Enfance - Adoption : l'intérêt supérieur de l'enfant reste déterminant
Les Etats généraux de la bioéthique, lancés le 18 janvier dernier et qui se poursuivront jusqu'en juillet, doivent aborder la question de la PMA (procréation médicalement assistée) et de la GPA (gestation pour autrui). Deux sujets qui amèneront inévitablement à évoquer l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette notion - de plus en plus prégnante en matière de protection de l'enfance - joue un rôle important en matière d'adoption. Il y a trois ans, un juge pour enfant avait ainsi, au nom de ce principe, ordonné à un service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) de rendre un enfant à un couple qui l'avait... acheté (voir notre article ci-dessous du 9 septembre 2014). Le même mois, la Cour de cassation avait, dans un avis, ouvert la voie à l'adoption, par des couples homosexuels, d'enfants nés par PMA, en invoquant l'intérêt de l'enfant (voir notre article ci-dessous du 24 septembre 2014).
Deux mères pour un enfant
Un arrêt de la Cour de cassation, en date du 28 février 2018, apporte un éclairage supplémentaire sur la notion d'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce, un couple de femmes, Mme X et Mme Y, avaient élevé ensemble - en concubinage, sans être mariées - un enfant né de Mme Y "sans filiation paternelle établie" (l'arrêt ne dit pas clairement si la naissance résulte d'une PMA, mais la formulation le laisse penser).
Les deux femmes s'étant séparées, Mme X présente une requête en adoption plénière de l'enfant. Demande rejetée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Mais, en cassation, Mme X faisait valoir "qu'en se bornant à relever que la requête en adoption de Marie Y présentée par Mme X conduirait à rompre le lien de filiation avec Mme Y, sa mère biologique, et que la séparation de Mmes Y et X présentait un obstacle majeur à l'adoption, sans rechercher si l'intérêt supérieur de l'enfant n'imposait pas de faire droit à la requête tout en écartant les textes nationaux limitant l'adoption aux enfants accueillis au foyer de l'adoptant et entraînant la rupture du lien de filiation entre l'enfant et sa mère biologique, et ainsi de permettre l'établissement d'une filiation de l'enfant avec Mme X, correspondant à un lien affectif existant, tout en conservant celle existant avec Mme Y, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme".
L'intérêt supérieur de l'enfant impose de maintenir la filiation biologique
Dans son arrêt, la Cour de cassation rejette le moyen invoqué et confirme l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Elle fait notamment valoir que "seule l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise par l'article 345-1 [du Code civil, ndlr], laisse subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et de sa famille". En revanche, l'adoption plénière par un tiers (cas habituel des adoptions) substitue intégralement une nouvelle filiation à celle d'origine. La Cour fait en outre remarquer "que le droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impose pas de consacrer, par une adoption, tous les liens d'affection, fussent-ils anciens et établis".
Dans ces conditions - et après avoir relevé que Mme X et Mme Y. n'étaient pas mariées -, la Cour de cassation considère que "l'adoption plénière de Marie par Mme X mettrait fin au lien de filiation de celle-ci avec sa mère, qui n'y avait pas renoncé, ce qui serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel résidait dans le maintien des liens avec sa mère biologique".
L'adoption aurait en revanche été possible - toutes choses égales par ailleurs - si Mme X et Mme Y avaient été mariées (l'adoption de l'enfant par Mme X n'effaçant pas alors la filiation avec Mme Y) ou si Mme X s'était contentée d'introduire une demande d'adoption simple, qui n'efface pas la filiation d'origine et aurait donc pu être considérée comme conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Références : Cour de cassation, première chambre civile, arrêt n°17-11069 du 28 février 2018, Mme Cécile X / Mme Catherine Y et autres (publié au bulletin).