la nouvelle formule, notamment en adoptant des Scot valant PCAET [plan climat air énergie territorial]". L'étude recense plus de 160 actions différentes, et ce en dépit d’une "ingénierie limitée" : "près de 60% des établissements ne comptent qu’un seul agent chargé du Scot". In fine, 14 axes de progrès sont identifiés (mieux impliquer les habitants, utiliser le bilan et l’évaluation comme un outil d’aide à la décision…). "Le principal enjeu est le renforcement de la coordination du bloc local, jusqu’à la commune", juge toutefois Stella Gass. |